C’est un corps à la dérive repêché dans la mer par un bateau de pêche tunisien qui ouvre le superbe roman graphique Le dernier costume n’a pas de poche.
Passé le choc de cette première séquence, c’est le petit Abdoulaye qui erre dans les rues de Zarzis à la recherche de sa mère. Il l’affirme, ce sont des tortues marines qui l’ont sauvé de la noyade. Épisode rêvé ou réalité, petite touche d’espoir dans un monde où l’être humain sait être bien cruel, le petit garçon guinéen a la chance de croiser ensuite la route de Chamesddine Marzoug qui va tout mettre en œuvre pour retrouver la mère du petit garçon.
Dans cette région exsangue de la Tunisie, on croise ceux que la mer a rejeté du « mauvais » côté de la Méditerranée, on voit des candidats au départ pour qui la France fait figure d’Eldorado. On croise aussi des êtres qui agissent parfois contre leurs convictions et qui, à leur tour, profite de la misère et de la détresse et d’autres qui luttent soit par l’art, soit par l’altruisme face à des situations dramatiques…
Chamesddine Marzoug est un personnage non fictionnel, rencontré par le scénariste Laurent Galandon. Humaniste et membre du croissant rouge, il est à l’origine du « cimetière des inconnus », un lieu où reposent les corps de plus de 400 exilés morts dans la Méditerranée. Lorsque le petit Abdoulaye lui demande au cours du récit pourquoi il s’investit de la sorte pour des gens qu’il ne connaît pas, Chamesddine lui répond simplement : « parce que le dernier costume n’a pas de poche, mon jeune ami ».
Une très belle bande dessinée, servie par le trait talentueux de Paolo Castaldi, dont le propos ne peut que susciter une réflexion profonde sur l’accueil et le déplacement de ceux qui sont avant tout des êtres humains.