Dans tous les sens
Le livre est à manipuler dans plusieurs sens : tantôt horizontalement, tantôt verticalement, c’est d’abord un bel objet qui rend hommage au sujet qu’il traite. Il est le fruit d’un travail à trois. Il est l’oeuvre tout d’abord de Céline Delavaux qui a collaboré à des revues comme « Dada » et a publié « La Vie en design » aux éditions Actes Sud Junior, pépite du documentaire du Salon du livre jeunesse de Montreuil en 2015. Elle est accompagnée de Stéphane Kiehl qui a illustré plusieurs ouvrages pour la jeunesse, comme « Jeux et délires au Centre Pompidou ». Précisons que le livre contient aussi des compositions typographiques qui sont l’oeuvre de Kamy Pakdel.
Que fait la police ?
La typographie est partout et elle est un exemple de comment une certaine forme d’art peut s’insinuer dans le quotidien. Avec le développement de l’ordinateur, tout le monde dispose d’incroyables possibilités, auparavant réservées aux spécialistes. Utiliser telle ou telle police fait passer un message comme le souligne l’introduction. Difficile de ne pas associer Garamond avec une certaine culture française classique ou Futura avec Canal Plus. On pourra consulter la page 61 qui propose un texte de quelques lignes mais avec cinq polices différentes où l’on s’aperçoit bien de toute la charge symbolique de chaque police de caractère. La police accompagne donc le message.
Un peu d’histoire et de technique
Plus généralement, ce livre retrace l’histoire de la typographie en remontant à l’invention de l’écriture. L’objectif est de poser un certain nombre de grands repères. Chacun d’eux se lit facilement : après l’invention de l’imprimerie, Céline Delavaux fait le lien entre révolutions démocratiques industrielle et numérique. Le texte évoque également la période de l’Art nouveau et de l’Art déco, très friands de typographies.
Plusieurs passages dans le livre apportent des informations techniques. Vous serez au clair sur la fonte, le bas de casse ou la chasse sans que cela soit trop lourd. Vous saurez aussi ce qu’est un manicule.
Que se cache-t-il derrière chaque nom ?
Le livre passe en revue un certain nombre de polices sous forme d’une fiche d’identité originale. En effet, elle est organisée en précisant son année de naissance, sa famille, sous forme de père, mère, frères et cousins, des signes particuliers, sa personnalité et sa fonction. Ainsi, pour Cooper black, on apprend que cette police est née en 1922 et qu’elle comprend sans doute des dizaines de cousins. Elle est beaucoup utilisée au moment de sa création dans les années 20, puis elle lassa avant de réapparaitre grâce à certaines pochettes d’albums comme un disque mythique des Beach Boys. Aujourd’hui elle est utilisée par Easy Jet.
Les stars de la typographie
Certaines écritures ont connu un véritable succès. Milton Glaser est l’inventeur du logo de New York en 1977 avec un caractère qui imite la machine à écrire. Jusqu’en 1994, le journal Le Monde a utilisé Times New Roman. Ce fut aussi la police par défaut installé sur les premiers Macintosh, ce qui contribua à son succès et fit d’elle la plus employée au monde. On apprendra également qu’en 1969 l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle fit appel à Adrian Frutiger pour inventer sa signalétique qui connut un tel succès qu’elle fut reprise par d’autres aéroports à travers le monde. Helvetica est quant à elle souvent utilisée dans les métros.
Voici un ouvrage original sur un sujet qui pourrait paraitre aride au premier abord. On apprend plein de choses et, si on n’est pas rassasié, on pourra conseiller, pour les plus grands « Sales caractères : petite histoire de la typographie » de Simon Garfield aux éditions du Seuil sorti il y a quelques années.
Pour découvrir quelques pages de « La vie en typo ».
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes