Avec le soutien de l’université d’Angers.
Mathis Stock travaille principalement sur « l’habiter », et les mobilités spatiales est un spécialiste reconnu en géographie du tourisme dans les sociétés contemporaines. En 2001, il soutient sous la direction de Rémy Knafou une thèse intitulée : Mobilités géographiques et pratique des lieux : étude théorico-empirique à travers deux lieux touristiques anciennement constitués : Brighton & Hove (Royaume-Uni) et Garmish-Partenkirchen (Allemagne). Il est aujourd’hui professeur en géographie du tourisme à l’Université de Lausanne. Vincent Coëffé actuellement Maître des Conférences à l’Université d’Angers s’intéresse à la ville et à la mondialisation à travers le tourisme et la géographie culturelle. Parmi ses publications phare on trouve Hawaï : la fabrique d’un espace touristique, ouvrage écrit à partir de sa thèse, soutenue en 2003. Il s’agit d’une description des différentes étapes de la création d’Hawaï en tant que lieu touristique. Philippe Violier, directeur de l’UFR tourisme et culture à l’Université d’Angers, président de la Commission Nationale de Géographie du tourisme et des loisirs poursuit aujourd’hui ses recherches sur les acteurs et des objets géographiques, tels que les territoires, les lieux… au sein de l’UMR 6590 Espaces et Sociétés. Philippe Duhamel, auteur de l’excellent Documentation Photographique : Le tourisme – Lectures géographiques collabore aussi sur cet ouvrage. Lui aussi est affecté à l’Université d’Angers en tant que Professeur des Universités et est directeur adjoint de l’UMR CNRS 6590 ESO (Espaces et Sociétés).
Construire l’objet scientifique « tourisme »
Dans le premier chapitre, il s’agit de définir le tourisme d’un point de vue géographique. « La question se pose notamment de savoir si le tourisme peut être encore « voyage » ou bien s’il est devenu « mobilité » ou « déplacement ». De plus selon, les disciplines les définitions du tourisme sont multiples. Se pose « les fondements de la pratique touristique ». Le regard touristique est traité, en d’autres termes « Comment se fait-il qu’une attraction touristique soit constituée et reconnue par les touristes » ?
Le second chapitre s’intéresse aux différents problèmes méthodologiques pour quantifier le tourisme. Les chiffres se partagent entre plusieurs catégories et sont utilisés comme « moyen de lutte politique ». L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) propose différentes formes de tourisme : le tourisme interne, le tourisme récepteur, le tourisme émetteur, le tourisme intérieur et le tourisme national. Pour les auteurs, « les chiffres du tourisme international (…) ne donnent qu’une partie des quantités pertinentes. ». Suite à différentes approximations, les chiffres du tourisme ne sont que confusions. Se pose aussi le choix des informations à examiner, les données actuelles étant principalement économiques. Enfin, la question spatiale est primordiale, et notamment son appareil statistique. En effet, « le monde du tourisme est perçu à travers la maille des Etats ».
Le troisième chapitre, est lui consacré à la réflexion sur le tourisme en tant qu’objet de recherche. La « géographie du tourisme » émerge dans les années 1970. « La force de la géographie est en effet d’être capable de s’emparer de n’importe quel phénomène pour en étudier la distribution spatiale simple ou des organisations spatiales plus complexes. C’est aussi sa faiblesse, car on ne réfléchit pas nécessairement à la spécificité du phénomène étudié ». Tout comme la définition du terme géographie, le concept de tourisme évolue selon les contextes sociaux et les propositions de nouveaux paradigmes. Epistémologiquement, la construction de l’objet de recherche actuel a été longue et complexe, jusqu’à aujourd’hui, où l’enjeu principal du tourisme est appréhendé principalement via la mondialisation.
Les acteurs du tourisme
Dans le quatrième chapitre, les auteurs proposent une analyse des touristes ainsi que de leurs spatialités. Pour cela une approche domine ce chapitre celle de « l’habiter ». Pour Rémy Knafou le tourisme est synonyme d’un « mode d’habiter ». Pour les auteurs, « ce concept a permis notamment de focaliser sur les processus d’appropriation des lieux géographiques par des individus qui ne sont pas des habitants permanents, mais des habitants temporaires. » (p. 118) Un certain nombre de guides touristiques proposent des éléments de repérages aux touristes car c’est un fait, ils doivent maîtriser, au moins basiquement, l’espace dans lequel ils évoluent. Aujourd’hui les techniques et technologies (notamment numériques) sont des acteurs principaux dans la mise en pratique touristique (voir notamment l’encadré 14 : Le selfie, un rapport singulier aux lieux, à soi et aux autres). Après avoir évoqué la corporéité du touriste, le chapitre se termine sur un commentaire concernant les « normes spatiales » suggérées par le tourisme.
Le cinquième chapitre propose un regard sur l’approche économique du tourisme. « Le tourisme forme un objet de recherche difficile à appréhender pour la recherche en économie spatiale et en géographie économique, car, traditionnellement, le modèle de l’industrie, séparant la production du bien de sa consommation, est utilisé pour penser le tourisme. » L’encadré 17 (p.159) propose la définition de tourisme par des économistes. Le tourisme est trop souvent vu comme un « marché » les auteurs du manuel, proposent donc le commentaire de plusieurs idées-reçues sur cet angle d’approche.
Le sixième chapitre analyse le rôle étatique, acteur principal du tourisme. La gouvernance touristique se fait clairement à plusieurs échelles. « A l’échelle étatique, des régulations existent pour contrôler les allées et venues de personnes de nationalités étrangère, mais aussi, à partir des années 1910, pour organiser le tourisme à l’échelle national à travers les offices nationaux de tourisme. » Le tourisme entraîne la mise en place d’un système géographique, géopolitique, politique, social, environnemental…
La mise en tourisme du monde
Le septième chapitre nous permet d’établir un vrai lien entre la question du tourisme et celle de la nature. En effet, il s’agit là d’évoquer « la mise en scène d’une nature touristique. » Le tourisme suppose la valorisation d’un objet. Ainsi le manuel nous propose trois types de nature inventée par le tourisme : « – la nature comme thérapie : air pur, stations balnéaires, thalassothérapie, cure de soleil, villes d’eau (…)
– La nature comme jeux : chasse, safari, alpinisme, ski (…)
– La nature comme émerveillement : une esthétique des paysages et patrimoines. »
Proposant une définition du terme « nature », ce chapitre s’attache à comprendre comment la nature est construite par le tourisme.
Le huitième chapitre se propose d’analyser, la mise en tourisme de certains territoires, de la valorisation touristique et « la transformation de lieux non-touristiques en « destination. » Comment expliquer le succès de Disneyland ou encore de Center Parcs, qui ne sont pas, à la base des lieux censés être touristiques ? Evoquant la patrimonialisation, les bases muséales, les croisières, le shopping mais aussi la touristification du quotidien ce chapitre insiste sur le renouvellement perpétuel du regard touristique.
Le neuvième chapitre s’intéresse à la mondialisation du tourisme et se pose la question d’une extension de l’écoumène touristique. L’encadré 42 (p.311) rappelle les notions clés de l’analyse de la mondialisation du tourisme. Les controverses de l’intégration touristique via la mondialisation sont détaillée, notamment celle du « contexte post-colonial ». Les auteurs mettent en valeur deux phénomènes dû aux changements qu’entrainent la mondialisation : l’extension de l’écoumène touristique ainsi que la densification du Monde touristique. Pour eux « la mondialisation du tourisme est un processus dynamique et complexe construit, entre autres, par la dissémination progressive des lieux touristiques dans le temps et dans l’espace. » Ce chapitre comporte des tableaux et des cartes qui étayent les propos. Les auteurs abordent aussi l’intégration des marges, en passant par le Dark Tourism, comme les lieux du génocide des Khmers rouges ou Auschwitz-Birkenau.
Les lieux touristiques
« Les lieux touristiques sont des lieux mythiques, car ils font appel à l’imaginaire des humains. »
Le dixième chapitre aborde la dimension symbolique qui est rattaché au lieu touristique. Dans un premier temps ces lieux existent en étroite collaboration avec la construction d’un mythe : « Comprendre comment ces mythes sont construits -Paris « ville romantique », New York « capitale du XXe siècle », Tahiti « paradis terrestre » est au cœur de la démarche géographique. » Depuis les années 199à la géographie étudie la « construction sociale » des lieux liés au tourisme. L’encadré 47 (p. 354) invite le lecteur à se poser les bonnes questions afin d’analyser un lieu touristique. L’altérité -et son aménagement- est au cœur de ce chapitre.
Le onzième chapitre propose une analyse qualitative des lieux touristiques. Ainsi « le « lieu touristique » est (…) le résultat provisoire de la transformation d’un endroit en lieu par le tourisme (…) » L’encadré 50 (p 382) se propose de détailler le concept de « lieu touristique ». L’appréhension de ce dernier se fait principalement comme approche d’un lieu urbain : « le tourisme transforme des contrées non urbaines, périphériques en contrées urbanisées. » Les tableaux, eux aussi nombreux dans ce chapitre, permettent l’appréhension de différentes clés de lecture du lieu touristique, le tout illustré par de multiples exemples.
Enfin, le douzième et dernier chapitre, termine cet ouvrage par l’étude des processus de transformation des lieux touristiques. Le tourisme étant un processus en croissance exponentielle, les renouvellement, les transformations des aménagements et des infrastructures vont-elles aussi se développer. Les processus d’urbanisation par le tourisme et les différentes générations de stations touristiques sont expliqués.
Ce livre très complet en matière d’épistémologie, mais aussi riche en exemples mérite une attention particulière. En effet, il propose une étude du tourisme, particulièrement liée à la lettre de cadrage du jury du concours, tout en étant accessible, inspirant et motivant. A mon sens, un ouvrage-clé pour les agrégatifs 2018-2019.
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