Julie d’Andurain, directrice des études à l’Ecole Militaire et chargée de cours à Paris-Sorbonne, a su utiliser et approfondir les 10.000 photographies d’un fonds du Général Gouraud aux archives du Quai d’Orsay.

Julie d’Andurain, l’auteur, nous a d’ailleurs fait une conférence passionnante à Béziers sur le proto-nationalisme arabe, l’Empire Ottoman et les rivalités dans la famille des hachémites de 1878 à 1931, le 1er Mars 2017, à la Médiathèque André Malraux, en partenariat avec les Clionautes.

Le Général Gouraud est assez méconnu. Né en 1867, il meurt en 1946.
Sa carrière est marquée par 4 étapes : l’Afrique de 1894 à 1914, la Grande Guerre, la Syrie/Liban de 1919 à 1923; et le poste de Gouverneur Militaire de Paris de 1923 à 1937.

Il fut l’une des figures importantes de l’histoire de la colonisation française dans le sillage de Gallieni et de Lyautey. Paradoxalement, il est davantage connu pour sa mission en Syrie et au Liban que pour ses vingt années passées en Afrique.
Cependant en 1895, il découvre la ville mythique de Tombouctou.
En septembre 1898, à la tête de 9 européens, 212 tirailleurs et 50 porteurs, Gouraud s’enfonce dans la jungle à la poursuite de Samory, il a reçu l’ordre d’en finir avec ce grand chef noir, obstacle à la colonisation française. Le 29/09 Samory est capturé, sans effusion de sang. D’un point de vue tactique, c’est le premier grand exploit du capitaine Gouraud.
C’est une étape fondamentale de la conquête de la boucle du Niger qui est franchie !
Samory sera jugé, condamné à l’exil au Gabon et décède d’une pneumonie en juin 1900. Je signale une très belle photo de Samory page 62/63, où on le voit porter son Coran en captivité.
Ci-joint le gros plan de ce portrait de Samory ,vers 1899.

De 1904 à 1906, Gouraud est au Tchad. Il est l’instrument efficace du lobby colonial. Sa mission est d’assurer l’unité de ce territoire faisant la jonction stratégique entre AOF (Afrique Occidentale Française) et AEF (Afrique Equatoriale Française).
En 1907, il est promu colonel et commissaire du Gouvernement général en Mauritanie. Sa mission : empêcher les rezzous des Maures qui descendent régulièrement vers le Sénégal. Il fait aussi la conquête de l’Adrar, avec des méthodes de guérilla et perd 166 hommes en 1908. En octobre 1909, la conquête est brillamment achevée.
En 1911, nommé au Maroc, il est repéré par le Général Lyautey.
En 1912, il est le plus jeune général de sa génération, à 44 ans.
En mai 1914, à la tête d’une armée moderne de 6.000 hommes, il écrase les guerriers montagnards, grâce à ses canons, et réussit à relier le Maroc occidental (Fès) et le Maroc oriental (Oujda). Encore une mission très bien accomplie !
De septembre 1914 à novembre 1918, il combat dans la Grande Guerre et reçoit l’honneur suprême d’être le premier à entrer avec son armée dans la ville de Strasbourg. Il libère donc l’Alsace !

En novembre 1919, il arrive à Beyrouth, au Liban.

En 1920, Henri Gouraud rentre dans l’Histoire pour avoir créé le Liban séparé de la Syrie. En effet, conformément à son caractère, Gouraud décide de résoudre les problèmes militaires un à un. Il réclame d’abord à la France des renforts de 35 000 hommes; puis se rapproche des chrétiens maronites en annonçant le rattachement prochain de la Bekka au Liban (discours du 3 avril 1920) et une fois la conférence de San Remo passée, le 25 avril 1920, adresse un ultimatum à Fayçal pour lui demander d’accepter le mandat (14 juillet 1920). Face à ce qu’il juge être des réponses dilatoires, Gouraud lance ses troupes à l’assaut de celles de Fayçal. Le 24 juillet, la bataille de Khan Meyssaloun s’achève par la défaite des troupes arabes et permet l’entrée des troupes françaises dans Damas. Dans les jours suivant après avoir renouvelé sa décision de rattacher la plaine de la Bekka au Liban (3 août 1920), le général Gouraud décide d’organiser la Syrie en la divisant en quatre entités politiques distinctes : l’État du Grand Liban (agrandi du vilayet de Beyrouth et de la plaine de la Bekka), l’État de Damas, l’État d’Alep et le Territoire des Alaouites. Le 1er septembre 1920, le « Grand Liban » est proclamé à la Résidence des Pins (belle photo sur le perron pages 180/181).
Dès lors, la figure du général Gouraud sera diversement appréciée en Orient : image de libérateur pour les uns, sa mémoire restera définitivement associée pour les autres à la défaite de Khan Meyssaloun et à la volonté de faire taire le nationalisme arabe naissant porté par les Hachémites. En juin 1921, il échappe à un attentat qui le visait personnellement, et considérant qu’il n’est pas assez soutenu politiquement et financièrement par Paris, Gouraud donne sa démission à l’été 1922.

Enfin sa carrière se termine à un poste de prestige : gouverneur militaire de Paris de 1923 à 1937. Il s’investit dans l’élaboration d’un mémorial pour les morts des armées de Champagne, et aussi dans les relations franco-américaines de 1926 à 1929.
En 1940, il propose à Pétain d’écrire un ouvrage à la gloire de l’armée française, mais Pétain le désavoue, ce que Gouraud vit comme une trahison de ce proche. Il décède le 19/09 1946 à Paris.

Conclusion :
Henri Gouraud, beaucoup moins connu que Lyautey ou Bugeaud a cependant contribué à l’histoire coloniale de l’Afrique Noire, du Maroc et surtout du Liban. Julie d’Andurain nous permet dans ce livre complet et attachant, avec des photos de grande qualité, de nous faire explorer une biographie restée dans l’ombre.
Merci à elle et aux services du Quai d’Orsay pour cette promenade dans l’aventure militaire et coloniale de la France.