Note de l’éditeur. « Quand un paradis prend des allures d’enfer

Manille, 1897. Pour venir en aide à son père ruiné par un accident du sort, José part faire son service militaire aux îles Philippines. Un an plus tard, c’est Félix, son cadet, qui débarque à son tour à Manille. Mais alors que la guerre éclate entre l’Espagne et les États-Unis, l’archipel se retrouve pris en étau entre ces deux puissances souverainistes et les guérilleros indépendantistes philippins. Pour le moment encore séparés, nos deux frères risquent bien de célébrer leurs retrouvailles aux prises avec les tourments de l’Histoire…

Née suite au conflit hispano-américain de 1898, l’insurrection philippine réprimée par l’armée américaine fit, en l’espace de 3 ans, plus d’un million de morts civils. À travers cette nouvelle série au souffle romanesque, les auteurs décident de nous replonger au cœur de cet épisode incroyablement méconnu de l’histoire, que l’Amérique aurait préféré oublier ».

 

Cette bande dessinée est une excellente occasion pour le lecteur français, fût-il professeur d’histoire, de se replonger dans cette guerre assez peu connue, à savoir la guerre hispano-américaine de 1898.
Ayant perdu au long du XIXe siècle la plus grande partie de ses possessions coloniales aux Amériques, les Espagnols restaient accrochés à Cuba et à Porto Rico, ainsi qu’aux Philippines. Puissance coloniale sur le déclin, largement dépassée par les autres pays européens du point de vue économique, l’Espagne ne possède que quelques bastions industriels dans le nord-ouest, avec les mines des Asturies notamment, et des domaines agricoles latifundiaires dominées par de grands propriétaires terriens.
Le scénario de cette bande dessinée nous fait partir justement de ces régions minières où la misère pousse les jeunes gens à accepter de devenir remplaçants dans les quintas, pour remplacer un jeune homme plus fortuné ayant tiré un mauvais numéro. Ce tirage au sort qui a été supprimé en France sous la IIIe République reste encore très largement en usage de l’autre côté des Pyrénées.
C’est ainsi que Félix et José se retrouvent aux Philippines à la veille de la guerre qui éclate entre les États-Unis et l’Espagne en 1898. À Cuba comme aux Philippines la population s’est déjà soulevée contre l’occupation espagnole et les États-Unis ont bien compris l’intérêt stratégique de l’archipel dans le Pacifique, sans parler de Cuba qui est toute proche.
La presse américaine a très largement fabriqué une opinion publique belliciste, puisque près de 200 000 hommes se portent volontaires pour partir se battre contre les Espagnols présentés comme de véritables barbares oppresseurs des peuples. Un attentat contre un cuirassé américain, le Maine, en rade de Cuba sert de prétexte aux États-Unis pour déclarer la guerre, et l’intervention militaire a lieu simultanément à Cuba comme aux Philippines.
Les États-Unis ont également joué la carte du nationalisme philippin pour affaiblir leur adversaire, même si, une fois en possession de l’archipel l’Amérique issue pourtant d’une guerre d’indépendance contre sa métropole, procède à une opération de colonisation.
On retrouve donc, au-delà de l’histoire de ces soldats engagés, et que l’on voit bien sous-équipés et très peu entraînés, l’action d’espions et d’agents troubles, y compris japonais, mais aussi britanniques, agissant en sous-main pour le compte des États-Unis.
Les nationalistes philippins sont incités à se soulever contre les Espagnols défaits par la destruction de leur flotte en rade de Manille et qui se retrouvent harcelés par une population locale hostile. On assiste pendant ce temps au large de Manille à une forme de gesticulation navale dans laquelle on retrouve évidemment l’US Navy mais également la flotte impériale allemande et la Royal Navy. L’Allemagne impériale s’est engagée sous le règne de Guillaume II dans une politique navale et dispose d’ailleurs de position dans le Pacifique avec les îles Bismarck. Cela explique des manœuvres au large des Philippines, pendant cette période.
On trouve également dans le scénario les éléments indispensables au roman d’aventures avec Véronique qui appartient au mouvement insurrectionnel philippin le Katipunan. Les dialogues entre les personnages sont d’ailleurs entremêlées de Talagog, un dialecte parlé autour de Manille qui est devenu depuis la langue officielle des Philippines.
En août 1898, nous retrouvons nos héros dans la ligne de défense établie au sud de Manille avec des soldats espagnols qui essayent de résister à l’insurrection locale. La guerre se termine officiellement le 15 août, les îles Philippines n’appartiennent plus à l’Espagne, mais les combats continuent.

Le premier tome se termine dans un combat désespéré autour d’une église, tandis que les soldats espagnols tirent avec leur Mausers leurs dernières cartouches.

On attend avec impatience le deuxième tomeÀ paraître le 28 août 2019., puisque après s’être libérés de la domination espagnole avec la complicité active des États-Unis, les nationalistes philippins déchanteront très vite. Leurs libérateurs entendent bien imposer leur domination sur l’archipel, et ils s’en donneront les moyens. Le titre du prochain volume est d’ailleurs évocateur : génocide.