Dès la couverture, le ton est donné. Qu’y voit-on ? Au premier coup d’œil, le drapeau français chapeaute le titre mais à y regarder de plus près, l’oriflamme nationale est composée d’un dégradé des couleurs de 4 tee-shirts étiquetés. Voilà ainsi résumée la problématique du livre de Pierre Veltz, celle de la place de la France dans la mondialisation. La mondialisation effraie les Français alors qu’elle est l’essence même de notre pays et de la grande transition dans laquelle notre territoire est engagé, qu’on le veuille ou non.

Pierre Veltz, est socio-économiste. Il enseigne à l’Ecole des Ponts et à Sciences-Po (Paris). Il a précédemment publié Mondialisation, villes et territoires : L’économie d’archipel. 1996. (réédité en poche, réactualisé, en 2005). Il possède un site : http://veltz.fr/pierre_veltz/pierre_veltz_index.html qui fait la synthèse de ses travaux et offre des liens vers des émissions auxquelles il a participé.

La mondialisation effraie car elle génère des inégalités. En délocalisant des emplois peu qualifiés, elle accroît les écarts entre les gagnants de la mondialisation (« les diplômés des secteurs en croissance, mobiles et habitant les grandes villes ») et les perdants (« les ouvriers peu qualifiés des sites délocalisables, les employés éliminés par les nouvelles technologies, les populations bloquées dans les trappes du chômage et de la pauvreté »). Les territoires sont le laboratoire privilégié d’observation et d’action de ces phénomènes. Les métropoles sont les lieux de la mondialisation. La réticence à la mobilité des Français est un obstacle à leur réussite professionnelle. Comme s’en alarme Laurent Davezies dans La République et ses territoires. Seuil, 2008, la France qui gagne prend en charge les territoires qui perdent (par des transferts de fonds publics et privés). Pour Pierre Veltz, les territoires sont le terrain privilégié de la transition dans laquelle la France est engagée. La région, les agglomérations et l’échelle infranationale doivent être le support de ce développement. Pour lui, les autres structures sont inappropriées.

A partir d’un travail très documenté (nombreuses notes de bas de page développées), Pierre Veltz insiste sur les traductions spatiales de la mondialisation : polarisation et métropolisation. C’est en cela que l’on peut conseiller la lecture de cet ouvrage aux préparationnaires de l’agrégation interne d’histoire – géographie 2009, la mondialisation étant au programme. Il s’agit bien d’un livre de géographie.

L’auteur montre que les réseaux, la métropolisation et la connectivité sont centraux pour comprendre la France qui a connu la grande transition. Les espaces hors-réseaux, y compris français, vont avoir de plus en plus de mal à se faire une place dans le jeu mondial. Les règles de fonctionnement de l’espace, qui ont prévalu pendant les Trente Glorieuses, ont changé. Désormais, la capacité d’un lieu a attiré des talents compte plus que celle qui consiste à attirer des entreprises. La géographie de la consommation se dissocie de plus en plus de la géographie de la production (reprise de la thèse de Davezies). Les aménités jouent un rôle essentiel, tout comme les politiques urbaines initiées par les pouvoirs locaux, pour accroître l’attractivité des grandes régions urbaines.

Pour Pierre Veltz, nous vivons désormais dans une société hyper industrielle, c’est-à-dire « caractérisée par la convergence entre l’industrie des objets et l’industrie des relations (les services) ». Il refuse l’appellation de société post industrielle car elle fait penser que le temps de l’industrie est passé alors que la société dans laquelle nous vivons est entourée de technologies, issues de l’industrie. La place de l’économie de la connaissance est encore trop réduite, que se soit en France ou dans l’Union Européenne, par rapport aux Etats-Unis où l’on investit largement dans la recherche et développement. Les pôles de compétitivité sont, d’après lui, une réponse incomplète à cette lacune.

La mise en place de cette nouvelle société a des impacts territoriaux : l’étalement urbain en est l’une de ces caractéristiques, avec comme conséquence l’explosion des mobilités quotidiennes (et pas seulement en suivant le modèle radial centre / périphérie). Ce que François Ascher appelle les « métapolis ». Il est nécessaire d’inventer de nouveaux schémas de gestion. Les frontières de la ville sont brouillées. Une grande partie de l’espace rural relève de ces constellations urbaines en formation. La question de la durabilité écologique de ces modes de vie se pose d’autant plus avec l’explosion des prix du carburant.

L’ensemble se lit très facilement. L’auteur prend la peine de faire le point sur des aspects essentiels de la question de la mondialisation, comme de l’évolution économique connue par la France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il fait la synthèse de travaux universitaires ainsi que de nombreux articles de presse traitant du sujet. Il propose aussi des solutions à la situation actuelle. Il insiste notamment sur le fait qu’il faut apprendre à anticiper les transitions dans lesquelles l’économie française est engagée. La gestion des personnes, victimes de restructuration, est un enjeu énorme pour les territoires. En revanche, un secteur peut, peut être, répondre aux difficultés rencontrées, par le potentiel de demandes. Il s’agit du secteur des services à la personne, voire le tertiaire plus globalement. Les services peuvent être un véritable moteur de l’économie.

Cette lecture peut être complétée avec celle, moins géographique, du rapport d’Hubert Védrine paru en septembre 2007 : La France et la mondialisation.

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