L’ouvrage reprend 10 ans de recherches en matière d’agroécologie menées par le Cirad et l’AFD1 en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes. C’est un ouvrage technique sur différents aspects : valorisation de la biodiversité dans les agrosystèmes, optimisation des cycles biogéoclimatiques, évaluation des services écosystémiques qui montre la nécessité de s’intéresser à des aspects proche de la géographie et une réflexion sur les systèmes agricoles et alimentaires pour une production et une consommation plus durable.
L’ouvrage est organisé en deux grandes parties : études de cas et focus thématiques s’inscrivant pleinement dans les ODD2 dans un contexte incertain : démographie et urbanisation, faiblesse des investissements, mondialisation des échanges et dégradation des conditions physiques (changement climatique, dégradation des sols). Face la remise en cause de la « révolution verte », de nouvelles pratiques agroécologiques se développent dont il faut analyser la pertinence, les conditions de diffusion et les conséquences économiques et sociales, sanitaires et nutritionnelles.
Études de cas
Ce sont des démarches de recherche-action qui sont décrites et analysées dans un cadre de co-construction des savoirs entre experts et agriculteurs.
Au Burkina-Faso le premier exemple associe éleveurs et agriculteurs dans la zone cotonnière de l’Ouest du pays dans un contexte de pression foncière. La réduction des jachères y a un fort impact sur l’élevage qui pourtant procure la fumure indispensable. Les auteurs décrivent les innovations, associations culturales (maïs- niébé ou plantation d’arbres fourragers) qui apportent nourriture aux animaux, fertilisation grâce aux légumineuses même si l’adoption de ces innovations reste limitée.
Le second article concerne Madagascar, dans la région de Vakinankaratra au centre du pays on a expérimenté des variétés de riz résistant et adapté aux hautes terres et des modifications des pratiques d’élevage pour une amélioration de la qualité du fumier. Les auteurs montrent la difficulté à diffuser ces pratiques liée à la précarité de nombreux petits paysans peu enclins à prendre le risque de modifier leurs pratiques.
Agroforesterie et cacao-culture, ou comment lutter contre la déforestation liée à l’extension des vergers de cacaoyers sans ombrage ? Cette technique est remise en cause, aujourd’hui, notamment en raison du changement climatique. Les études portent sur la Côte-d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun. Il s’agit de développer la diffusion d’arbres nourriciers susceptibles de compléter l’alimentation, de fournir des revenus (hévéa, manguier) et qui contribuent par stockage du carbone à limiter le changement climatique. Les auteurs développent aussi la façon dont sont accompagnés les agriculteurs.
Une quatrième étude porte, en Afrique, sur la lutte contre les ravageurs en maraîchage. Après un bilan agronomique et économique des carrés maraîchers notamment périurbains les auteurs montrent la nécessité d’une évolution pour diminuer le recours eux traitements chimiques (eau, qualité des aliments, coûts) avec des exemples pris au Bénin et au Kenya.
Le chapitre cinq conduit le lecteur au Laos où l’intensification de la production s’est accompagné d’une déforestation, d’un effondrement de la fertilité et à partir de 2010 d’une baisse de la production. On notera un schéma d’accompagnement de la transition qui pourrait être repris dans une réflexion sur d’autres évolutions y compris de notre système éducatif.
Après l’Asie, les Antilles françaises et le grave problème de pollution au chloredécone dans les champs de bananiers. Depuis 2007 un plan pour une production durable a été lancé. L’article en détaille les modalités techniques et le cadre d’interventions multi-acteurs.
A la Réunion c’est la lutte contre les bioagresseurs des cultures fruitières et maraîchères qui occupe les chercheurs dans un contexte de recherche de l’autosuffisance alimentaire de l’île. Les auteurs présentent la démarche participative employée pour l’étude et la diffusion de nouvelles pratiques de lutte biologique.
L’agroforesterie en Amérique centrale, notamment au Costa-Rica, associée à la culture des caféiers est analysée sur les versants pentus (risque d’érosion). Les auteurs développent l’intérêt de la culture sous l’ombrage de grands arbres qui de plus produisent du bois. Un second chapitre est consacré au caféier : variétés plantées et analyse économique et écologique de la sélection et la production de semence.
Focus thématiques
Le premier article rappelle, à grands traits, les modèles agricoles en Afrique, les enjeux actuels et les définitions de l’agroécologie. Les auteurs appuient leur réflexion sur l’exemple de la région de Vakinankaratra déjà analysé en première partie.
Le rappel des enjeux : changement climatique, perte de biodiversité, raréfaction des terres cultivables, baisse des ressources conduisent à identifier les connaissances scientifiques de base du fonctionnement des systèmes agroécologiques : diversité végétale, régulation des bioagresseurs, « plante de service » pour gérer l’enherbement, culture ombragée.
La nécessité d’évaluer le compromis entre enjeux environnementaux et enjeux socio-économiques est montrée. Les auteurs développent l’importance des aspects socio-économiques pour les agricultures familiales du Sud et la réflexion méthodologique.
Partant des impacts du changement climatique du l’agriculture des pays du Sud et du fait que l’agriculture contribue aussi aux émissions de GES, les auteurs montrent comment les pratiques agroécologiques peuvent atténuer le changement climatique et permettre une adaptation à ses effets.
Au chapitre suivant il s’agit d’analyser l’innovation collaborative et l’intérêt d’une recherche de solutions localisées et l’entraide face aux risques.
Sont ensuite abordées les dynamiques marchandes pour soutenir la transition agroécologique et la place du consommateur, analyse, avec des exemples au Vietnam, au Brésil, à Madagascar et au Laos, qui n’est pas seulement valable pour les pays du Sud. Les auteurs montrent les freins liés aux filières très liées à l’industrie agroalimentaire (encart sur le Brésil).
L’étude se poursuit avec une approche plus géographique. D’une part la description de dispositifs territoriaux, au-delà des essais individuels, pour mobiliser les acteurs à différentes échelles et de façon pérenne.
D’autre part avec l’analyse des politiques publiques notamment en matière de promotion de l’agriculture biologique en particulier aux Caraïbes et en Amérique latine.
Le dernier chapitre, en guise de conclusion, tente un bilan des perspectives : «Au final, la transition agroécologique ne pourra s’accomplir pleinement sans une prise de conscience des consommateurs et des citoyens et sans la montée en puissance des forces motrices supra-locales. Des acteurs nationaux et internationaux doivent s’impliquer et impulser un souffle politique, des orientations et des choix explicites qui touchent à la conception même qu’ils ont des sociétés et de l’avenir de la planète.»3
________________________________________________________________
1 Cirad : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. AFD : Agende française pour le développement
2 ODD : Objectifs du Développement Durable de l’ONU
3 p. 358