Réédition d’un livre paru en 2017, la bille d’Idriss est un ouvrage émouvant sur la situation des enfants migrants. A l’heure où ce thème est au cœur de nombreuses polémiques, il est bien d’y remettre de l’humanité.

Idriss est un petit garçon qui joue souvent avec sa bille, son unique bille, dans son village en Afrique. Un jour, une balle siffle au- dessus de sa tête. Les adultes parlementent. Idriss continue de jouer avec sa bille. Mais la guerre approche, il doit fuir avec sa mère. Il ne prend qu’une seule chose, sa seule bille et laisse derrière lui son terrain de jeux. C’est la fuite, de camion en car, jusqu’à un immense grillage hérissé de barbelés, il a toujours sa bille au creux de la main. Après des heures, des jours, il ne sait plus, sa mère l’entraîne sous les barbelés. Ils arrivent à la plage et sa mère donne de l’argent à des hommes. Ils embarquent sur un vieux rafiot, eux et d’autres. Idriss serre la main de sa maman et dans l’autre sa précieuse bille. Sa bille qui jusqu’ici leur a porté chance. Le petit garçon s’endort mais soudain, une sirène déchire le silence, il crie  et sursaute. La bille saute dans les airs, tourbillonne dans la lumière du bateau des garde-côtes et disparait dans l’obscurité. Heureusement, un homme récupère in extremis la bille et la remet à Idriss.

Quelque temps plus tard, Idriss joue avec sa bille « sur une autre terre ». Un petit garçon s’approche et lui propose dans une langue qu’il ne connaît pas « on joue aux billes ? ».

Idriss répète le mot billes : « C’est le premier mot de sa vie d’ici. »

Dans un format à l’italienne, cette histoire est très émouvante. En utilisant le point de vue d’un enfant,  avec une focale sur un objet de transition : une bille, jouet universel des plus communs et pourtant ici si précieux, l’auteur soulève la difficulté des réfugiés : la guerre, le départ, le camp,  les passeurs, la traversée et les garde-côtes. Et la bille, talisman de chaque instant qui se fera le lien avec la nouvelle vie d’Idriss.

Les illustrations servent bien le propos : des traits épais et sombres, des zones noires profondes illuminées par des aplats de couleurs avec la lumière chatoyante de la bille. Des gros plans sur l’enfant, peu de visages d’adultes, des ombres, des silhouettes.

René Gouichoux, l’auteur, est ancien instituteur et collabore régulièrement avec les éditions Rue du monde ainsi que Zaü, l’illustrateur. Celui-ci s’inspire de ses nombreux voyages dans son travail de dessinateur.

Le vocabulaire est simple, accessible à des jeunes lecteurs, pas de pathos, juste les faits racontés. L’ouvrage se termine par une note positive, ce qui n’est pas toujours le cas dans la vie réelle.

A aborder dès le cycle 2 en enseignement moral et civique, ou sur une thématique des enfants dans le monde. En lien avec l’actualité des migrants en Europe ou dans certaines régions françaises qui ont à gérer la problématique de la présence de réfugiés pour expliquer aux plus jeunes. Les préjugés sur les migrants sont vifs et présents très rapidement, les adultes transmettent souvent leurs peurs à leurs enfants. Et c’est par les enfants, nos élèves que le regard porté sur ces hommes, ces femmes et aussi ces enfants peut changer. Car malheureusement, très souvent, ils quittent un monde de misère, des camps de barbelés et de grillages  pour arriver ici et se retrouver dans un autre monde de boue, de rats, de grillages et de barbelés. Où est notre humanité ?

Aux abords de Calais
17 février 2020