L’exposition universelle de 1867 fut un événement exceptionnel. Cette compétition industrielle et artistique entre pays du monde entier se déroula à Paris. Elle fut marquée, notamment, par la venue du souverain turc mais aussi de celles des principaux représentants des familles princières d’Europe. Dans le même temps, on apprenait aussi l’exécution de l’empereur Maximilien. 

Un livre en trois temps

C’est ce moment si particulier que retrace Edouard Vasseur, conservateur en chef du patrimoine et professeur d’histoire des institutions, de diplomatique et d’archivistique contemporaine à l’Ecole nationale des chartes. Organisé en trois parties, le livre montre d’abord les préparatifs puis le déroulement et enfin la réception, liquidation, bilans et héritages ce cette exposition. L’ouvrage comprend un cahier central avec des documents.

Héritage

L’auteur retrace l’histoire des expositions. D’abord principalement parisiennes, elles ont commencé à se multiplier dans les départements français et à l’étranger. En 1851, c’est la naissance des expositions universelles avec l’Angleterre. Ce fut un succès total avec 14 000 exposants et pas moins de 6 millions de visiteurs. Quatre ans plus tard, c’est le temps de la première Exposition universelle à Paris cette fois. 

Motivations, contexte

La libéralisation de la politique douanière de la France s’accompagne de mesures destinées à améliorer la qualité de la production française. L’Exposition représente un enjeu politique et social. L’intérêt des industriels, de Napoléon III et de son gouvernement ont convergé pour rendre souhaitable l’organisation d’une deuxième exposition universelle à Paris. 

Premières mesures, choix structurants

Le premier semestre 1865 est décisif dans la préparation de l’Exposition. Frédéric Le Play est l’homme clé. Une Commission impériale chargée de l’organiser rassemble les principaux notables du régime. 

Compte à rebours

Le chantier principal est constitué par le palais du Champ-de-Mars. En cet hiver 1865-1866, l’exposition de 1867 se métamorphose : de compétition industrielle internationale, elle se transforme en entreprise de divertissement. S’assurer de la participation des pays étrangers n’est pas de tout repos. 

Stratégies

Edouard Vasseur examine plusieurs cas comme celui de Ferdinand de Lesseps. Pour la compagnie et son président, l’Exposition de 1867 arrive à point nommé pour contribuer à sa campagne de relations publiques. Dans un autre domaine, la société des caves réunies de Roquefort en profite pour faire sa publicité. Son indépendance vis-à-vis des grossistes parisiens et l’extension de son réseau commercial n’ont pas de prix. Pour Victor Duruy, c’est la stratégie de la vitrine politique.

Espaces

Le palais élevé au milieu du Champ-de-Mars constitue le principal point d’attention et frappe l’imagination. Au sein du palais, les exposants sont rassemblés selon une double logique : tous ceux d’un même groupe de produits et tous les exposants d’un même pays sont regroupés dans un espace. La France occupe la moitié de la surface du palais. Le palais constitue le coeur battant de l’Exposition, mais il n’occupe que le tiers du Champ-de-Mars. L’Exposition se développe sur d’autres espaces, par exemple à Billancourt.

Exposants et expositions

Ce sont plus de 50 000 individus ou groupes d’individus représentant 32 pays qui s’affrontent lors de l’Exposition. Ce qui frappe alors les contemporains, c’est le nombre d’objets exposés. Trois techniques muséographiques sont utilisées, à savoir l’accrochage mural, la vitrine et la table. La société des caves de Roquefort investit dans une cave reproduite grandeur nature. A l’Exposition, la frontière entre le sérieux, le pédagogique et le spectaculaire n’est jamais très nette.

