L’épée, la famine et la peste est un diptyque de Dark fantasy médiévale d’Aurélie Wellenstein, une écrivaine française, principalement de récits de fantasy, prolifique, qui publie au rythme d’un roman par an. L’histoire nous plonge dans un monde médiéval sombre et oppressant, en pleine déliquescence. Le royaume est envahi par des araignées qui tissent progressivement leurs toiles, ensevelissant les hommes et les espaces dans l’obscurité, la folie et la mort.

 Survivre dans un monde à l’agonie

La première moitié de l’ouvrage sert surtout à planter le décor et à présenter les trois principaux protagonistes. Dans ce monde médiéval à l’agonie, les piqures d’araignées confèrent différents pouvoirs ou malédictions, en fonction de l’espèce : capacité de contrôler les autres êtres vivants, visions du futur, violence exacerbée… Aurélie Wellenstein crée un monde complexe et angoissant, violent, peuplé de monstres, de mythes, de superstitions et de douleur. Cet univers très noir est presque un personnage à part entière. Les femmes sont très souvent accusées d’être des tarentas, c’est-à-dire des sorcières, qui tirent leurs pouvoirs de piqures d’araignées. L’Inquisition, grande ennemie de ce premier tome, leur livre une guerre sans merci, les traquant, les soumettant à la question et les brûlant sur des bûchés. Cette Inquisition fait autant régner la terreur que les sorcières.

Dans ce contexte, trois personnages marginaux et rejetés de cette société s’unissent, bien malgré eux, et tentent de survivre : Sulyvahn, l’ancien soldat de l’Inquisition déchu, persuadé que son fils vit dans l’œil d’un cerf à la ramure de fer, Cillian, un jeune loup-garou et Erin, accusée de sorcellerie.

Une fois les protagonistes réunis, l’intrigue commence réellement et le rythme s’accélère. Si le monde apparaît très manichéen de prime abord, opposant l’Esprit Saint au culte païen de l’Araignée, à mesure que les personnages progressent dans leur périple, la frontière entre les deux s’estompe, les deux cultes ayant leur part d’ombres, de violences, et d’injustices. Le premier tome retrace leur fuite éperdue pour échapper à l’Inquisition, et notamment à Conrad et Lile, les bras droits du mystérieux chef de l’Inquisition, le moine écarlate. A mesure que leur fuite progresse, ils tracent un chemin de sang, entraînant la question suivante : sont-ils des bouc-émissaires ou, au contraire, trois redoutables fléaux qui porteront le coup de grâce à ce monde agonisant ? Leur objectif est de trouver la Tisseuse, la reine des tarentas, afin de briser leurs différentes malédictions.

L’accélération de l’intrigue jusqu’à un dénouement inattendu

Un des grands points forts du second tome est d’adopter le point de vue de Conrad, l’inquisiteur, pendant une grande partie de l’intrigue, prenant ainsi le contre-pied du premier tome et remettant en cause tout ce que le lecteur pensait savoir à l’issue du tome 1. Ce changement de narrateur brouille les frontières entre le Bien et le Mal, montrant que, finalement, aucun des camps en présence n’est tout blanc ou tout noir, aucun des personnages principaux n’est totalement gentil ou méchant. Le point d’orgue de ce tome est la rencontre entre les cinq protagonistes et le tournant de leurs quêtes respectives.

Un autre point fort, selon moi, est l’introspection de chacun des personnages qui cherchent qui ils sont. Leurs secrets sont progressivement dévoilés, de même que leurs prises de conscience ou les choix impossibles qu’ils doivent faire.

Le rythme est plus soutenu que dans le premier tome, avec une intrigue plus dense et riche en émotion, même si les dialogues paraissent parfois un peu simplistes et en décalage par rapport à la noirceur de l’ensemble. Les rebondissements s’enchaînent, sans temps mort, jusqu’à une conclusion inattendue, le véritable ennemi n’étant pas ce que l’on attendait.

Un monde sombre et fascinant

Si les romans ont un côté un peu « académique », l’autrice appliquant une recette bien rodée, avec une écriture très propre et une histoire réglée comme du papier à musique, l’univers créé est convainquant et suffisamment intrigant pour faire oublier ce côté quelque peu artificiel.

Ce diptyque reprend les codes de la fantasy médiévale. On y retrouve les éléments analysés par Justine Breton dans son ouvrage Un Moyen-âge en clair-obscur, à propos des séries médiévalistes. Le monde est empreint de violences, notamment contre les femmes, opprimées par un patriarcat guerrier, de saleté et de sang. Les personnages reprennent les stéréotypes du genre, avec la figure du guerrier, ici déchu, des marginaux en quête d’identité dans un monde qui les rejette, et la figure du vagabond.

Au-delà de l’intrigue qui est efficace et plaisante, plusieurs thèmes sont intéressants. L’idée que les animaux cherchent à soigner le monde est une jolie conclusion. La question du statut des femmes et des violences qu’elles subissent, à travers l’image classique de la sorcière, accusée de tous les maux, est également intéressante. Leur recherche de liberté face à l’emprise des hommes se heurte à leur violence. On retrouve l’idée, développée par Justine Breton, que la violence contre les femmes est une composant des récits médiévalistes pour adultes. Dans L’épée, la famine et la peste, les femmes apparaissent souvent comme des victimes, fréquemment enlevées et violées, Erin étant accusée de sorcellerie à cause de la tentative de viol d’un garçon de son village, ou comme des sorcières perfides.

Pour conclure, L’épée, la famine et la peste est une agréable lecture pour tous les amateurs de dark fantasy.