C’est une approche originale de la Seconde Guerre mondiale que nous proposent Jean Lopez, Vincent Bernard et Nicolas Aubin, tous trois spécialistes de l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale. Associés au data designer Nicolas Guillerat ils ont fait le choix de l’infographie pour nous expliquer les caractéristiques de ce qui reste comme la plus meurtrière des guerres totales
L’ouvrage se structure en 4 grandes parties : le cadre matériel et humain, ,armes et armées, batailles et campagnes, bilan et fractures. A l’intérieur de chacune d’elle des entrées de 2 à 4 pages permettent de faire le point sur un aspect particulier. Cela comprend un texte qui résume les points importants, la mention des sources utilisées, et surtout les infographies qui font la marque de fabrique de l’ouvrage.
Le cadre matériel et humain.
La situation politique de l’Europe permet de mettre en évidence le progrès des régimes autoritaires et des partis extrémistes : du nazisme au communisme en passant par les divers groupes nationalistes. Dommage cependant que les infographies sur ce thème se contentent de localiser et non de quantifier l’importance des forces extrémistes à l’intérieur des pays concernés.
La plupart des pages sont cependant consacrées aux capacités de mobilisation humaines et industrielles des pays en guerre. Cela permet de mesurer la disproportion des forces et des capacités des camps en présence, depuis le capital humain jusqu’à la productivité en passant par l’étude des différentes productions stratégiques : pétrole, armes… Le poids de l’industrie américaine ressort clairement tandis que le Reich choisir sciemment de piller l’Europe en ressources comme en travailleurs. Les choix graphiques permettent de saisir rapidement les enjeux de cette guerre totale.
Armes et armées
Une approche thématique est ici privilégiée afin de comprendre le mode de fonctionnement des divers états-majors et ce qui fait les spécificités de la Seconde Guerre mondiale. Les blindés sont bien traités par une présentation des concepts allemands et soviétiques de leur utilisation. Mais les auteurs n’oublient pas que la base des armées reste la division d’infanterie et le rôle majeur de l’artillerie. Il y a des jeux d’échelle entre la présentation de doctrines d’emplois globales (les troupes aéroportées par exemple) et celles de matériels plus précis comme les munitions antichars ou les flottes de combat.
Batailles et campagnes
Une série d’infographies consacrées aux principales campagnes et batailles qui met en évidence le déroulement de celles-ci, les forces en présence et les bilans humains, matériels et territoriaux. Le récit de celles-ci n’est pas l’objectif des auteurs, ils veulent fournir les clés de la compréhension et accordent un intérêt particulier à des aspects importants, souvent négligés, comme le rôle de la logistique (à travers la bataille de l’Atlantique ou après le débarquement en Normandie) et des chaines d’approvisionnement. On le voit particulièrement bien dans le cadre de la présentation de la guerre dans le désert ou de la bataille de Stalingrad. Les focus effectués sur une unité ou un moment particulier permettent d’avoir un cas concret qui facilite la compréhension.
Bilans et fractures
Les inégalités entre pays apparaissent ici clairement à travers les infographies. Celles-ci distinguent parfois des territoires de leur métropole (Indochine par exemple) ou les différentes républiques de l’URSS. Elles permettent de mesurer le coût humain de la guerre et les causes de mortalité des militaires (y compris les femmes soldats soviétiques) comme des civils. Une Europe ruinée et marquée par des déplacements massif de population lié aux modifications de frontières dans laquelle un nouvel ordre bipolaire va s’installer.
L’action des résistances à l’occupant est traitée en montrant que celle-ci est aussi un enjeu mémoriel. L’appareil répressif nazi et sa dimension génocidaire ainsi que les différentes formes de collaboration ne sont pas oubliés.
En conclusion
Un ouvrage riche en données, souvent originales, qui permet de trouver de nombreuses informations sur le conflit, de quoi illustrer à propos un cours sur la guerre totale et d’anéantissement. Certes le front Pacifique est moins bien traité que les autres mais compte tenu de la richesse de l’ouvrage, les auteurs ont dû faire des choix. Pour le reste on se plait à imaginer une version numérique qui permette de tirer le meilleur parti de ces infographies en les projetant ou en permettant de zoomer sur certains aspects. Cela permettrait de gagner en lisibilité, car la densité de certaines illustrations, et les choix de couleurs, en rendent certaines parfois difficiles à décrypter. Heureusement cela ne concerne qu’une petite minorité des infographies mais c’est dommage au vu de la qualité de l’ouvrage.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau