L’histoire à l’école primaire ? Une matière bien difficile à enseigner à entendre les professeurs des écoles, stagiaires ou titulaires : manque de formation, manque de connaissances personnelles, quels contenus aborder, comment ? Bon nombre sont convaincus de la nécessité d’enseigner l’histoire dès l’école primaire et pour autant ne sont pas à l’aise avec cette matière.

Benoît Falaize, agrégé et docteur en histoire, formateur pendant plus de 15 ans à l’IUFM de Versailles et ensuite à l’ESPE de l’Université de Cergy-Pontoise connaît bien son sujet et ses lecteurs. Dans ce livre accessible pour tous et à recommander aux futurs professeurs comme aux professeurs déjà en poste, il revient sur la didactique de l’histoire, les difficultés au quotidien de son enseignement et propose des pistes de travail concrètes et applicables en classe (ce que recherchent en priorité les enseignants en primaire, sachant leur polyvalence, le nombre de matières à enseigner, les postes en zone sensible ou en cours multiples…)

80 pages, 5 chapitres courts, précis : les deux premiers présentent le pourquoi de l’enseignement de l’histoire, le suivant la nécessité d’enseigner l’histoire à l’école élémentaire et les deux derniers explicitent le comment de cet enseignement.

Dès le Second Empire l’histoire se doit de former des citoyens. Chaque changement de programmes suscite donc des débats avec les sempiternelles idées selon lesquelles les enfants ne connaissent plus leurs dates, ni les grands hommes ! Les nouveaux programmes de 2015 ne dérogent pas à la règle. L’enseignement de l’histoire est devenue une question politique : 7 modifications des programmes pour « seulement » 3 pour l’école primaire dans son ensemble.

L’actualité de ses derniers jours montre bien que les débats peuvent vite s’enflammer dès que l’on évoque l’histoire dans les discours politiques ( Par exemple la petite phrase de Nicolas Sarkozy  » Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois.« )

Avec l’éveil dans les années 70, l’histoire entre dans les sciences sociales à visée de développer l’esprit critique et non plus à visée encyclopédique. Tollé ! Les débats sont en effet plus politiques qu’historiques et provoquent plus de réaction que des changements en mathématiques ou en géographie ! L’histoire a également un statut particulier dans la société française, on pourrait même parler de passion française comme le montrent le succès des Journées du Patrimoine ou les livres d’histoire en librairie de même que les commémorations… La France est d’ailleurs l’un des rares pays a avoir la volonté de mettre en place son enseignement dès le plus jeune âge, dès le CE1 puis le CE2 à partir de 1995. A contraire de l’Allemagne ou de l’Espagne où l’histoire n’est abordée qu’à partir du collège.

A la question « A quoi sert l’histoire », Benoît Falaize explique que 3 grands principes y répondent : former des citoyens, promouvoir un modèle de socialisation ( au départ par le biais d’un roman national vision qui n’est pas spécifique de la France d’ailleurs, et aujourd’hui par l’apprentissage d’une culture commune à tous ceux qui vivent dans le même espace) et pour donner du sens à ce qui nous entoure. Faire réfléchir voilà le but de l’enseignement de l’histoire :  » au fond plutôt qu’un empilement de dates, de personnages et de faits, l’histoire doit pouvoir donner le goût de l’apprentissage du passé et faire sens dans l’esprit des enfants. » C’est également  » s’inscrire résolument et collectivement dans les problématiques du présent ».

Avant d’aborder le comment de l’enseignement de l’histoire, Benoît Falaize au milieu de son ouvrage met le doigt sur les sujets dits « sensibles ». Après la Révolution Française, la Grande Guerre, les nouveaux sujet sensibles sont  » l’extermination des Juifs en Europe », la colonisation car « si enseigner ces questions vives n’est pas une affaire nouvelle, c’est leur transformation en enjeux identitaires qui semble faire rupture ». Deux conséquences : la victimisation , les nouveaux héros de l’histoire sont des victimes et non plus les grandes figues historiques et les revendications identitaires qui envahissent l’école pendant les cours d’histoire. Un autre sujet est présenté par l’auteur, comment enseigner les faits religieux dans une école laïque, enseignement de plus en plus redouté par les professeurs.

Dans les deux derniers chapitres, Benoît Falaize présente les pratiques actuelles des enseignants, tout en soulignant la difficulté d’ailleurs d’en avoir une représentation juste par un manque d’études sur le sujet. Les élèves parviennent à donner des repères, ce qui semble montrer que l’enseignement de l’histoire ne reste pas vain mais en même temps on note que bon nombre de professeurs sont hésitants lorsqu’ils doivent préparer une séance sur la colonisation, la traite négrière et l’esclavage, les guerres mondiales ou la Shoah. Ce qui explique d’ailleurs la grand part réservée à l’enseignement de la Préhistoire, de l’Antiquité ou du Moyen-Age au détriment des périodes plus contemporaines et pas uniquement parce que les élèves aiment bien ces périodes ! Les enseignants pensent ne pas être suffisamment compétents, ils ne se sentent pas « légitimes » pour en parler. Un autre difficulté évoquée est celle de la représentation du temps pour les enfants, comment expliquer les temps lointains à un élève de CE2 qui hésite encore à se situer sur sa propre échelle du temps, et qui ne connaît pas les grands nombres et les millions. Les documents ne semblent pas à portée des élèves, ce qui pose souci bien évidemment. Les programmes sont bien mis en œuvre, les connaissances évaluées, le patrimoine valorisé, des travaux de groupe sont menés mais en même temps les enseignants se sentent démunis du point de vue des connaissances comme au point de vue des méthodes.

Le dernier chapitre propose des pistes de travail, de la méthodologie pour un « ‘enseignement vivant de l’histoire « . L’école ne doit pas faire des élèves de petits historiens mais des élèves curieux, intéressés. Benoît Falaize plaide pour le retour du récit non pas à la manière du roman national mais à la manière de raconter l’histoire en se fondant sur des informations scientifiques et historiques. Utiliser pourquoi pas des lettres de poilus, des récits, la littérature de jeunesse… Il donne également des pistes pour l’utilisation des documents, sur l’évaluation.

Etre professeur des écoles, c’est être polyvalent, savoir enseigner les mathématiques comme les sciences, en passant par les arts plastiques ou encore l’EPS. Le jeune professeur qui débute peut être débordé, comme un autre enseignant affecté en cours multiple ou en zone sensible. Ce livre certes petit mais très complet, se lit facilement, que l’on soit de formation historienne ou pas. Il déculpabilise les enseignants face à l’enseignement de l’histoire à l’école élémentaire et donne des pistes de travail. L’importance que l’auteur donne au récit pendant les cours d’histoire (sans en faire l’unique façon de faire) correspondant à ce que l’on peut voir dans certaines classes. Voir les élèves, même les « grands » CM2 yeux et oreilles grands ouverts à la lecture de certains textes, de récits mythologiques, l’enseignant peut se dire « c’est gagné », il les a accrochés !
Et c’est par ce biais là que l’histoire pourra être enseignée et appréciée des élèves et des enseignants !
A faire lire d’urgence aux étudiants à l’ESPE et à présenter aux animations pédagogiques !