L’utile et l’agréable

L’agréable cohabite avec l’utile, transformant l’Exposition en cité idéale, comme une sorte de ville en réduction. Tout est fait pour faciliter la venue des visiteurs avec des restaurants, cafés et autres brasseries. La musique a été très largement présente , par exemple sous la forme des instruments auxquels une classe spécifique était consacrée. L’Exposition est un objet difficile à cerner : concours industriel, agricole, artistique et lieu de divertissement. 

Visiteurs et visites

La question des transports est la plus urgente à régler. Il faut ensuite déterminer les tarifs et règlement des entrées. Le prix d’entrée à l’Exposition est fixé à un franc. Les visiteurs peuvent acheter des médailles officielles. Il est difficile d’estimer le nombre exact d’entrées : il est peut-être de 9 millions. Des industriels ont organisé la venue de leurs ouvriers, tandis que le ministère de l’Instruction publique fit venir des instituteurs. 

Paris, l’autre Exposition universelle

La perspective de l’Exposition universelle contribue à accélérer les travaux en cours et l’année 1867 est ponctuée de plusieurs inaugurations qui témoignent de la progression des chantiers dans la capitale. Les restaurants sont une invention parisienne : il y en a plus de 800 et on compte aussi près de 10 000 cafés. Pendant les sept mois que dure l’Exposition, la ville se livre à la curiosité des Parisiens, des provinciaux et des étrangers. 

Pendant ce temps…

Entre tensions intérieures et extérieures, le contexte dans lequel se déroule l’Exposition ne peut être sans conséquences sur la manière dont les contemporains ont perçu et vécu celle-ci. La France est touchée par une crise économique persistante. A la même époque, on apprend également l’exécution de l’empereur Maximilien. 

Réception

De l’enthousiasme à la déception en passant par le scepticisme, c’est toute la palette des émotions que l’on peut lire dans les textes publiés à l’occasion de cet événement. On trouve souvent l’idée qu’en un jour on peut faire le tour du monde en se rendant à l’Exposition. Tout n’attire pas, et on peut remarquer que la foule se dirige en priorité vers la galerie des beaux arts, les fabriques de pianos ou les étalages des industries d’art françaises. 

Liquidation

La liquidation de l’événement est achevée en 1869 dans un contexte politique et social tendu. Au printemps de cette année là, il ne reste plus rien du Champ-de-Mars de l’Exposition. La commission chargée de la liquidation récompense aussi les personnes qui ont participé à l’aventure. 

Bilans

Il est plus avisé de parler de bilans au pluriel plutôt qu’au singulier. La France a remporté la moitié des récompenses pour seulement 31 % des exposants. Officiellement, le bilan est très positif et l’empereur est ovationné par les ouvriers présents à l’Exposition. Parmi les pavillons, l’exposition japonaise est un des grands succès. Le japonisme est un héritage avéré de cet événement.

Héritages

Si les vestiges immobiliers de l’Exposition de 1867 se révèlent peu nombreux aujourd’hui, tel n’est pas le cas de leurs équivalents mobiliers. Le Conservatoire impérial des arts et métiers perpétue sa tradition d’enrichissement à l’occasion des expositions nationales des produits de l’industrie et acquiert un peu plus de 300 objets. L’intérêt pour les arts et traditions populaires contribue à la formalisation des cultures nationales. 

Edouard Vasseur évoque ensuite l’évolution des expositions universelles. Celle de 1867 constitua longtemps une référence. L’héritage le plus durable est constitué par l’éclatement de l’espace d’exposition et la naissance du phénomène des pavillons. 

La France parait avoir remporté la compétition par le nombre de médailles obtenues, par ses exposants, mais son économie atteste d’un retard en matière d’innovation. Finalement l’Exposition de 1867 marque le début d’une nouvelle ère où, grâce à la révolution des transports et de la communication, les relations entre les points du globe se trouvent accélérées et facilitées. 

L’ouvrage d’Edouard Vasseur propose une plongée très intéressante dans cette France du Second Empire. A travers un lieu et un événement, l’auteur recrée toute la réalité d’un monde en mutation.