Pierre-Cyrille Hautcœur
La crise de 1929

Éditions la Découverte – Collection repères. 127 pages 9.50 €

http://www.collectionreperes.com/

Huit décennies après déroulement la crise de 1929 suscite toujours autant d’intérêt pour ce qui concerne son interprétation, ses causes, et les politiques mises en œuvre pour en combattre les effets. Cet ouvrage de la collection repères, la petite collection au format de poche des éditions la découverte, vient à point nommé pour proposer aux lecteurs une explication très claire de ces phénomènes économiques qui suscitent à tout le moins la curiosité et l’intérêt depuis la crise des subprimes de l’automne 2008.
Cet ouvrage permet de comprendre les fondamentaux de l’économie et notamment ceux qui relèvent de la crise structurelle du capitalisme, notamment les phénomènes de surproduction, l’impact du crédit mal mesuré, et surtout les responsabilités du secteur bancaire dans son déclenchement. On retrouve ici de très nombreuses similitudes avec la situation de 2008.

Mais cette crise est également envisagée par l’auteur comme celle de la première mondialisation, et c’est à ce titre que cet ouvrage est sans doute le plus utile.

Pourtant, au milieu de 1929, le monde semble installé dans une période de prospérité. Après des années de tensions politiques entre grandes nations à la suite du règlement difficile de la Première Guerre mondiale, la paix paraît rétablie durablement. En août, l’Allemagne ratifie le plan Young, qui réduit les réparations de guerre et prévoit l’évacuation de la Rhénanie par les troupes françaises tout en donnant des garanties internationales de paiement aux Alliés.
Mais les indicateurs de la récession, qui a déjà commencé dans certains pays (en particulier en Allemagne, au Brésil ou au Canada), n’inquiète pas. Comme dans les années 70, avec Samuelson, des économistes pensent que les crises sérieuses sont exclues. Sans doute grâce au Gold Exchange standart sensé réguler la création monétaire et inciter aux comportements vertueux.

Le krach boursier est donc un coup de tonnerre dans un ciel serein : Du Black Thursday au Black Tuesday (24 et 29 octobre), la Bourse de New York connaît un véritable effondrement. De façon quasi mécanique l’économie réelle bascule dans la récession : la production d’automobiles s’effondre, les usines ferment, le chômage et la détresse sociale augmentent.
En un an, la production industrielle mondiale baisse de 12 % et le commerce international recule pour la première fois depuis le début de la décennie.
Moins connu mais peut-être plus important, le grand choc a lieu en 1931 : une crise financière internationale partie d’Europe centrale, la faillite de la banque d’Autriche notamment, renverse en quelques mois le système d’étalon-or jusque dans le pays qui en était à la fois le symbole et le défenseur intransigeant depuis deux siècles : la Grande-Bretagne. Le chômage atteint des niveaux jamais envisagés jusque-là (5,6 millions de chômeurs en Allemagne, 12 millions aux États-Unis, soit dans les deux cas environ 25 % de la population active) ; la crise devient forte même dans des pays initialement moins atteints, comme l’Espagne ou la France, notamment dans l’industrie. La France s’était crue à l’écart, en raison de la solidité de sa monnaie et de l’importance de son encaisse-or.

Le choc de 1931

Chaque pays recherche individuellement une solution à ses difficultés, ce qui conduit à des politiques variées d’autarcie (Allemagne), de repli impérial (Grande-Bretagne, France), de protectionnisme (États-Unis), de substitution de la production nationale aux importations (Brésil), politiques qui n’ont en commun que le fait de contribuer à la chute des échanges internationaux et à une recrudescence des tensions internationales. Le recours au protectionnisme a été évoqué en 2008 même si cela n’a jamais dépassé les effets de tribunes. Plusieurs politiques sont adoptées en ordre dispersé : Le corporatisme en Italie, la rigueur budgétaire en France et l’expansion monétaire en Grande Bretagne et aux Etats-Unis.
Au Japon et en Allemagne la militarisation de l’économie, la relance par des commandes de l’État créent l’illusion de la relance , tandis que dans d’autres pays, aux États-Unis, en France, le chômage demeure jusqu’à la guerre très élevé dans de nombreux pays.
Les contemporains perçoivent déjà la crise comme exceptionnelle. Dès 1934, L. Robbins lui donne l’appellation qui est restée dominante en anglais : the Great Depression.
Cette dépression inégalée par son ampleur comme par sa durée représente depuis quatre-vingts ans un défi pour les sciences sociales et particulièrement la science économique. Son origine, ses causes immédiates ou plus profondes, ses mécanismes de transmission entre secteurs comme entre pays, les modalités de la reprise, le rôle positif ou négatif des différentes politiques essayées, rien ou presque ne fait l’objet d’un accord général de la part des observateurs contemporains ou des analystes postérieurs.
La crise est d’une gravité exceptionnelle aux États-Unis et la politique du New Deal menée par Roosevelt a un impact mondial. La question d’une origine étasunienne de la crise est toute de même posée puisque nombre de pays entrent en récession avant les États-Unis : c’est le cas, dès 1928, de l’Allemagne, de la Pologne, mais aussi de l’Argentine, du Canada, de l’Australie et du Brésil.

Les États-Unis cœur de la crise ?

La crise de la spéculation devenue financière et bancaire, monétaire serait à l’origine de la dépression. Le krach boursier, les faillites bancaires en chaîne, les défauts de paiement de nombreux pays sur leur dette internationale, ce qui fait penser au cas de la Grèce aujourd’hui, l’effondrement de l’étalon-or font parte des hypothèses envisagées et examinées par l’auteur.
L’auteur entend donner une vision ordonnée de la dépression, en présentant tout d’abord le caractère mondial de la dépression. Celle-ci ne se limite pas à une crise américaine transmise au monde entier par la puissance de l’économie dominante. Si le poids des États-Unis ne doit pas être négligé – en 1929, leur économie pèse » autant que celles de l’Allemagne, la France, la Grande- Bretagne et l’Italie réunies -, il ne doit pas conduire à oublier le reste du monde.
Les Européens considérèrent longtemps la crise comme américaine, mais certains Américains – à commencer par le président Hoover – jugèrent qu’elle trouvait sa source dans l’incapacité des Européens à faire la paix après 1919. L’auteur rejette aussi l’effet papillon. Un accident mineur, une erreur localisée de politique économique ou monétaire, peut, par des effets d’amplification, avoir des conséquences majeures.
Une dépression aussi importante ne peut se comprendre sans un examen des structures économiques, sociales et politiques au sein desquelles elle prend place.
A ce propos, on peut peut-être se poser la question, celle qui tue les libéraux. Est-ce le retour au bon fonctionnement des marchés précédemment entravés qui permet la reprise ou au contraire la mise en place des régulations dont l’absence aurait été à l’origine de la crise ?

Bruno Modica

Sur le même sujet, sur la Cliothèque une chronique de Yann Coz

Maury Klein
Le Krach de 1929 Les Belles Lettres, 2009, 33 euros.

http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2740