Dans ce petit livre sobrement intitulé « L’Amérique qui vient », le journaliste Christophe Deroubaix dresse un portrait-robot des États-Unis des dernières décennies pour tenter d’en deviner ses développements futurs. Fort de son expérience en politique américaine sur le terrain, l’auteur appuie son analyse de graphiques, cartes et interviews de contacts rencontrés au fil de ses reportages. Dès les premières pages, on prend soin de briser tous les clichés fortement implantés dans l’esprit des européens. Les États-Unis seraient-ils donc éternellement « pro-armes, anti-avortement, religieuse, pro-peine de mort, anti-gouvernement, anti-impôts, mal à l’aise avec la diversité, si ce n’est carrément raciste » ? Les évolutions récentes et à venir mettent à mal tous ces préjugés qui tiendront bientôt plus du folklore que de la réalité.
Premier constat à tirer du pays qui vient d’élire Donald Trump à sa tête : il y a une lutte entre une jeunesse cosmopolite démocrate et progressiste (les millenials) et une classe moyenne blanche âgée très conservatrice. Les États-Unis n’ont pas connu de telles inégalités économiques depuis les années 1920. En résulte une polarisation des idées politiques plus forte que jamais, avec une méfiance pour l’autre parti très marquée chez un électeur sur deux.
Plus important encore : la fin du « rêve américain ». Alors que le taux de chômage est lentement redescendu sous la présidence de Barack Obama, beaucoup restent encore marginalisés (notamment dans les états industriels). Avoir un travail n’est pas une garantie de bénéficier de services sociaux. Les prix d’accès à l’université sont de plus en plus prohibitifs, engageant souvent les jeunes à s’endetter sur toute une vie.
Ces mêmes jeunes pourraient participer à une éclaircie idéologique et politique dans quelques années, quand la démographie aura évoluée. Dans 30 ans, l’Amérique blanche devrait passer sous la barre des 50%. Les américains qui ont plébiscité Bernie Sanders en 2016 (principalement des millenials) risquent de se retrouver très prochainement majoritaires, avec un projet plus social et interventionniste qui a eu du mal à séduire tout l’électorat démocrate lors des primaires.
Christophe Deroubaix commente rapidement la possibilité de l’élection de Donald Trump, qu’il n’envisage qu’à moitié : ce serait un « coup d’arrêt » aux développements progressistes que prennent les États-Unis. Une présidence à contre-courant qui n’empêchera pas des changements profonds dans le paysage politique américain, au visage de sa jeunesse sociale. Des changements qui se feront sur les ruines de la vieille Amérique dont Trump semble être le dernier soubresaut.P.-A.B.