Frans Van Der Hoff Boersma, prêtre ouvrier et paysan au Mexique propose un essai assez polémique, plus politique qu’économique sur la réalité du commerce équitable dans un marché de plus en plus globalisé, face à une crise sociale et environnementale.

Il présente, dès l’introduction, la situation du « pauvre » paysan et insiste sur les limites d’un dialogue entre le visiteur même bienveillant, acteur du commerce équitable et le paysan de sa région d’Oaxaca.

L’ouvrage est largement inspiré tant de ses croyances religieuses que de ses réflexions philosophiques et politiques. En six chapitres qui se recoupent : Comment aborder la problématique qui touche le commerce équitable ? La dialectique conflictuelle entre savoir et comprendre, Que pouvons-nous faire, nous, les petits producteurs ? Comment dépasser le conflit et comment le gérer, Une mystique qui fait bouger l’économie solidaire, Option pour et avec les pauvres pour créer un environnement humain. Il interroge les conceptions du commerce équitable et les perceptions, conceptions des paysans autochtones mexicains.

L’auteur met en évidence les contradictions du mouvement commerce équitable, né en occident pour lutter contre la pauvreté au Sud, qui peut être aussi une forme de néocolonialisme. Pour lui la division internationale du travail montre les formes coloniales de l’économie, ce qu’il nomme « colonialité  mondiale ».

Il oppose les savoirs scientifiques occidentaux, instruments de domination, aux savoirs et compréhension nés de la lutte pour la survie. ? Il présente notamment la pensée d’Anibal Quijano1 pour un développement et une décolonisation de la pensée notamment l’idée du « bien-vivre » reliant l’homme à son environnement.

Partant de ces réflexions l’auteur propose une analyse des organisations de solidarité et de commerce équitable en fonction des types de relations sociales entre les membres. Sa réflexion dérive vers la question : « Que faisons-nous en tant qu’humanité avec notre planète ? » (p. 45). Comment intégrer une dimension sociale dans le monde du marché ?

Après un exposé théorique , généraliste, sur la place du capitalisme l’auteur aborde quelques exemples complétés d’un cahier central photographique : Comment lutter contre l’entrisme des multinationales (Nestlé) dans le commerce équitable ? Il décrit l’exemple de UCIRI (Union des Communautés Indigènes et isthme), coopérative de 54 communautés autochtones autour de l’idée de solidarité et la lutte pour le bien commun. Comment s’insérer dans un marché concurrentiel sans perdre ses valeurs ?

Il revient sur le conflit culturel entre organisations de petits producteurs et partisans du commerce équitable, entre rejet et acceptation du système économique actuel. Les premiers luttent pour leur survie et leur dignité, les seconds répondent à une demande des consommateurs. Son credo : repenser l’économie du point de vue du producteur.

L’ouvrage est traversé de réflexions philosophiques qui nous amènent à St François, Pic de la Mirandole ou Giodano Bruno loin du commerce équitable, il offre peu d’exemples concrets et se conclue sur la nécessité d’une mystique pour l’économie solidaire.

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1 Sociologue et politologue péruvien. Professeur du Département de Sociologie de l’Université de Binghamton (New York) et directeur de la chaire Amérique latine et Colonialité du Pouvoir à l’Université Ricardo Palma de Lima. Il a notamment développé le concept de « colonialité du pouvoir ».