La revue Etudes publiée par la Documentation française offre l’occasion de faire le point sur des questions centrales dans l’enseignement de la géographie au collège et au lycée. Le précédent numéro recensé portait sur le développement durable. Le présent numéro s’intéresse à la question de nourrir les hommes, inscrite aux programmes scolaires comme à ceux du capes d’externe d’histoire – géographie.
Si la crise alimentaire de 2008 semble derrière nous, la question se pose toujours de manière cruciale. Un milliard de personnes sont sous-nourris. Pour atteindre les Objectifs du Millénaire fixés par l’ONU, visant à réduire de moitié la proportion de populations vivant dans l’extrême pauvreté et souffrant de la faim, il semble nécessaire d’investir dans l’agriculture, sans négliger ses impacts sur l’environnement et en ayant soin de contribuer au développement économique et social des populations.
Pour traiter la question, les deux directeurs (deux agronomes) ont fait appel à huit auteurs issus d’horizons variés (agronomes, géographes, sociologue, économistes) qui ont travaillé sur des terrains divers (Amérique Latine, Asie, Afrique, France…).
Jean-Louis Chaléard présente un panorama de l’agriculture et de la production agricole puis il analyse les atouts et les contraintes naturels mis à disposition des agriculteurs pour montrer à quel point l’action de l’homme est déterminante. Les économistes donnent les clés de compréhension des marchés agricoles. Leur analyse est complétée par celle de Denis Pesche qui, en tant que sociologue, s’est penché sur le rôle des organisations de producteurs dans l’évolution de l’agriculture. La contribution des agronomes permet de voir en quoi les systèmes de culture et d’élevage mis en œuvre permettent de répondre aux besoins. Les articles de la fin du volume ont en commun de revenir sur les impacts de l’agriculture sur la planète et de poser la question de la durabilité des modèles mis en place.
Ponctués de documents (nombreux graphiques et tableaux, deux cartes), le volume apporte, par le regard croisé des auteurs issus de différentes disciplines, une plus-value par rapport aux nombreux ouvrages parus dans l’urgence suite à l’inscription de la thématique au programme des concours. La conclusion de l’ensemble peut toutefois surprendre. Les auteurs mettent en évidence les dimensions multiples de l’activité agricole et la diversité de ces formes (que ce soit au niveau de la taille des exploitations comme des rendements). Même si, ils ne négligent pas l’importance des inégalités qu’elle provoque, ils estiment que « cette diversité est une force ». Cette remarque peut d’autant plus surprendre si on considère le cas d’un agriculteur ayant à sa disposition une exploitation d’un hectare. Celui-ci ne doit pas estimer, comme les auteurs, que c’est « une force ». Au-delà de cette remarque, les auteurs n’occultent pas les dangers d’une spécialisation trop poussée des agricultures (en cas de fluctuations de cours). Ils militent pour une « agriculture écologiquement intensive » ou une « agriculture intensivement écologique » à la condition que les efforts faits dans le domaine environnemental ne fassent pas chuter les rendements. Le monde peut nourrir le monde, à la condition que les efforts faits au nom du développement durable (sur les aspects négatifs de l’agriculture intensive, par exemple) ne se fassent pas aux dépens de la productivité. La mise en avant de la durabilité de l’agriculture biologique exige d’être replacée dans son contexte afin de faire comprendre à nos élèves que ce modèle ne semble pas généralisable à l’échelle planétaire. Combien d’agriculteurs des pays pauvres, qui font du bio contre leur gré, aimeraient avoir à leur disposition quelques engrais chimiques ! Histoire d’accroître leurs rendements et de pouvoir tout simplement vivre mieux et d’envoyer leurs enfants à l’école !
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