Michel Vergé Franceschi étudie la relation entre les Bonaparte et la mer. A travers la présentation successive et très énumérative des aïeuls de Napoléon Bonaparte, il s’attache à montrer comment ceux-ci se sont peu intéressés aux espaces maritimes.
D’un Bonaparte il est encore question avec Jacques-Olivier Boudon qui s’intéresse au parcours de Jérôme Bonaparte. Il semblerait que le Premier Consul ait voulu faire de celui-ci un officier capable de diriger sa marine. Il l’envoie donc parfaire son expérience à bord des navires de Ganteaume en 1800. Puis Jérome participe en 1801 à l’expédition de Saint Domingue et, à ce titre, traverse plusieurs fois l’Atlantique. Il commande la frégate l’Epervier en remplacement de son capitaine tombé malade. Il parcourt les Antilles pour faire un point sur leur situation. Mais il profite aussi de cette expédition pour passer par les Etats-Unis. Il reprend la mer en 1805, en tant que commandant du Vétéran dans l’escadre de l’amiral Willaumez envoyée en mission dans l’Atlantique Sud. Il reçoit alors le commandement d’une division de 3 bâtiments avec laquelle il se rend au Brésil avant de remonter vers la Guyane et les Antilles où il retrouve l’escadre. Le voyage de retour est plus mouvementé, le vaisseau de Jérôme perd l’escadre de vue, ne se rend pas au point de rendez-vous et rentre seul, sans rendre compte à qui que ce soit. Il capture certes quelques navires anglais, mais doit finir par se réfugier dans le port de Concarneau où son navire reste bloqué trois ans. Le comportement de Jérome finit par convaincre son frère de mettre fin à son expérience maritime. Mais le récit de ces voyages permet aussi de comprendre l’incapacité de la marine française à préserver l’empire colonial.
Jacques-Olivier Boudon livre également une contribution sur la politique de Napoléon en Méditerranée. C’est dans le monde méditerranéen que Bonaparte gagne les premiers honneurs, Toulon, l’Italie, Malte ou l’Egypte contribuent à sa gloire. Et il profite de ses victoires pour étendre la main mise française sur les côtes de la Méditerranée. De l’Espagne à l’Illyrie en passant par l’Italie, elles sont sous le contrôle direct ou indirect de l’empereur. Mais au large l’Angleterre reste maîtresse des mers : les Français ne peuvent s’emparer de la Sicile. Pire ils ne peuvent guère utiliser la mer pour approvisionner leurs troupes et doivent maintenir de nombreuses forces pour défendre les côtes.
Face à la Royal Navy, la guerre de course est souvent la réponse des français. Patrick Villiers fait ici le point, avec de nombreuses données sur l‘état et l’efficacité de celles-ci. Elle représente une source de revenus non négligeables, mais avec d’importants risques financiers pour les armateurs. Elle se révèle pratiquée par les marins du continent comme par ceux des Antilles. L’étude fait apparaître la grande disparité entre les ports et le peu de navires de fort tonnage engagés dans ses opérations.Le dernier tiers de l’ouvrage permet d’aborder une période plus faste pour les marins français, celle du Second empire. Michèle Battesti compare les politiques navales des deux empires. Le Premier empire veut une marine puissante, il bâti des infrastructures, construit des navires mais n’arrive pas à faire naviguer et donc à former des marins et doit se rabattre sur la guerre de course. L’effort budgétaire bien qu’important reste largement inférieur à celui de la Royal Navy. Alors que le Second empire se dote d’une marine capable de mener des opérations outremer, du Mexique à la Crimée. Le contexte est cependant différent, le Royaume-Uni n’est plus l’ennemi, les progrès techniques ont vu évoluer les flottes et le régime se donne les moyens de ses ambitions en terminant Cherbourg ou en créant des écoles de formation. Les innovations techniques sont encouragées et soutenues par Napoléon III.
Hélène Vencent étudie la carrière des officiers de marine ; l’occasion de voir comment ceux formés dans les écoles crées par Napoléon Ier à la fin de son règne ont terminé leur parcours sous le Second empire. Mais c’est aussi un moment de grands changements dans le métier d’officier de marine en raison des évolutions techniques. Il faut réfléchir aux évolutions des navires : propulsion, blindage…. De nouvelles spécialités apparaissent comme celle d’officier mécanicien. Le nombre et la qualification des marins embarqués change, et leurs cadres aussi. Les expéditions militaires sont davantage couronnées de succès, de la prise d’Alger à la guerre de Crimée en passant par la prise de Cadix. Les hommes gagnent en confiance. Les périodes de paix entre grandes puissances changent aussi leurs missions. Ils sont partie prenante des expéditions coloniales et de l’établissement des cartes hydrographiques comme des expéditions polaires en terre Adélie.
Enfin, Marie-Françoise Berneron-Couvenhes montre comment les ambitions maritimes du Second empire ne se sont pas limitées à la marine de guerre. L’âge industriel voit naître de grandes sociétés et le monde des armateurs ne déroge pas à la règle. C’est alors qu’est créée la Compagnie Générale Maritime qui est actuellement, sous le nom de CMA-CGM un des leaders mondiaux du transport maritime. L’auteure montre les mécanismes financiers qui permettent la création de telles compagnies et la constitution de flottes marchandes modernes. On voit aussi comment naissent les premiers réseaux maritimes avec la signature de conventions pour assurer des services de poste en Méditerranée ou vers l’Extrême-Orient.Un ouvrage dans lequel la diversité des contributions permet d’ouvrir de nombreux horizons. Dans un format court, elles sont accompagnées d’une bibliographie récente qui permettra d’explorer plus en profondeur ces vastes espaces.Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau