Mathilde Larrère est une historienne engagée et très active, autrice notamment de « Le Puy du Faux : enquête sur un parc qui déforme l’histoire ». Elle présente avec ce nouvel ouvrage une synthèse sur la conquête des droits en France par les femmes. L’ouvrage est illustré et comprend la mise en exergue de plusieurs citations.
Une histoire populaire des droits humains
Le livre part d’un coup de gueule. Mathilde Larrère dit qu’elle est excédée de voir énumérés les droits assortis seulement de la date d’une loi et du nom du ministre ou du président qui l’a portée, signée. Derrière les droits, il y a des foules de femmes et d’hommes. C’est aussi la prise de conscience d’une menace actuelle sur certains droits qui pousse l’autrice à écrire.
Les luttes pour les droits naturels
Mathilde Larrère part de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les grandes révolutions anglaise, américaine et française déclarent les droits de l’homme en s’appuyant sur le corpus théorique des philosophies du droit naturel. Lors des assemblées primaires de préparation aux Etats généraux, les modèles sont apportés par les élites et les assemblées populaires les reprennent et les votent. Ainsi, les « droits naturels » n’ont pas été réclamés les armes à la main par les foules révolutionnaires. Si la Révolution française a proclamé les droits naturels, tout le XIXème siècle est celui d’une lutte entre ceux qui cherchent à les enterrer et ceux qui les défendent.
Les luttes pour les droits politiques
Avec la loi de mai 1850, la durée nécessaire de domiciliation communale pour avoir le droit de vote passe de six mois à trois ans. Un tiers du corps électoral est ainsi privé de son droit, en l’occurrence les ouvriers. On réclama tout au long du début du XIX ème siècle le droit de vote pour tous les hommes dans les clubs et sociétés fraternelles de la Révolution, dans les journaux mais aussi dans la rue. La lutte pour le droit de vote ne devient première qu’à partir de la fin des années 1870 dans un contexte international qui pousse les féministes à réclamer la fin de l’inégalité politique. L’autrice souhaite aussi parler de la question du droit de vote pour les colonisés. Là, ce fut le code de l’indigénat qui s’appliqua. Elle rappelle également que si le suffrage est un instrument indispensable à une démocratie, il ne saurait suffire comme le montrent les deux empires bonapartistes.
Les luttes pour les droits sociaux
On les date souvent de la deuxième moitié du XIX ème siècle et pourtant ils ont en fait une longue histoire. Longtemps la prise en charge de la pauvreté a été laissée à l’Eglise tandis que l’Etat intervenait pour réprimer ou enfermer. Au XIX ème siècle, la lutte pour le droit à l’instruction est une lutte majeure des femmes, socialistes comme libérales, de tous milieux sociaux et une des premières à porter ses fruits. Mathilde Larrère revient ensuite sur la création de la sécurité sociale. Derrière le projet, il y a donc une solidarité interprofessionnelle, intergénérationnelle et inter risque.
Les luttes pour les droits des travailleurs et des travailleuses
Comme souvent, l’autrice rappelle que ce n’est pas parce qu’un droit est refusé qu’hommes et femmes ne s’en saisissent pas, au contraire. Depuis la veille de la Révolution, la grande affaire est la durée journalière du travail. Il faut bien voir que jusqu’au début du XX ème siècle la probabilité d’arriver à l’âge de la retraite était assez faible dans les classes populaires.
Les luttes pour les droits reproductifs
L’autrice commence par l’inscription dans la Constitution de l’IVG en précisant la différence entre la liberté et le droit. Dès 1911, Madeleine Pelletier écrivait : « la femme a le droit de se faire avorter parce qu’elle est seule propriétaire de son corps. » Le premier combat fut mené dès les années 30 pour la contraception. Pour l’avortement il faut se souvenir que la loi Veil devait être réexaminée en 1979. Il a fallu ensuite attendre 2012 pour que l’IVG soit remboursé à 100 %.
Les luttes pour les droits des « sans papiers »
Mathilde Larrère invite d’abord à s’arrêter sur le vocabulaire employé car, derrière les mots, se cachent une kyrielle de situations. La III ème République a été une étape majeure dans la question du droit des étrangers en France. Les pays d’Europe s’engagent dans un processus de « nationalisation » de l’Etat et de la société. « On ne rigole plus avec les papiers d’identité ». Depuis 1980, une trentaine de lois sont venues aggraver la situation de personnes étrangères, tout en se cachant sous des titres trompeurs qui parlent d’intégration ou d’accueil. Aujourd’hui, la France accueille peu de réfugiés, c’est le cinquième en Europe avec environ 30 000 personnes.
Les luttes pour les droits LGBTQIA +
L’autrice retrace l’histoire du combat de la dépénalisation de l’homosexualité. En 1981 eut lieu ce qu’on peut considérer comme la première Gay Pride à Paris. Les mouvements homos se sont ensuite engagés dans la lutte pour la reconnaissance de leur droit à la vie familiale. La conquête du PACS est retracée ainsi que la loi pour le mariage pour tous. L’autrice souligne qu’en revanche les droits des personnes trans sont les grands oubliés des avancées législatives. C’est l’objet de la fin de ce chapitre.
En conclusion, Mathilde Larrère souligne qu’elle a dû plusieurs fois reprendre des fins de chapitre pour actualiser les attaques contre les droits. En même temps, elle constate que les associations et les personnes se lèvent pour les défendre. Elle réaffirme que les progrès sont le fruit des combats.