Collectif, La Chine à l’horizon 2020, Futuribles, L’Harmattan, juin 2006, 217p.

Compte-rendu par Jean Philippe Raud Dugal, Lycée Edmond Perrier, Tulle.

Cet ouvrage a été initié par le groupe Futuribles, qui se définit comme un think-tank indépendant, et surtout par le groupe ‘Asie 21′ dont P. Gentelle, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de la Chine, auteur notamment de ‘La Chine, un continent… et au delà ?’ (2001, La Documentation Française) et du tout récent ‘Atlas géopolitique de l’Asie’ chez Nathan, Anne Androuais, chercheur CNRS et membre de l’école doctorale de Paris X, et François Raillon, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre d’Asie du Sud-Est à l’EHSS, auteur de nombreux ouvrages sur l’Indonésie, sont membres. Plus que des réalisations futuristes, les communications permettent de faire un état des lieux des contradictions des politiques menées entre externalisation nécessaire et les relents de supériorités culturelles et nationalistes qui apparaissent comme autant de menaces pour ses voisins.

L’objet des douze contributions est rappelé par Hugues de Jouvenel dans l’introduction. Il s’agit pour le groupe ‘Asie 21′ de s’interroger sur les atouts et les handicaps de la Chine pour atteindre l’objectif ambitieux, défini lors du 16ème congrès du Parti Communiste Chinois en 2002, de quadrupler le PIB du pays d’ici 2020. Les quelques pages (221-225) consacrées par Laurent Carroué dans son ouvrage ‘Géographie de la mondialisation’ (Armand Colin, 2004), peuvent servir d’introduction à cette lecture.
La réflexion du groupe se décompose en deux parties. La première, ‘Les Chinois à l’horizon 2020 selon les Chinois’ permet d’envisager l’émergence de la Chine sur la scène régionale et internationale à l’aune de leurs propres ambitions. La seconde partie de l’ouvrage, ‘La Chine dans sa région à l’horizon 2020′ s’ouvre sur la complexité de son environnement immédiat tout en permettant une comparaison avec les différentes entités régionales au niveau mondial.

Ainsi, l’étude de la première partie s’ouvre sur une présentation des avancées spectaculaires de la Chine en matière économique qui sont filles de l’extraordinaire volonté des acteurs d’améliorer leur vie personnelle et de gagner en dignité. Depuis 1978, et la politique d’ouverture initiée par Deng XiaoPing le relâchement de la pression a permis à la Chine de redéployer ses ressources vers le développement économique et de s’externaliser. Les défis à relever pour la Chine sont donc nombreux comme le remarque Zhang Lun. Les inégalités sociales et régionales sont très lourdes, freinant la consommation interne et rendant la Chine sujette aux crises extérieures. De plus, le mécontentement de la population peut avoir des conséquences politiques importantes quant à la stabilité intérieure. Les problèmes avec les voisins, comme Taiwan ou d’approvisionnement en matières premières (voir en lien avec ce problème le CR récent ‘Demain: La guerre du feu’) sont autant de défis à relever. L’auteur conclut en insistant sur le rôle déterminant des acteurs sur l’avenir du pays.
Le deuxième chapitre est sans doute l’un des plus intéressant de l’ouvrage. ‘La montée en puissance pacifique de la Chine’ est un concept défini par le PCC. Michel Jan montre que ce concept s’est transformé en objectif par la volonté de dissiper la crainte d’une menace chinoise perçue comme telle par ses voisins mais aussi par les grandes puissances, tout en pérennisant leur croissance économique pour réaliser leur dessein à l’horizon 2020. En accédant au statut de grande puissance, la Chine s’engage à ne pas déstabiliser l’ordre international ni à agresser ses voisins, malgré les relents nationalistes agressifs contre Taiwan. Elle s’engage ainsi dans une coopération régionale et internationale nouvelle (entrée à l’OMC) permettant ainsi une stabilité interne renouvelée, décrite par Philippe Delalande dans le troisième chapitre ‘Maintenir le parti unique’. Ce dernier indique que le 16ème Congrès a adopté l’ouverture du parti aux forces vives de la nation par crainte que ceux-ci réclament une représentation politique externe au PCC. Ainsi, les objectifs du pays à long terme ont permis la modernisation et l’adaptation du régime politique chinois (et probablement évité une fin comme celle qu’a connue l’URSS).
La première partie s’achève par deux communications qui analysent la possibilité qu’a la Chine d’atteindre ses objectifs. Tout d’abord, les auteurs remarquent qu’elle sort de la crise asiatique de 1997 confortée dans ses choix économiques. Mais, l’attitude ambivalente devant l’arrivée massive des IDE, la volonté affichée de privilégier les nouvelles technologies avec l’aide de ses voisins, l’importance des financements de la diaspora chinoise et l’urgence de transformer les relations avec les dix voisins immédiats constituent des défis que vont devoir relever les dirigeants chinois.

L’ouvrage s’ouvre ensuite sur les problématiques régionales. En effet, les différentes contributions permettent de faire le tour des relations chinoise avec l’Asie Centrale, l’Asie du Sud Est et l’Asie Orientale. Plus largement, P. Hébert envisage l’intégration régionale de la Chine. L’accélération de l’émergence chinoise à partir des années 1990 (principalement depuis la crise financière de 1997) s’est faite à travers l’ASEAN avec un Free Trade Area pour 2012 (ou avant) mais avant tout par une multitudes d’accords bilatéraux. L’intégration s’est faite aussi par les investissements en Chine du Japon, de Hong Kong ou de Singapour mais aussi par ses propres investissements dans la région pour assurer en priorité son approvisionnement en matière première. Les pages 96-97 permettent de repérer l’expansion chinoise en Asie Orientale. De plus, le premier sommet de l’Asie Orientale (ASEAN + 3 [Japon, Corée du Sud et Chine]) s’est tenu le 14 Décembre 2005 à Kuala Lumpur avec comme objectif, à terme, de se doter d’une structure communautaire.
Mais, c’est avant tout dans les domaines de la coopération anti-terroriste, universitaire et environnementale que se noue l’avancée régionale. L’ancienneté des liens avec les différentes régions asiatiques ne dissipe pas les craintes des menaces chinoises. La question qui sous-tend alors toutes les pages de la seconde partie interroge le lecteur sur la complémentarité de ces acteurs mais aussi sur leur irréductible concurrence. Le chapitre consacré aux relations économique Japon-Chine, que l’on doit à Anne Androuais, en est l’illustration comme on lira avec beaucoup d’intérêt les relations géopolitiques de la Chine avec l’Asie Centrale décrites avec précision et clarté par Jean Perrin.

La conclusion permet de poser quatre questions pour l’an 2020. concernant le développement durable, donnée majeure pour la Chine, le problème démographique avec l’arrivée sur le marché du travail de très nombreuses générations et son futur de grande puissance mondiale, concurrente directe des Etats-Unis tout en restant un pays émergent avec un PIB par habitant de 3000$.

Les douze contributions qui émaillent l’ouvrage sont aussi bien l’occasion de comprendre la Chine contemporaine que de permettre une prospective sur son futur ainsi que celui de l’Asie à l’horizon 2020. Les auteurs, sociologues, militaires, économistes et géographes nous permettent d’avoir une idée plus précise des problématiques actuelles. Même si certaines cartes auraient pu permettre de mieux comprendre, par exemple, les espaces régionaux cités et qu’une bibliographie détaillée semble nécessaire pour aller plus loin, cette lecture, qui introduit parfaitement à la géopolitique de la Chine, sera tout à fait utile aux professeurs du secondaire (en particulier en terminale mais aussi en troisième) comme aux étudiants en géographie et à toute personne qui s’intéresse à l’émergence du géant chinois.

Copyright Clionautes