La rapidité et ses dérives : voici un thème fort de cette nouvelle livraison de la Revue dessinée. Elle peut concerner la façon de traiter les bébés, les femmes en situation de souffrance et elle s’applique même au monde parfois trouble de la finance.

Le prix de l’écoute

Ce reportage s’intéresse à la question de l’écoute dans le cadre des violences sexistes.  L’écoute s’est organisée dans les années 70 avant d’être structurée par les pouvoirs publics. Cependant aujourd’hui, faute de moyens, l’épuisement guette à l’autre bout du fil. Le 3919 est le numéro d’écoute pour les femmes victimes de violence conjugale. Il reçoit 300 appels par jour. Solène est une de ces écoutantes. Elle doit rapidement déterminer le degré d’urgence mais aussi créer un climat de confiance. Cette attention génère chez elle une réelle fatigue émotionnelle. Le reportage se poursuit auprès d’une structure qui accompagne les femmes victimes pour les aider à reprendre une place. Le manque de moyens est criant et la structure doit consacrer un temps important à chercher des financements. L’Etat organise une mise en concurrence des associations entre elles ce qui favorise les plus grosses ou les moins disantes sur le prix. Le nombre de places a augmenté de 7800 à 10 000 mais les besoins sont estimés à au moins 15 000.

Huitres interdites

En décembre 2023, des milliers de personnes sont malades après avoir consommé des coquillages contaminés par les eaux usées. La question de la responsabilité se pose très vite. Comment concilier aujourd’hui une surfréquentation touristique avec la qualité des eaux. Les ostréiculteurs et les riverains se mobilisent pour obliger les responsables à agir. Lors des fortes pluies, le réseau est saturé et déborde dans tout le bassin. Pour le SIBA, Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon, c’est la faute à la météo et pas aux infrastructures.

Rubriques

« Instantané » montre la photographie de Vladimir Poutine et d’Angela Merkel lors d’une réunion. Cette scène qui pourrait sembler banale ne l’est en fait pas avec un labrador au premier plan. Le président russe compte ainsi exploiter la peur de la chancelière.

« Mi-temps » initie le lecteur au saut à la perche. Les fondamentaux, ce sont la rapidité pour l’élan, la force et la souplesse.

« La revue des cinés » invite à voir « Nope » de Jordan Peele. C’est un coup de maitre pour ce réalisateur qui dénonce ici la société du spectacle.

«  Ligne de fuite » parle de la tournée de deux musiciens messins partis à l’assaut des scènes indépendantes du sud des Etats-Unis. Ce road trip montre la part de débrouillardise des musiciens mais témoigne aussi de la situation des oubliés de l’Amérique.

Fraude fiscale

L’enquête très fouillée révèle les mécanismes de la fraude fiscale et particulièrement ce qu’on appelle les CumEx Files. Deux techniques de contournement fiscal sont décortiquées. Elles se répandent dans le monde entier et sont très efficaces. Tout est expliqué mais globalement cela consiste à se débarrasser d’une main de l’action boursière pile au moment où l’on devrait payer une taxe. Cette technique est pratiquée essentiellement par des grands groupes et des fonds d’investissement. Le seul perdant, c’est l’Etat, avec par exemple une perte sèche de trois milliards d’euros rien que pour la France. Peu à peu, le sujet quitte la confidentialité pour être mis sur la place publique. Rappelons aussi que selon la Cour des Comptes, 30 à 100 milliards d’euros, c’est le manque à gagner annuel de l’Etat français sur ses recettes fiscales.

Poussées à bout

En France, plus d’une femme sur dix expérimente un syndrome de stress post traumatique après un accouchement. L’accouchement se caractérise par un niveau de médicalisation et de technicisation élevé. Si on prend un peu de recul, on constate que la mortalité a reculé des années 70 à aujourd’hui. Le monitoring et l’échographie constituent à ce titre des révolutions importantes. Cependant, de 1975 à 2020, le nombre d’établissements est divisé par trois et le nombre de lits par deux. Au milieu des années 2000, la tarification à l’activité débarque et bouleverse les conditions de travail et d’accouchement. Les maternités doivent alors « faire du chiffre ». En vingt ans, plus d’une maternité sur trois a fermé en France.

Les irradiés de l’ile longue

Des ouvriers assemblaient ici des têtes nucléaires. Ils ont donc été exposés à la radioactivité pendant des décennies. Beaucoup d’entre eux ont contracté des maladies souvent mortelles. Le reportage cite plusieurs noms avec des décès prématurés à 50 ans par exemple. Le lieu dont il est question est un territoire de 1,5 kilomètre rattaché à la presqu’île de Crozon dans la rade de Brest. Plusieurs ouvriers et familles se sont battus pour faire reconnaitre la maladie professionnelle. Malgré quelques victoires, le ministère fait volontairement trainer les procédures.

Million dollar baby

Dans leur course effrénée à la rentabilité, des entreprises qui nécessitent de grossir malmènent les tout petits et les salariés chargés de s’en occuper. Des noms ont récemment fait la une des journaux comme Babilou. Il faut savoir que le marché de la petite enfance est juteux puisqu’un enfant sur cinq est accueilli en crèche. Il manque 200 000 places et au moins 10 000 professionnels. Au début des années 2000, les crèches étaient souvent publiques ou associatives mais des fonds d’investissement ont vu là un marché porteur. Le paradoxe, c’est que souvent l’argent public finance les profits de ces crèches. Les critères de subvention de la CAF poussent les structures à remplir au maximum, sur le même modèle que la tarification à l’acte à l’hôpital. Récemment, quelques lois ont été votées pour mieux encadrer le secteur. Cependant, la réforme du secteur des crèches reste un vaste chantier à peine entamé.

Dans le prochain numéro, la Revue dessinée reviendra sur l’affaire Tarnac et sur le massacre de Thiaroye en 1944.