Présentation de l’éditeur :
Emmett Till. « Un livre salutaire et nécessaire. Pour ne jamais oublier. En partenariat avec l’association Amnesty International.
De nos jours, un homme blanc, jeune journaliste, questionne un vieux musicien noir. En fait il s’intéresse assez peu au blues : il voudrait savoir quels ont été – 60 ans plus tôt – les liens du musicien (alors âgé de treize ans), avec Emmett Till. Et le bluesman, non sans émotion, accepte de parler, et de remonter le temps…
Quand Emmett Till, jeune adolescent noir de quatorze ans venu de Chicago passer ses vacances chez Moïse son grand-oncle, descend le 24 août 1955 du train en gare de Money dans le Mississippi, il ne sait pas encore qu’il va vivre les cinq derniers jours de sa courte vie.
Il aura eu la malchance de pénétrer dans une épicerie réservée aux Blancs et de se comporter de « manière provocante » vis-à-vis de Carolyn, épouse de l’épicier, Roy Bryant.
Mis au courant de « l’affront », Roy, accompagné de son demi-frère Milan, part dans une chasse à l’homme qui finira tragiquement. Après avoir kidnappé Emmett, ils le tortureront avant de le jeter dans l’eau de la rivière. Ils seront plus tard acquittés et se vanteront de leur « exploit » dans la presse ».
Mojo Hand. « La face sombre de l’Amérique. Louisiane, 1926, comté de St James. Quand Wilson Dardonne ramène à la maison un bébé blanc abandonné dans le bayou, il ne sait pas encore que celui-ci va devenir le frère de coeur de Cletus, son unique fils, aveugle et petit génie du blues en devenir.
Mais quelle idée de recueillir un enfant blanc dans un Sud follement ségrégationniste quand on est soi-même descendant d’esclave ?
C’est ce que ne cesse de lui répéter sa femme, Delilah : « Et tu crois qu’il va s’passer quoi si on trouve c’petit cul blanc chez des nègres, hein ? »… ».
Arnaud Floc’h a publié Emmett Till en 2015 ; on ne peut que saluer l’initiative de Sarbacane de le ressortir à l’occasion de la parution de son second album, Mojo Hand. On aurait pu disjoindre les deux bandes dessinées, mais leur thème était commun, et il valait mieux les traiter ensemble pour montrer la cohérence du travail et de la réflexion de leur auteur.
Les deux situations sont chronologiquement séparées d’une trentaine d’années. Mojo Hand se place en 1926, mais s’étend un peu au-delà de la seconde guerre mondiale et même jusque pendant la guerre du Viêt Nam ; Emmett Till en 1955. Dans les deux cas, nous nous trouvons dans le Sud ségrégationniste. Et dans les deux cas, Arnaud Floc’h s’appuie sur des événements réels, de façon assez libre pour le premier titre, mais très fidèlement pour le second. Comme le précise la présentation de l’éditeur, il cherche à faire comprendre au lecteur comment s’exprime la haine raciale, et a montré jusqu’à quel point elle peut s’exprimer. La conséquence se solde par des victimes, des meurtres, que la justice ne traite qu’avec complaisance. Pour autant, Arnaud Floc’h montre aussi la ségrégation peut être dépassée par des rapports plus amicaux entre Blancs et Noirs, sans que la conscience d’une barrière disparaisse complètement : chacun sait parfaitement ce qu’il peut faire et jusqu’où aller.
Outre la bande dessinée elle-même, Emmett Till comportent un cahier documentaire très bien conçu, qui s’appuie sur des photographies, et qui permet au lecteur de bien comprendre que ce qu’il vient de lire correspond à des faits historiques et montre la complexité des États-Unis d’alors. En 1955, le jeune Emmett Till provient de Chicago ; si les rapports entre les communautés ne sont pas basées sur l’égalité, ils ne sont pas conflictuels. C’est dans cet esprit qu’il débarque dans un autre univers, le Sud, dont il ne mesure pas les enjeux raciaux. Il la paie de sa vie.
Dans Mojo Hand, la musique prend une place plus importante. Il fallait s’y attendre, puisqu’il s’agit là de l’un des titres les plus connus de Sam Hopkins, autrement surnommé Lightnin’Hopkins, un bluesman né au Texas en 1912 parmi les plus importants de sa génération. Là, deux garçons élevés ensemble forment un groupe de blues qui sillonne la région. Bien évidemment, leur fraternité se heurte bientôt à la ségrégation, même si leur condition sociale ne diffère en rien : blanc ou noir, ces enfants sont pauvres.
Les deux albums sont à recommander à la lecture d’adolescents (et d’adultes, bien entendu), car ils trouveront encore un écho dans les actuels États-Unis, et permettront de comprendre un peu mieux les dissensions entre communautés. Ils reposent sur un trait assez simple mais des illustrations assez précises, qui permettent au lecteur de s’immerger dans le récit.