Un nouveau tome de « l’histoire générale de la Chine » aux Belles Lettres
L’histoire générale de la Chine publiée par les Belles Lettres s’enrichit d’un nouveau volume. Après les dynasties Qin et Han (-221 à 220) en 2017, la République Populaire de Chine (1949-2018) en 2018 et la République de Chine (1912-1949) en 2019, ce quatrième volume retrace de façon minutieuse l’histoire de la dynastie des Song, du milieu du IXe siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle.
Plus volumineux que les tomes précédents, avec plus de 700 pages, l’écriture a été confiée à Christian Lamouroux, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales et spécialiste de la fiscalité, des institutions et de la gestion de l’eau durant la dynastie des Song. L’écriture s’appuie sur les travaux récents menés par des historiens français, chinois, américains et japonais.
La première partie dresse l’histoire politique de la période à travers la succession de souverains. Le 3 février 960, une troupe de cavaliers des Zhou postérieurs proclame leur chef Zhao Kuangyin comme étant le nouvel empereur, à la place du jeune Gongdi (6 ans). Fondateur de la dynastie et prenant le nom de Taizu, il fait la conquête des royaumes de Chu (963), des Shu postérieurs (965), des Han du Sud (entre 970 et 971), des Tang du Sud (975). Son successeur Taizong poursuit sur la lancée de son prédécesseur en affirmant sa souveraineté sur le territoire de Wuyue (978) et des Han du Nord en 979. Les deux empereurs réorganisent rapidement l’administration par des réformes, notamment en supprimant le système des commanderies et en nommant des préfets dans chaque région administrative.
Au début du XIe siècle, la pression exercée par les Tanguts devient très forte sur les régions septentrionales. En dépit d’une alliance de fortune avec les Tibétains, l’empereur Zhenzhong ne parvient pas à stopper les troupes des Liao-Khitan, capturant notamment l’un des proches de l’empereur des Song, Wang Jizhong. Les négociations de paix aboutissent à un traité en 1005 qui impose le versement d’un tribut annuel des Song au Liao-Khitan, des mariages de part et d’autres de la frontière et une coopération judiciaire.
Négocié alors que la cavalerie Liao était à moins de deux cents kilomètres de Kaifeng et que les Song avaient repris l’avantage militairement, « le traité de Shanyuan est un produit de la géopolitique ; il atteste que pendant toute une période deux entités politiques concurrentes sont parvenues à maintenir sur leur territoire un équilibre des forces ». On peut prolonger cette conclusion de Ray Huang sur deux plans. D’une part, la fin de l’affrontement armé exigeait de déplacer le champ de forces. La démilitarisation du territoire des Song se traduisit dès 1005 par la nomination de plusieurs fonctionnaires civils à des postes militaires régionaux. Avantageux pour les deux parties, le commerce régulier entre les deux empires s’imposa comme l’une des conditions du maintien de cet équilibre. Augmentant leur prestige autant que leurs ressources, l’indemnité annuelle qui leur était due et la nouvelle ouverture commerciale permirent aux Khitan d’imposer plus encore leur hégémonie sur les réseaux d’Asie centrale. Du côté des Song, le montant d’un versement annuel qui ne représentait qu’un ou deux pour cent des dépenses engagées pour la guerre fut largement compensé par les bénéfices tirés des sept marchés frontaliers stipulés par le traité.
Source : Extrait tiré du livre « La dynastie des Song » publié aux Belles Lettres, 2022, page 81
Cette « histoire complexe et riche en événements » (page 167) se poursuit aux XIe et XIIe siècles par la cession de la partie Nord aux Jin en 1127. Avec la capture des deux empereurs (Huizong et Qinzong), c’est la fin de l’âge d’or des Song. Désormais, la dynastie occupera le Sud du fleuve jaune, autour d’une nouvelle capitale, Hangzhou (qui succède à Kaifeng). Le milieu du XIIIe siècle est marqué par les affrontements des Song avec les Mongols. En 1253, le royaume bouddhiste de Dali, tributaire des Song, est conquis par les Mongols. Après de nombreux sièges, dont celui de la citadelle de Fan en 1273, les Mongols prennent la ville de Guangzhou en 1277. Deux ans plus tard, la mort de l’empereur Di Bing marque la fin de la dynastie des Song.
La seconde partie de l’ouvrage aborde de façon thématique la société dans son ensemble. Les frontières, le commerce, les migrations, l’agriculture, l’artisanat, la monnaie, l’administration, la famille impériale, la religion et la justice font l’objet d’une mise en perspective sur le temps long.
Une vingtaine de cartes en couleur sont à la fois disséminés au fil des chapitres et regroupées à la fin de l’ouvrage dans les annexes. La réorganisation des frontières dans la première moitié du IXe siècle, les divisions administratives de la dynastie des Song, l’invasion des Liao-Khitan de 1004 durant laquelle les troupes atteignent les berges du fleuve jaune en entrant dans la ville de Shanyuan, les révoltes de Fang La (1120-1121 à partir de la base de Muzhou) et de Song Jiang (1119-1121 depuis les marais de Lianghan situés à l’Est de Puzhou) au début du XIIe siècle, mais aussi la conquête des Mongols qui entrainent la fuite de la cour des Song entre 1276 et 1279, les cartes sont extrêmement utiles pour apprécier les évolutions politiques, administratives, commerciales et sociales de la période. Elles sont d’autant plus appréciées qu’il n’existe pas d’atlas récent retraçant l’ensemble de l’histoire chinoise en cartes.
Source : Extrait tiré du livre « La dynastie des Song » publié aux Belles Lettres, 2022, pages 34-35
Une véritable somme qui plaira aux étudiants en histoire, parfois curieux de découvrir un pan de l’histoire médiévale chinoise, généralement peu abordée dans les cursus universitaires. Les doctorants et professeurs en histoire de l’art, en économie et en études chinoises pourront également trouver une mise au point à la fois dense et rigoureuse sur un thème précis (la monnaie, le bouddhisme, les échanges commerciaux, les lois et la justice). Une œuvre magistrale et sans équivalent en langue française.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes