La monarchie belge en effet, avec la vertueuse Reine Fabiola et son royal mari Baudouin, a pourtant fait les beaux jours de Point-de vue – Images du Monde, l’ancêtre vertueux de Gala et autre Closer.
Ce livre raconte l’histoire de la Belgique à travers la vie de ses rois. Et franchement, cette histoire mérite d’être connue. Difficile d’imaginer avant de parcourir cet ouvrage la masse de secrets d’alcôve, de grandes et de petites faiblesses, que cette dynastie de souverains recèle sans parvenir toutefois à les dissimuler.
Que l’on ne se trompe pas, l’auteur est un romancier, et même un romancier à succès, pas un historien. Pourtant il fait découvrir de façon très plaisante la rencontre de ces hommes et de ces femmes, souverains, princes, domestiques et valets, avec l’histoire, la grande, celle qui les dépasse sans doute largement.
Chaque souverain est saisi à un moment emblématique de son règne.
Léopold ler rentre dans un dans un pays où il n’a jamais mis les pieds en 1831. Son accession au trône est le fruit d’un compromis diplomatique entre l’Angleterre et la France. L’une ne veut pas entendre parler d’une Belgique reliée à la France qui la menacerait, l’autre entend revenir dans le concert européen malgré la naissance insurrectionnelle de la monarchie de Juillet.
Personnage étonnant que ce Léopold Ier, qui découvre un pays de 3 millions d’âmes, et qui se rend compte que la survie de son royaume dépend de son alliance avec une fille de Louis Philippe, Louise Marie. Il conduit pourtant son règne avec sagesse, même si sur la fin le démon de Midi le travaille avec Arcadie Claret qu’il entretient à grands frais. C’est également sous son règne que la Flandre commence à se manifester et à faire valoir son identité.
Léopold II, est connu par les historiens qui se sont intéressés à la colonisation comme un souverain épouvantable, âpre au gain et cruel qui a tiré du Congo qui était sa propriété personnelle une fortune immense. Patrick Roegiers passe un peu vite sur cet aspect peu reluisant, pour parler de ses traits de caractère, de son tempérament étonnant, de ses manies aussi. En tricycle sur la digue d’Ostende, il se rend chez sa maîtresse sans crainte du ridicule. Il est vrai qu’il appelle ses nombreuses maîtresses « ses noires », entre machisme et colonialisme sensuel, même si ce détenteur en propre du Congo qu’il lègue à l’État belge à la fin de son règne, n’y est pas allé souvent par crainte des maladies.
Plus populaire dans la mémoire des Belges, le Roi soldat, Albert Ier. celui qui a incarné la volonté de résistance de son pays pendant la Grande guerre, qui s’est accroché à ce bout de plage de La Panne, connaît un destin tragique… Il meurt d’un accident d’escalade en 1935 dans une Belgique que l’on appelle pourtant le Plat pays. Difficile de ne pas y voir une histoire belge.
Léopold III a failli tuer la monarchie du fait de son attitude équivoque pendant la seconde guerre mondiale. Sa rencontre avec Hitler, alors que la Belgique est occupée l’amène à abdiquer en faveur de son fils. Pourtant, tout avait bien commencé, et notamment un beau mariage d’amour avec Astrid, la reine blanche, venue de Suède qui décède dans un accident de voiture causé par son royal époux.
Lorsque Baudoin, le 30 mars 1990, refuse de signer la loi sur la dépénalisation de l’avortement, lui, le Roi légaliste, l’homme le plus expérimenté de Belgique, l’auteur de cet ouvrage ne peut s’empêcher de titrer « un coït interrompu de 36 heures ». Il est des formules plus heureuses en l’espèce pour évoquer la vacance temporaire du trône qui permet d’adopter une loi qui dépénalise l’avortement
Baudoin est un saint homme qui mange peu, ne boit jamais de vin et conduit lui-même sa voiture en respectant les limitations de vitesse. Fabiola une sainte aussi et ce couple aimant n’a pas eu d’enfant, un drame familial permanent qui explique la décision royale de 1990. Un excellent chapitre évoque aussi la montée en puissance de la revendication fédéraliste des flamands. Le 14 juillet 1993, juste avant son décès, la Belgique fédérale est née. L’histoire dira, si elle est viable. la longue crise gouvernementale de l’année 2007, une parmi d’autres a montré que ce n’était pas évident.
Les femmes, les frères, mais aussi les enfants décédés ou naturels (une tradition monarchique) sont les figures secondaires d’un roman familial qui se lit comme un véritable roman-feuilleton, avec ses coups de théâtre et ses rebondissements. Le fantasme de l’abdication, récurrent chez chaque monarque, le culte du secret, les angoisses (folie, phobie, neurasthénie), les accidents, les guerres, les drames, les haines et les rivalités sont les ressorts cachés d’une grande aventure individuelle et collective.