La Frontière est le neuvième volume d’une collection, débutée il y a trois ans et consacrée à deux surprenants petits personnages : Bob, l’ours brun et Marley le grizzli. Bob est à Stan Laurel ce que Marley est à Oliver Hardy. À la naïveté du premier répond la fierté de l’autre. Bob est grognon, petit et gaffeur. Marley est grand, câlin et farceur. La série s’adresse aux enfants qui commencent à lire et qui auront plaisir à manipuler un album carré de petit format.
L’histoire et les textes sont de Frédéric Marais, les illustrations de Thierry Dedieu. La complicité de Bob et Marley n’a d’égal que la complicité de Marais et Dedieu. Les deux illustrateurs ont travaillé dans la publicité, c’est d’ailleurs là qu’ils se sont rencontrés et qu’ils ont commencé à travailler ensemble, pendant dix ans. Dans un article de la Revue des Livres pour Enfants, Frédéric Marais présentait la série et la relation entre les deux personnages de la manière suivante : « Quand on aime vraiment un ami, c’est que l’on aime aussi ses défauts, je crois que c’est Michel Denisot qui a dit ça à propos de Gérard Depardieu. Cette collection tourne autour de ça. C’est facile d’aimer les qualités des gens, c’est bien plus difficile de se débrouiller de leurs défauts. C’est là que l’on se rend compte de ce qu’est vraiment l’amitié[1] ».
Dans cette nouvelle aventure, Marley enseigne à Bob ce qu’est une frontière en prenant un repère visuel dans le paysage. Aux nombreuses questions naïves de Bob (c’est quoi une frontière ? pourquoi sépare-t-elle des contrées ressemblantes ?), Marley tente des réponses, au début assez simples, et puis de plus en plus saugrenues et proches du non-sens. La frontière, rendue visible dans l’album par un arbre pointu et un simple talus, est accidentellement franchie par Bob. Marley est alors paralysé par l’interdit que contient l’idée de frontière. Il ne peut venir secourir Bob, tombé en bas du talus, car il se trouve maintenant à « l’étranger ».
Du franchissement de cette frontière, qui est finalement invisible, découle un certain nombre de démarches administratives car la frontière n’est rien moins que le résultat d’un consensus politique et territorial entre deux États contigus. De fait, la situation devient burlesque aux pages 27-28 : le pli du livre, sur lequel figure l’arbre pointu, sépare les deux compères. Marley perplexe, réfléchit et annonce la couleur : « Je dois d’abord faire une demande B12 pour avoir un passeport. J’essayerai ensuite d’obtenir un visa pour te sortir de là, et dans une à deux semaines tu seras de retour dans ton pays ».
[1] Frédéric Marais, Brigitte Andrieux, Marie Lallouet et Claudine Hervouet, « Bob Marais et Marley Dedieu, métaphore d’une complicité professionnelle et artistique », La Revue des Livres pour Enfants, 2015, n0286, p.134.141.