Premier volume d’une trilogie sur la dynastie familiale des Koechlin, famille d’entrepreneurs industriels alsaciens, cette BD nous plonge au cœur de l’âge industriel en France. Nous suivons le destin de Nicolas Koechlin, patriarche autoritaire et ambitieux, chef d’entreprise et politicien d’envergure, et à travers lui, le destin de ses enfants. Destin évidemment tracé par un père emblématique de la bourgeoisie industrielle de l’époque.

A travers ce parcours, somme toute assez classique d’un homme visionnaire de cette période, la BD aborde de multiples thèmes qui nous permettent une réelle plongée sociale et complexifient une « simple » histoire familiale et régionale. A travers le modèle familial bourgeois sont évoqués pêle-mêle les rôles de la femme bourgeoise, entre une mère peu présente et une fille, enseignante dévouée pour les enfants d’ouvriers, qui essaie d’échapper à l’étreinte paternelle et à un futur mariage arrangé ; les ambitions contraintes d’un père envers son fils, futur héritier de la société ; les trajectoires d’un cadet de famille pour se faire une place au soleil.

Mais cette BD, c’est aussi une évocation précise et détaillée de la vie sordide des ouvriers, entre mépris patronal, luttes de classes pour reprendre le vocabulaire marxiste de l’époque, éducation des enfants, violence physique et morale de la vie à l’usine, maladies et problèmes physiques.

Enfin, cette œuvre nous fait rentrer dans la lutte technologique, économique, politique entre industriels français dans une quête de prestige personnel et familial quant aux innovations en cours à cette époque. C’est aussi le contexte d’une lutte géopolitique et géoéconomique entre France et Angleterre.

Cette BD s’adresse à un public très large. Le style de Florent Brossard, très brut, est en adéquation avec les imaginaires que l’on peut se faire de l’époque et parlera à tous. C’est-à-dire qu’il ne faut pas être un passionné de train pour apprécier une œuvre qui dépasse largement ce thème. Elle est idéale dans le cadre des programmes de 4e ou de 1ère où l’âge industriel est évoqué, à la fois pour les professeurs et les élèves. D’autant plus que les auteurs ont complété leur travail avec un cahier documentaire réalisé par la Cité du Train et les archives de Mulhouse très utile et pertinent.