Autant le dire dès le début : on ressort ébloui par ce livre intelligent, fourmillant d’informations et d’entrées passionnantes.

Comme il est dit dans l’introduction, cet ouvrage offre « un cadre de compréhension, mais aussi et surtout des trames de réflexion, correspondant aux intérêts de notre temps et aux enjeux du XVII ème siècle ». Il est structuré en dix chapitres et comprend de très nombreuses reproductions. Il se termine par la reproduction de 48 œuvres commentées chacune en une page. Les références à ces œuvres sont signalées tout au long du texte.

L’Europe des capitales

Ces capitales concentrent les richesses et accumulent un capital culturel qui en fait des lieux de création et d’innovation.

L’art doit présenter un pouvoir. Olivier Bonfait développe l’idée du «  super artiste » et montre comment Le Bernin, par exemple, savait créer des coups médiatiques. Le jour prévu pour l’inauguration de la fontaine place Navone en 1651, il annonce à Innocent IX que le travail n’est malheureusement pas achevé. Le Pape s’apprête alors à repartir lorsque Le Bernin fait, comme par miracle, abattre tous les échafaudages pour révéler la fontaine ruisselant d’eau. L’auteur évoque également Rubens qui a fait d’Anvers le centre universel d’élaboration et de production de l’imagerie catholique du premier XVII ème siècle. Le rôle de Louis XIV est abordé ainsi que celui de Christophe Wren, sans doute moins connu, mais qui est l’architecte de la cathédrale Saint Paul.

L’artiste en ses mondes

Olivier Bonfait montre que les œuvres d’art circulent et sont visibles dans différents types d’expositions. Le chapitre explique la position des artistes qui, dans de nombreux cas, vivent grâce aux commandes. Les artistes ne sont pourtant pas à ranger dans une seule case. Salvator Rosa vend des petits paysages tout en peignant des tableaux d’autel sur commande. Il faut bien mesurer que la production artistique était  immense : on l’estime à plus de trois millions de tableaux aux Pays-Bas. L’auteur insiste aussi sur l’importance de la gravure et, au niveau institutionnel, sur celle des académies.

La fabrique de l’art

La sculpture en bronze connait des transformations car cet art qui privilégiait au XVI ème siècle la statue isolée devient au contraire le prétexte à des compositions très animées. L’hybridation des formes et des matières caractérise de multiples objets.

Le développement de l’art du meuble suscite la possibilité de multiples « objets frontières ». Le XVII ème est davantage un monde en couleurs. Le mot « génie » apparait en Europe et en vient à caractériser l’artiste.

Arts et pouvoirs

« La gloire consiste en une représentation d’une lumière sacrée qui éblouit le monde terrestre et dépasse le cadre narratif de l’espace et du temps ».

Les voûtes sont donc des lieux où le pouvoir se manifeste tandis que le retable, « une machine spirituelle », devient de plus en plus monumental. Enseigner, plaire et émouvoir sont alors les trois fonctions de l’image dans la rhétorique catholique. L’escalier devient un lieu de puissance et de mise en scène du pouvoir pour impressionner les visiteurs du palais. « En écho aux amplifications des images de cette gloire terrestre se multiplient les représentations liées à la mort car celle-ci est partout au XVII ème siècle ». Des six enfants légitimes de Louis XIV, un seul atteint l’âge adulte.

Par ailleurs, l’art de la tapisserie se développe et se révèle particulièrement coûteux. Pour l’historien, il reste pourtant difficile de restituer la culture visuelle des femmes et hommes de cette époque.

Antique et moderne

L’Antique est devenu un système universel de référence, une clé d’interprétation du monde et une symbolique du pouvoir. De plus, l’Antiquité est le temps des héros et des exploits. Les statues antiques fixent un canon du corps humain. Il ne faudrait pas pourtant réduire l’Antique à un catalogue d’objets car c’est d’abord un corpus de motifs qui confèrent à l’œuvre une certaine unité visuelle dans un style noble.

Avec Louis XIV apparait un nouveau rapport à l’Antique : non plus « une attitude d’imitation-émulation mais une volonté de mainmise ».

Nouvelles visualisations

Les artistes du XVII ème siècle n’ont pas inventé d’outils conceptuels comme la perspective. Cependant, l’œil du XVII ème siècle a élaboré de nouveaux schémas de représentation du monde et de l’être à travers des supports de représentation, des genres artistiques ou des problématiques visuelles.

La carte, l’atlas et le globe apparaissent comme de nouveaux modes de représentation. Par ailleurs, le rendu de la chair, la plastique ou le coloris constituent une préoccupation nouvelle pour les artistes.

Nouveaux lieux

La ville s’impose comme l’horizon principal de référence. Le tracé régulier urbain s’organise en trois schémas à savoir le plan en damier, le plan rayonnant et le plan basé sur une rationalisation géométrique.

A Paris, sous le règne d’Henri IV, l’activité édilitaire du roi se concentre sur trois places. Le pouvoir se met de plus en plus en scène et les spectacles se diversifient dans leur typologie. L’efficacité de ces spectacles tient à plusieurs facteurs : l’espace urbain est transfiguré, la cité se transforme en un lieu pastoral et la ville bourgeoise devient ville antique. Tous ces spectacles ont été des terrains d’expériences de créations, le lieu de rencontres entre différents langages expressifs et visuels.

Le tableau, quant à lui, est exporté hors d’Europe pour véhiculer des messages religieux.

Les enjeux du visible et les cadres de la présentation

Les relations s’intensifient entre art et sciences comme le montre Vermeer.

La perspective est enseignée dans les académies et fait partie de l’outillage commun des artistes. Des traités sur les arts synthétisent les savoirs. Le statut de l’image dans les pratiques scientifiques évolue  : de simple illustration, elle devient utilisée pour démontrer une théorie.

Regards du XXIe siècle

Olivier Bonfait propose dans cet ultime chapitre d’aborder les arts du XVIIe siècle à partir de deux approches actuelles : l’art mondialisé et les questions de genre. 

Cela pourrait sembler iconoclaste mais l’auteur précise que la monographie d’artiste, aujourd’hui unanimement acceptée, n’est un cadre de réflexion qu’à partir du XXe siècle. Ces interrogations ont surtout pour but d’ouvrir des perspectives.

Il est difficile de parler d’interactions artistiques entre l’Europe et le monde à l’époque. L’image de l’autre reste souvent stéréotypée mais aussi parfois humanisée. Les relations aboutissent plutôt à des expressions visuelles bigarrées, elles sont plus proches du phénomène de créolisation.

 

Cet ouvrage offre donc un panorama et une analyse très complète de l’art du XVIIe siècle. Il multiplie les questionnements, les angles d’approche, ce qui rend l’approche de l’art de cette époque très dynamique. Un véritable plaisir de lecture et l’impression d’être plus intelligent quand on referme le livre.