L’étude porte sur la confluence Drac-Isère, site d’autant plus menacé qu’il s’agit de deux cours d’eau violents et peu prévisibles dans une cuvette qui accueille la ville de Grenoble, l’étude s’étend des débuts du XVIIe siècle à 1930.
L’auteur, qui travaille au transfert des informations historiques vers les sciences de l’environnement est un spécialiste de la mémoire des risques, il aborde dans une première partie une description du phénomène des crues et des méthodes à mettre en oeuvre pour en cerner la réalité mais aussi l’impact matériel et émotionnel sur les populations. En effet les sources disponibles dont certaines sont présentées en annexe rendent la connaissance du phénomène physique d’autant délicate que Drac et Isère réagissent de façon différente dans le temps comme dans l’espace aux situations climatiques.
L’auteur établit un historique du phénomène physique avec des temps forts: 1630-1675, 1730-1780, 1840-1860, les deux dernières grandes inondations datant de 1856 pour le Drac et 1859 pour l’Isère. Ces deux puissants cours d’eau transportent et déposent des masses de sédiments comme en témoigne l’analyse proposée des divagations du Drac au sud de la ville. Face à ces dangers très tôt les autorités et les populations se sont mobilisées.
Le second chapitre évoque les secours. En effet les mesures préventives restent longtemps impossibles par manque de connaissance des phénomènes physiques en œuvre. Malgré tout l’expérience rend les mesures prises de plus en plus efficaces comme le montre Denis Cœur avec, à partir du XIXème siècle, la surveillance des rives et un système d’alerte. On trouve dans ce chapitre une description de l’organisation des secours et du financement des réparations.
La seconde partie de l’ouvrage (chapitre 3 et 4) porte sur les travaux mis en œuvre pour réguler les deux cours d’eau: digues, quais, zones laissées à la rivière…, aspects techniques et réglementaires, aspects financiers et organisation de cette politique de défense contre les crues. C’est l’occasion d’analyser les luttes d’intérêt entre ville et campagne proche, riverains et usagers de la rivière, pouvoirs locaux et pouvoir central. Si les premières interventions sur le Drac datent de 1493, l’affirmation de l’Etat se concrétise avec Colbert par une redéfinition du droit des cours d’eau et la réunion des rives au domaine royal. Une avancée véritable dans la conception mais aussi la surveillance des travaux d’endiguement est réalisée en 1679 avec l’installation à Grenoble d’un service des ponts et chaussées. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle les travaux sont conçus non seulement pour protéger la ville mais aussi en vue de mettre en valeur les terres gagnées sur les bras de divagation du Drac. C’est le pouvoir central qui peut à la fois financer des travaux très coûteux mais aussi tenter de régler les conflits d’intérêts locaux. La période révolutionnaire marque un désengagement de l’Etat et au cours du XIXème siècle des syndicats de défense locaux se constituent mobilisés par la crue du Drac de 1816. Il faut attendre la loi de 1862 pour que naisse une union syndicale qui doit permettre de faire la synthèse entre intérêts des riverains et nécessité de se protéger des crues.
Un ouvrage riche d’informations précises et nombreuses. Une centaine de pages de documents iconographiques, un peu petits, hélas, et des textes viennent compléter cet ouvrage, on pourra y trouver des documents pour illustrer un cours de géographie en seconde.
Il donne des éléments d’analyse dans le contexte local d’une nouvelle politique de gestion de l’Isère, réalisée dans le cadre d’un nouveau syndicat de gestion (SYMBHI).
Ce travail est aussi une réflexion méthodologique et une ouverture sur un domaine nouveau : la connaissance des réactions face aux risques naturels majeurs au cours des siècles passés comme apport à la résolution des crises à venir.
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