Où en est vraiment la Chine aujourd’hui ? Le but de l’ouvrage est de tenter de faire la part des choses pour estimer la puissance chinoise actuelle. Le bandeau qui recouvre d’ailleurs la couverture montre bien les hésitations pour qualifier le pays puisqu’il s’intitule « un géant fragile ? ».

100 questions pour savoir

La collection « 100 questions »  s’étoffe donc d’un nouveau volume avec cinq entrées différentes. Il est rédigé par Valérie Niquet, spécialiste des relations internationales et des questions stratégiques, responsable du pôle « Asie » à la Fondation pour la recherche stratégique. Elle a précédemment publié « Chine-Japon. L’affrontement » en 2006. Chaque question-réponse est abordée brièvement puisque la réponse doit tenir en un recto-verso. Certaines se répondent et permettent de se compléter. Quelques chiffres peuvent donner le vertige dès qu’on se situe à l’échelle chinoise : ainsi, de 2011 à 2013, la Chine a produit et utilisé autant de ciment que les Etats-Unis pendant toute la durée du XXème siècle. Pourtant, en richesse nationale par habitant, elle se situe à la 74 ème place mondiale.

L’histoire de la Chine

Vingt questions sont donc proposées pour mieux cerner l’histoire du pays. Chacun trouvera de quoi assurer un certain nombre de repères sur la Chine avec par exemple un article sur Chiang Kai-shek ou le rôle du pays durant la Seconde Guerre mondiale. Une entrée est consacrée au Grand Bond en avant et en livre un bilan clair : plus de 35 millions de morts alors que Mao Zedong espérait avec un tel programme « rattraper la production d’acier de la Grande Bretagne en quinze ans ». Une autre entrée s’interroge d’ailleurs sur les séquelles du maoïsme. Elle s’intéresse aussi aux quatre modernisations avec comme effet immédiat une production agricole qui augmente de 8 % par an entre 1979 et 1984. Valérie Niquet passe en revue tout un tas d’aspects et précise, par exemple, que c’est dans les zones frontières qu’il y a le plus de minorités nationales. Elles représentent moins de 10 % de la population chinoise, mais occupent plus de 50 % du territoire. L’auteure évoque également le passé de la Chine comme puissance maritime avec Zheng He au XVème siècle. Elle montre que le discours sur l’humiliation nationale subie au contact du monde extérieur est récurrent.

Culture et société

Beaucoup d’aspects sont abordés dans cette partie dont le rôle et le poids des religions. Valérie Niquet explique l’importance du passeport intérieur, ou hukou, qui est pour le pouvoir chinois une variable d’ajustement très pratique. Parmi les évolutions récentes, il faut se rendre compte qu’en 2015 la population en âge de travailler a diminué de 4,87 millions, ce qui est un sacré changement pour un pays où l’abondance de main-d’oeuvre a longtemps été une réalité et un atout. Aujourd’hui, le 1 % de la population la plus aisée possède 33 % des richesses du pays, ce qui a fait bondir l’indice de Gini de 29 à 49 entre 1980 et aujourd’hui. L’auteure aborde aussi la question des réseaux sociaux, sachant que le site Alibaba a plus de 400 millions d’usagers. Parmi les points de vigilance pour le parti communiste chinois, il y a le contrôle du net mais aussi la pollution, surtout lorsque l’on sait que 80 % des 334 villes contrôlées chaque année ont des taux de pollution supérieurs aux normes ! Parfois, l’actualité met le problème sur le devant de la scène comme lors de l’explosion de 2015 à Tianjin où 700 tonnes de produits chimiques entreposés illégalement ont explosé.

Politique

Ce troisième chapitre cherche par exemple à cerner qui dirige la Chine. « Les tensions sont de plus en plus fortes entre les principes autoritaires du centralisme démocratique et une réalité de plus en plus complexe ». On revient à Internet avec le fait que « Reporters sans frontières » a placé la Chine au cinquième rang des pays où la liberté de la presse est la moins respectée. Valérie Niquet aborde ensuite la question des dissidents chinois en citant plusieurs cas et en insistant sur le fait que beaucoup ont choisi l’exil face à l’inflexibilité du régime. Elle explique dans un autre article qu’il faut éviter aussi de réduire la question ouïghoure au radicalisme islamique.

Economie

La première interrogation du chapitre porte logiquement sur « économie socialiste ou économie de marché » tant il est difficile de caractériser la Chine actuellement. Les 103 entreprises chinoises parmi les 500 plus importantes au niveau mondial sont presque toutes des entreprises d’Etat ou collectives. Les investissements étrangers restent un puissant moteur pour la Chine tant au point de vue économique qu’au point de vue de l’image de la puissance. Il faut aussi relativiser la consommation chinoise car la dépense journalière se monte à 7 dollars et dissimule de grandes disparités entre ville et campagne. Le yuan n’est toujours pas une monnaie internationale avec seulement 2 % des transactions. Valérie Niquet resitue également la relation complexe entre Chine et Etats-Unis. En effet, si les deux pays représentent plus de 40 % de l’économie mondiale, la Chine a occupé depuis 2013 la première place comme détentrice des bons du trésor américain. Il faut relativiser la force d’innovation de la Chine quand on sait que la majorité des brevets ne sont déposés qu’en Chine et ne passent pas les barrières de l’accréditation internationale.

Géopolitique et stratégie extérieure

Ce dernier chapitre envisage plusieurs aspects de la Chine en train de se construire comme puissance. Xi Jinping avec la formule de « rêve chinois » semble avoir visé juste, exaltant à la fois la force de la Chine et la volonté de ne plus être dominée comme elle le fut. L’histoire demeure encore aujourd’hui un point de crispation : plus de la moitié des feuilletons télévisés en Chine sont consacrés à la guerre sino-japonaise. De nouvelles relations se tissent entre Chine et Russie. Valérie Niquet développe aussi d’autres axes comme la Chine en Asie ou Chine et Inde (avec d’ailleurs une petite coquille sur Bandung) ou encore Chine et Afrique. Elle conclut son tour d’horizon par une réflexion sur le soft power à la chinoise : plus de 500 instituts Confucius ont été ouverts dans 125 pays depuis 2004. Si les chiffres sont impressionnants la réalité de ce soft power l’est moins. L’ouvrage se termine par un mini chapitre de trois articles sur les relations franco-chinoises.

Cet ouvrage est donc très pratique pour avoir un état des lieux de la Chine actuelle. Distillant une approche tout à tour historique, géographique, culturelle ou encore économique, il permet un tour d’horizon efficace avec ce qu’il faut comme chiffres.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes