Oeuvre emblématique de la littérature japonaise, le Dit du Genji écrit par Murasaki Shikibu au XIe siècle, est considéré comme le premier roman psychologique au monde. Il témoigne des raffinements de la cours à l’époque Heian (794-1185) ainsi que d’une intense activité artistique.

Le présent catalogue et l’exposition organisée au musée Guimet du 22 novembre 2023 au 25 mars 2024 rendent hommage au travail d’Itarô Yamaguchi, qui consacre 37 ans de sa vie à recréer les emaki du Dit du Genji sur des métiers à tisser Jacquard, il s’agit de rouleaux peints alliant calligraphie et illustrations. Deux séries existent : la première est au siège de l’entreprise familiale à Kyoto, la seconde a été offerte à la France et plus particulièrement au musée Guimet en reconnaissance de l’invention des métiers Jacquard.

Un ouvrage fondateur

Le Dit du Genji s’inscrit dans une littérature féminine avec les Notes de chevet de Sei Shônagon, mais aussi les Mémoires d’une éphémère de Fujiwara no Michitsuna, qui préfigure les deux autres oeuvres. Exclues du pouvoir politiques et reléguées au second plan, les femmes jouissent cependant d’une liberté relative, qui leur permet de s’adonner à une vie intellectuelle et d’écrire. Après la période Heian et les guerres civiles, les valeurs viriles des shoguns sont exaltées et la littérature féminine se tarit. Les multiples influences de l’ouvrage en littérature sont également évoquées, de même que la symbolique des couleurs.

Les rouleaux d’Itarô Yamaguchi

L’ouvrage se poursuit ensuite par les rouleaux d’Itarô Yamaguchi. Les reproductions, de grande qualité, mettent en avant la finesse du travail de l’artiste. Les détails des rouleaux sont mis en lien avec le contenu du livre, mais aussi comparés avec les illustrations initiales. Les techniques employées sont également abordées. Un entretien avec le maître permet ensuite d’éclairer son travail et le défi technique qu’il représente. Les difficultés technique ainsi que le rôle de la création par ordinateur sont évoqués. Il revient également sur le don fait à la France ainsi que sur son travail sur les obis et kimonos.

Une technique élaborée

Des indications techniques ainsi qu’une histoire des soieries de Nishijin complètent l’ouvrage. Dès l’époque d’Heian, ce quartier de Kyôto est en effet réputé pour le tissage de la soie, notamment les costumes de Nô et les kimonos de courtisanes. Pendant la période d’Edo (XVIIe-XIXe siècles), les techniques se perfectionnent mais le développement du quartier connaît d’arrêt avec la destruction de près de 7000 métiers à tisser lors de l’incendie de 1730. Le quartier subit aussi une concurrence accrue des autres villes japonaise et de l’étranger avec l’ouverture des ports. De plus, les lois « somptuaires » interdisent la production de produits de luxe.

Cependant, sous l’ère Meiji, le quartier de Nishijin bénéficie de l’envoi de jeunes artisans en Europe. Ils étudient notamment la mécanique Jacquard à Lyon.

Maitre Yamaguchi rompt avec l’organisation du travail classique qui fait intervenir plusieurs spécialistes et leurs ateliers. Il contrôle le procédé de A à Z. Il souhaite rendre hommage à la mécanique Jacquard. Elle figure selon lui parmi les meilleurs procédés. Un article du catalogue revient ainsi sur cette révolution technique lyonnaise. L’intérêt était de permettre à une personne seule de tisser. Les liens entre les deux villes sont ensuite évoqués.

 

L’ouvrage s’achève par une reproduction intégrale des rouleaux, dans le sens de lecture japonais. L’ouvrage livre donc un nouveau regard sur ce monument de la littérature japonaise. Le catalogue, édité en reliure japonaise, permet de plonger dans une période historique relativement peu connue du pays du soleil Levant.

Jennifer Ghislain

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