La collection est bien connue avec cette idée qu’un spécialiste répond aux questions, selon les cas, d’un enfant ou d’un adolescent. Ici il s’agit de Linda qui a treize ans. Le spécialiste, c’est Henry Rousso, directeur de recherche au CNRS, auteur de nombreux livres sur la seconde guerre mondiale et notamment sur Vichy. Plus récemment encore, il est l’auteur de « L’’histoire, le présent, le contemporain » aux éditions Gallimard en 2012.

En huit chapitres et 132 pages, il s’agit d’aborder le maximum d’aspects sur le conflit. Le plan est chronologique et thématique avec trois chapitres chronologiques (d’une guerre l’autre, la conquête 1939-1942 et la reconquête 1942-1945) et des chapitres thématiques (une guerre mondiale, des crimes de masse, collaborer, résister, survivre et une guerre totale). Enfin, un chapitre traite plus particulièrement du bilan et de la mémoire. On peut remarquer d’emblée que l’angle des nouveaux programmes de collège et lycée est ainsi repris mélangeant le thématique et le chronologique.

Un sujet si bien connu que cela des jeunes ?

La seconde guerre mondiale fait vraiment partie des sujets les plus traités et sur tout type de support, et on peut imaginer que les adolescents d’aujourd’hui disposent d’une foule d’occasions pour rencontrer le sujet. On pense au cinéma à travers par exemple les films de Steven Spielberg. Pourtant, il faut aussi se rappeler qu’en terme scolaire, la question n’est abordée qu’en CM2. Cependant, si l’enfant ne l’a pas vu alors, il ne l’étudiera ensuite qu’en troisième. Comme ce livre prend pour appui une jeune fille de 13 ans, on peut donc considérer, et c’est ainsi qu’Henry Rousso l’aborde, qu’il s’agit d’une découverte du sujet. Pour l’avoir fait lire au « public cible », il faut reconnaître que l’ouvrage gagne à être lu ensemble plutôt que de laisser le préadolescent se débrouiller avec. Certains mots de vocabulaire seront ainsi utilement éclairés. Le système question-réponse est en tout cas apprécié et permet une base de discussion.

Pourquoi la guerre ?

C’est peut-être la première question qui vient à l’esprit des adolescents et il n’est pas forcément facile d’y répondre. Henry Rousso choisit d’inscrire la causalité dans un temps long en évoquant la première Guerre mondiale et ses lendemains, ainsi que le contexte économique du début des années 30, tout en nuançant bien l’influence de celle-ci dans l’explication du conflit. Il resserre ensuite la focale et prend le temps de préciser les événements de mai juin 1940. Il insiste également sur les « buts de guerre » pour faire percevoir les logiques selon les pays impliqués. Il explique ainsi comment l’Allemagne nazie voit l’URSS.

Chronologie et espaces de la seconde guerre mondiale

L’auteur utilise de la chronologie, ce qui est indispensable, surtout pour une première approche de l’événement. Il précise ainsi quelques grandes batailles à travers les cas emblématiques d’El Alamein ou Stalingrad par exemple. Concernant le Débarquement, il fait bien ressentir le poids de cet épisode à travers quelques chiffres : 5000 embarcations, 200 destroyers et 33 croiseurs. Rien que le premier jour, 150 000 soldats….débarquent ». Un certain nombre de cartes accompagnent l’ensemble et aident à la lecture.

Collaborer, résister, survivre

Parmi les autres questions sensibles, Henry Rousso aborde la Collaboration et la Résistance. Il livre un paragraphe tout en nuances sur « comment pouvait-on résister ? ». Il souligne la diversité des situations. Il en profite pour citer quelques noms, notamment de femmes comme Masha Bruskina ou plus « classique » comme Lucie Aubrac. Il aborde également la thématique de la résistance civile, point longtemps ignoré. Toujours sur cette question, et c’est un des points forts du livre, l’auteur alterne les incontournables, avec Oradour-sur-Glane, et une approche européenne, et même asiatique, du phénomène de résistance.

Guerre totale et crimes de masse

On pourra aussi s’appuyer sur plusieurs passages de l’ouvrage pour faire comprendre l’idée de guerre totale. En Grande-Bretagne par exemple, la durée légale du travail passe de 48 à 60 heures par semaine. 80 % des Britanniques âgées de 18 à 40 ans travaillent pour l’industrie de guerre ou l’armée.
L’auteur consacre un chapitre distinct aux crimes de masse. Il propose une vision large du sujet en évoquant les crimes commis par les Japonais. C’est un aspect parfois rapidement évoqué et il est bon de donner quelques idées à ce sujet : naturalisations forcées en Corée, mais aussi fourniture au Japon de plus de la moitié de sa consommation de riz. L’Unité 731 est aussi évoqué et le sujet demeure sensible comme en témoigne la polémique récente autour de la photographie du premier ministre japonais installé aux commandes d’un avion numéroté 731. Henry Rousso évoque aussi Katyn, Babi Yar et l’extermination des prisonniers de guerre soviétiques. La Shoah est clairement expliquée. Enfin, Henry Rousso n’oublie pas d’insister sur le fait que cette barbarie a été le fait d’hommes éduqués d’un pays développé. Signalons qu’un dernier chapitre intitulé « après la catastrophe » dresse un bilan du conflit en précisant les chiffres de victimes et ce que cela représente en pourcentage selon les pays.

Voici donc un ouvrage qui revisite un thème connu en apportant les repères essentiels sans négliger des apports plus récents. Il pourra être utile en troisième et première pour les élèves qui veulent en savoir plus. Le jeu de question-réponse reste efficace et évite la monotonie de la lecture. Un ouvrage à posséder et à faire lire.

Jean-Pierre Costille, avec l’aide de Clara © Clionautes.