L’autoritarisme politique depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping a rigidifié la gouvernance du pays à tous les échelons de l’administration, réduit les capacités d’initiative économique et sociale, et accru les moyens techniques d’un contrôle quotidien des populations. La Chine doit surmonter une crise multiple et sans précédent où se conjuguent de multiples défis profondément renouvelés. Les rigueurs de la gestion du Covid-19, puis leur abandon brutal, ont aggravé les fragilités internes de la deuxième économie du monde, et perturbé une société devenue largement urbaine, développée et vieillissante.

Le pays continue cependant de bouleverser les équilibres mondiaux et se place en véritable alternative à l’Occident, notamment grâce à son rayonnement en Asie. Comment la Chine, et sa culture millénaire, s’inscrit-elle dans la mondialisation ? Jusqu’où le pays étend-il son influence dans le monde ?
Comment les profonds changements sociaux touchent-ils la population : contrôle numérique, crédit social… ? Dans son développement à marche forcée, quelle est la place accordée à la transition écologique ?

Cette cinquième édition, et ses plus de 120 cartes et infographies, a été entièrement mise à jour pour saisir les enjeux, nombreux et nouveaux, auxquels la Chine est aujourd’hui confrontée. L’ouvrage reprend le plan, assez classique, des précédentes éditions. Néanmoins, dans le contenu, il a été repensé pour s’inscrire au moment paradoxal de la consolidation d’une période ouverte au début des années 2010, paradoxal dans la mesure où les interrogations, les crises, les défis n’ont jamais été si grands. Les rigidités d’un régime qui se veut omniscient, le vieillissement de la population, la réduction à terme et le probable renchérissement du coût de la main-d’œuvre, les enjeux environnementaux du développement, la régionalisation de l’économie mondiale témoigneront à l’avenir d’un système politique et social, le « rêve chinois », qui atteint ses limites, un destin dont, selon les auteurs, nous sommes devenus solidaires.

Cette cinquième édition est écrite par Thierry Sanjuan (professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), qui travaille principalement sur les mutations sociales et urbaines de la Chine. Il est accompagné par Carine Henriot, géographe-urbaniste, maître de conférences à l’université de Compiègne et membre du laboratoire Avenues. Les cartes sont réalisées par Madeleine Benoit-Guyot.

L’héritage

Un acteur majeur de la globalisationCette première partie replace la Chine dans le temps long, par le biais d’une chronologie et de cartes à différentes échelles. La Chine actuelle n’hérite pas seulement d’une histoire linéaire et plurimillénaire, qu’elle identifie à l’essor de la civilisation han et à la construction du régime impérial, mais aussi de ruptures profondes aux époques modernes et contemporaines. La première période a été celle d’une stagnation de la Chine au XVIIIe siècle et d’une intrusion violente de la modernité occidentale à compter des guerres de l’Opium à la moitié du XIXe siècle. Cette entrée forcée dans une globalisation à dominante occidentale s’est accompagnée de la chute de l’Empire, de la création de la République en 1912 et d’une première mondialisation. La deuxième rupture est liée à l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en 1949. Un pouvoir très idéologique a alors mis en place les fondements d’un développement socialiste à l’échelle de l’Etat-nation, tout en imposant un encadrement longtemps totalitaire. Cette partie aborde les instances du pouvoir central, avec un schéma très clair qui pourra être réutilisé en classe au lycée, la maîtrise hydraulique, les valeurs culturelles, l’encadrement des religions et le maoïsme. Le rôle des «murs» de la cité interdite, en passant par la maison privée à la Grande muraille de Chine, permet de prendre la mesure de la culture spécifique chinoise.

Les instances du pouvoir central

Un acteur majeur de la globalisation

Une société développée

Cette deuxième partie présente les mutations rapides vécues par la Chine. Son émergence comme nouvelle grande puissance économique dans le monde a des revers. La société de consommation saura-t-elle satisfaire pour longtemps une classe moyenne et urbaine qui est devenue propriétaire de son logement, découvre les plaisirs du temps libre, pousse les enfants à faire des études et aspire désormais à un niveau de vie équivalent à ceux des pays développés ? Le début du XXIe siècle voit s’imposer une société chinoise vieillissante et contrastée mais nouvelle, dominée par les mutations urbaines, la montée de l’entreprise privée et la consommation sur Internet. Les auteurs reprennent dans cette partie les double-pages originales sur les bouleversements du quotidien, tout en les actualisant, avec notamment la carte d’un îlot résidentiel à Pékin, la vie quotidienne face au numérique, le développement des loisirs, la santé et les inégalités sanitaires.

Un îlot résidentiel à Pékin

Un acteur majeur de la globalisation

L’éducation est devenue un facteur déterminant dans la valorisation professionnelle et sociale des individus, la rigueur, le patriotisme et la sélectivité étant trois valeurs essentielles. Une double-page sur l’encadrement social renforcé, avec l’utilisation des technologies numériques pour contrôler la population, le système de crédit social, le passeport vaccinal par QR code et la surveillance urbaine par reconnaissance biométrique, ainsi que les contestations que cela suscite, vient conclure cette partie.

