« Récits de travailleurs du productivisme agricole » : un tel sous-titre laisse à penser que cet ouvrage va éreinter ce mode de production agricole afin de vanter les mérites de l’agriculture biologique. Il n’en est rien. C’est beaucoup plus subtil.
Gatien Elie, professeur d’histoire-géographie, propose ici un texte bien écrit mêlant un récit narratif issu d’entretiens formels et informels qu’il a mené pendant trois ans auprès des agriculteurs et d’autres acteurs du monde agricole (assureurs, banquiers, chambre d’agriculture…) de la Beauce ainsi que des extraits de transcription de réunions auxquelles il a assisté. Il dresse le portrait d’agriculteurs céréaliers à travers lesquels se lisent les difficultés techniques et financières auxquels certains sont confrontés, sans oublier les problèmes de santé rencontrés (même si dans ce domaine, difficile d’enquêter quand les médecins ferment leur porte à toute démarche d’enquête au nom du secret professionnel !). Au fil des pages, se dessine, sans parti pris, une géographie et une histoire de la céréaliculture beauceronne. C’est au lecteur de se forger son opinion à propos de ce mode de production.
Le statut de cet ouvrage questionne toutefois. D’un côté, cette recherche, qualifiée de reportage par l’auteur lui-même, n’est pas le fruit d’un travail universitaire alors qu’elle a été tutorée par François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Dijon. De l’autre, elle s’appuie sur une très courte bibliographie ne lui permettant pas de revendiquer de statut scientifique. C’est d’autant plus regrettable que ce travail mériterait d’être poussé afin d’en tirer des conclusions. A moins d’y voir un travail préparatif à une thèse de doctorat !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes