Publié en édition poche aux éditions Dargaud, le roman graphique de Thomas Gilbert narre les évènements survenus  en toute fin de XVIIème siècle dans la petite communauté puritaine de Salem Village, passée à la postérité comme illustration de la folie des Hommes et de la rage misogyne qu’elle a pu véhiculer.

Nous suivons le parcours d’Abigail Hobbs, jeune femme ayant réellement existé et qui fut plongée dans la noirceur de l’âme humaine au sein de sa petite communauté. Fille de William Hobbs, élevée par sa belle-mère Deliverance (sa mère étant morte en couche), Abigail navigue dans sa petite société, toute entière sous l’influence du pasteur Samuel Parris. Aby est proche de la fille du berger d’âmes : Elizabeth Parris. Aby aime parcourir les forêts luxuriantes du Massachusetts, rencontreles communautés amérindiennes illustrées par « l’homme en noir », et connait ses premiers émois amoureux. L’âge adulte se profile et avec lui la mise en retrait des femmes jusqu’au mariage, véritables tentatrices pour les fils d’Adam.

Peu à peu la communauté sombre dans la peur de la punition du Très Haut et de la sanction pour les péchés non expiés. Le pasteur Parris, de plus en plus résolu à inspirer la crainte pour mener son peuple selon son bon désir, nourrit la crainte en poussant à la chasse aux démons. Les démons qui se dissimulent chez l’autre et non pas en soi. Les amérindiens seront les premières cibles, les relations se dégradent lourdement et les morts s’accumulent des deux côtés.

La peur pousse à se retourner contre son prochain. L’étranger, le marginal, devient une cible. A Salem Village c’est la famille Bishop, composée de Caroline et de sa mère, seules catholiques, qui en feront les frais. Elles seront massacrées par la foule. L’assassinat, réalisé et cautionné par le groupe, soude les jeunes femmes, Abigail et ses amies, et leur fait prendre conscience de la folie qui gagne progressivement le groupe, à mesure que les difficultés alimentaires et climatiques s’accumulent.

Abigail et Betty font de l’art divinatoire. Le jeu les déstabilise, le démon semble poursuivre Abigail. Elle verra alors ce qu’elle n’aurait pas dû voir : l’adultère consommé du pasteur Parris, la faute du berger qui hurle à la pureté de ses ouailles et qui jure de briser Aby. Les procès pour sorcellerie débutent alors. Un à un les habitants viennent dénoncer les voisins, les voix entendus, les porcelets devenus des représentants du Malin. Puis vint l’amoureux éconduit, l’homme jaloux de trouver celle qu’il aime et désireuse de se rapprocher de l’Autre, des amérindiens. Il accuse les femmes, et notamment l’élue de son coeur, d’avoir pactisé avec le diable au cours d’un Sabbat.

Le village accuse le village. Les arrestations s’enchainent. La folie collective s’empare de tous. Abigail et les autres doivent payer pour les péchés du pasteur Parris. Pour les turpitudes qu’il tente de cacher à la face de ces contemporains, à défaut de pouvoir le faire face à Dieu. La messe est dite et le sort d’Aby et de ses 18 autres soeurs est scellé. Elles doivent mourir pour ressouder la communauté, devenir des agneaux sacrificiels. Sous le mensonge et la mort revient la paix, du moins en apparence.

Les filles de Salem met en image l’histoire mainte fois contée Citons la célèbre pièce d’Arthur Miller, mise en scène en 1996 sous le nom La chasse aux sorcières avec Winona Ryder et Daniel Day Lewis dans les rôles-titre() des sacrifiés de Salem, donnés à la vindicte et au tribunal populaire, manipulés par la force de quelques personnes avides de vengeance ou de profits. Une oeuvre plaisante, qui rappelle combien, à l’heure où les droits des femmes sont remis en cause dans la plus grande démocratie libérale du monde, il est nécessaire de se souvenir et de se battre.

 

Une autre mise en scène autour des procès de Salem : La chasse aux sorcières (Crucible en VO) 1996