Carte : Les politiques de confinement liées à la Covid-19
La santé publique globale s’est considérablement améliorée. Néanmoins, alors que la pandémie de Covid-19 a constitué un défi sociétal sans précédent entre décembre 2019 et février 2023, le traitement des maladies chroniques et la prise en charge d’une population vieillissante représentent des défis considérables pour le système de santé chinois.

Un territoire globalisé

Cette partie explique l’adaptation du maoïsme à l’insertion dans la mondialisation. Elle aborde la transition post-maoïste, la refondation contemporaine, l’aménagement du territoire, avec une aggravation du morcellement du territoire chinois, avec des niveaux très disparates de modernisation et d’intégration à l’économie mondiale, causés par les logiques de développement local puis les réformes radicales de l’ancien système socio-productif, une économie toujours plus globalisée, la sécurité alimentaire ainsi que les trajectoires rurales et les politiques environnementales. Au début des années 2000, la Chine entre dans l’OMC et reconnait ses nouvelles dépendances mondiales par insertion dans la globalisation économique et culturelle. Les problèmes intérieurs sont désormais fortement liés à la place du pays dans le monde.

La Chine des villes

Les villes sont devenues les acteurs, les leaders et les vitrines du développement chinois contemporain. Les mutations se traduisent par un renouvellement de leur bâti, par leur extension et leurs nouvelles articulations polycentriques. La création des affaires aux tours toujours plus hautes s’accompagne d’une redistribution en périphérie des populations les moins aisées, des activités industrielles et des grands équipements urbains. Les villes chinoises se réinstallent dans des logiques de réseaux, participant, pour les plus grandes, à la fois du réseau des grandes métropoles mondiales et asiatiques, et d’aires d’influences régionales et nationales intégrant leur arrière-pays. Les villes chinoises témoignent de niveaux de vie qui évoquent ceux des pays développés. Même dans les capitales provinciales intérieures, les choix de consommation, l’élévation du niveau d’instruction et les connaissances accumulées sur l’étranger témoignent d’une vraie extraversion de la Chine. Cette partie présente le rattrapage urbain et la ville comme lieu de transition, puis propose des doubles-pages sur Pékin, Shanghai et Hong-Kong.

Les périphéries

Cette partie aborde plusieurs questions fondamentales pour le pouvoir chinois aujourd’hui, à commencer par la question des minorités. Les cas du Tibet, du Xinjiang, une marge en voie d’assimilation, ainsi que de Taiwan sont présentés dans trois doubles-pages très intéressantes.

Carte : L’espace tibétain morcelé
L’armée populaire de libération occupe le Tibet depuis 1950. La répression d’un soulèvement général pousse le dalaï-lama à s’enfuir en 1959. Le Tibet est administrativement morcelé.
Carte : La perte de l’influence progressive de la République de Chine
Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que l’île de Taiwan connaît la colonisation hen et Zheng Chenggong y défend la dynastie des Ming contre les Mandchous. L’île est surtout au carrefour des présences étrangères : elle est découverte par les Portugais, occupée par les Espagnols et les Hollandais, colonisée par les Japonais entre 1895 et 1945. Elle devient un lieu de refuge des nationalistes en 1949. Taiwan n’a dépendu d’un pouvoir chinois continental, depuis 1895, que pendant quatre ans.

Un acteur majeur de la globalisation

Dans un ordre mondial profondément renouvelé après la fin d’un monde bipolaire, dominé désormais par les logiques de marché à l’échelle planétaire, et à l’issue de quarante années de réformes chinoises, la croissance économique exceptionnelle de la Chine a permis son émergence de facto en tant que nouvelle puissance asiatique et mondiale. La globalisation ne peut aujourd’hui que compter avec ce nouveau géant.

Par ailleurs, la structuration réticulaire contemporaine de l’espace mondial grâce aux médias et nouveaux moyens technologiques profite également à la recomposition d’un monde chinois outre-mer. Cette dimension du fait chinois, riche d’une grandissante présence chinoise sur tous les continents, donne la mesure du défi que pose et posera la Chine au monde dans le courant du XXIe siècle.

Cette partie est un outil intéressant pour les programmes de première (thème conclusif de géographie) et d’HGGSP en terminale, mais également pour tous les chapitres en lien avec la mondialisation, que ce soit au collège ou au lycée, avec notamment des doubles-pages sur la modernisation militaire, sur la puissance économique la Chine, sur une nouvelle centralité géopolitique, sur la Chine face aux Etats-Unis (guerre économique, guerre numérique, Taiwan…), sur la diaspora chinoise et, bien évidemment, sur les Nouvelles routes de la soie, montrant les différentes échelles de rayonnement du géant chinois.

Conclusion

Comme toujours avec les Atlas Autrement, l’Atlas de la Chine est une référence et une lecture clé, notamment dans le contexte tendu actuel. Les auteurs nous proposent un ouvrage très pédagogique, aux contenus précis, superbement illustrés, avec des réflexions intéressantes. Les auteurs ont fait un gros travail d’actualisation, nous proposant un contenu renouvelé et une réflexion intéressante, déclinée sur plusieurs échelles sur les grands enjeux actuels liés à la Chine. La grande richesse et la diversité des illustrations de Madeleine Benoit-Guyod font, comme d’habitude, de cet atlas une ressource indispensable pour les professeurs du secondaire.