Jérémie Moreau est un surdoué de la BD. Depuis l’âge de huit ans, il participe chaque année au concours de la BD scolaire d’Angoulême. En 2005, à 17 ans, il obtient le prix et poursuit  ses études aux Gobelins, dans la conception de films d’animation. En 2012, il est primé Jeune Talent au Festival d’Angoulême pour Le Singe de Hartlepool, sur un scénario de Wilfrid Lupano. En 2018, à tout juste 30 ans, il décroche le Fauve d’Or, l’une des plus importantes récompenses du 9ème art pour La Saga de Grimr, édité par la maison Delcourt.

En septembre 2022, Jérémie Moreau sort son dernier opus dans l’univers de la BD, Les Pizzlys, une fable naturaliste qui met en scène une fratrie accaparée par les écrans et le monde virtuel (l’aîné est chauffeur freelance collé à son GPS, le plus jeune frère et la plus jeune sœur sont scotchés aux réseaux sociaux et aux jeux vidéos en ligne). Un accident de la vie va conduire la fratrie de Paris en Alaska, au contact de la nature.

Tous les critiques félicitent le récit écologique intelligent. Le pizzly, rappelons-le, est un animal hybride né du croisement entre l’ours polaire et le grizzly en Alaska. Il est la trace de ce que peut nous enseigner le réchauffement climatique : la nature trouve toujours son chemin. Il ne s’agit pas de dessiner la fin du monde mais son évolution.

Jérémie Moreau est un grand lecteur de l’œuvre de l’anthropologue Philippe Descola et de celle du philosophe Bruno Latour.

Les Pizzlys est une résultante de ces lectures mais doit également beaucoup à Jean-Christophe Cavallin, auteur de Valet Noir en 2021. Dans ce texte, Cavallin défend l’idée d’une « écologie du récit » qui ferait de l’imaginaire une manière de construire d’autres protocoles de réalité. Dans Valet Noir, l’auteur français dénonce une réalité moderne, scientifique et rationalisée, où seuls les procédés scientifiques, technologiques aident à sa construction.

C’est exactement le propos repris dans Pizzlys mais c’est également celui La Chambre de Warren, adapté à un public de jeunes enfants.

La Chambre de Warren est ainsi le premier album jeunesse de Jérémie Moreau qui inaugure ainsi la collection qu’il dirige aux éditions Albin Michel Jeunesse « Ronces ». La ligne éditoriale de cette collection et donc de cet album est clairement annoncée en fin d’ouvrage : « Il y a un besoin brûlant de nouvelles histoires. Des histoires taillées pour les défis du XXIe siècle. Des histoires écologiques. Dans les livres pour enfants, l’écologie est bien souvent réduite à la protection de la nature. Celle que je revendique est une écologie qui pense la cohabitation des vivants. […] J’aimerais que les enfants d’aujourd’hui aient autant de désir à devenir terrestres, pour reprendre l’expression de Bruno Latour, qu’à devenir princesses ou Superman ».

            En adoptant le même vocabulaire graphique utilisé pour Les Pizzlys, Jérémie Moreau raconte dans La Chambre de Warren comment cette dernière va devenir une arche de Noé face à la folie destructrice d’un dragon. Les parents de Warren finissent par suivre leur enfant et vont l’accompagner dans sa mission de « sauveteur de la Terre ». La famille devient terrestre, et plus elle le devient et plus le dragon perd d’énergie et d’influence.

« Plus ils travaillaient ensemble, plus ils chantaient, et plus ils connaissaient la mélodie de Pan ».

Ce conte écologique rappelle combien il est important pour l’être humain d’être à l’écoute de la nature, d’être de manière permanente dans la résilience.