Après avoir commencé sur YouTube, s’être développé en livre, Mister Geopolitix investit un nouveau média avec la bande dessinée. De façon tout à fait transparente, il précise que celle-ci est réalisée « d’après la chaîne YouTube Mister Geopolitix ». Un numéro est effectivement paru en février 2021 intitulé « Neuf erreurs sur la déforestation ( à ne plus faire) ». On peut aussi signaler d’autres numéros plus anciens qui abordent en partie cette thématique.

Aborder le thème de la déforestation

En amont, Mister Geopolitix présente le sujet en rappelant l’importance des forêts sur la planète. Dès le début, il souligne qu’il s’agit là d’une question globale qui a des liens avec l’agriculture, l’élevage ou la population en général. La bande dessinée permet de le suivre en reportage dans plusieurs endroits de la planète. On apprécie cette approche dans plusieurs lieux qui ne réduit pas la question de la déforestation à l’Amazonie. La bande dessinée se termine par un dossier qui aborde trois points : « Où se trouvent les forêts dans le monde ? », « Comment évolue la déforestation ? »  et « Quelles sont les conséquences ? ». On retrouve d’ailleurs ici quelques visuels présents dans la vidéo de février 2021, mais également de rapides références bibliographiques pour aller plus loin et les sources utilisées.

La situation brésilienne et sa complexité

La bande dessinée commence alors que Gildas Leprince alias Mister Geopolitix, termine un reportage sur les baleines. Tandis qu’il est en train de procéder au montage, il est contacté par une chercheuse de l’INRA qui aurait besoin de sensibiliser la population à ses travaux et c’est là qu’il intervient. Le voyage commence au Brésil, dans l’état du Rondoria, l’un des plus touchés par la déforestation sous la forme d’incendies de forêts. Ici, le couvert forestier a perdu en surface 1,5 fois la France en 50 ans ! Il s’agit là d’une déforestation sauvage qui, une fois réalisée, est transformée en terre  pour en faire des pâturages monnayés aux éleveurs. Il est difficile de lutter contre ce phénomène quand on voit l’immensité des lieux et les sommes dérisoires fixées pour les amendes. Il faut aussi mesurer que la consommation de viande augmente dans le monde, ce qui est une donnée du problème. On apprécie le fait que Mister Geopolitix dépasse d’ailleurs une vision émotionnelle du phénomène et cherche à le comprendre avec tous les tenants et aboutissants. C’est pour cela qu’il rencontre un éleveur qui lui explique clairement que c’est la déforestation qui lui permet de vivre et qui ne cache pas son agacement dû au fait qu’à chaque fois qu’on vient le voir, c’est pour le lui reprocher. Mister Geopolitix rencontre également des membres d’une communauté indigène qui ont trouvé une sorte de modus vivendi avec les paysans. Ils travaillent dans des fermes et, si certains endroits ont été transformés, ils ont pu aussi en préserver d’autres, en lien avec leur culture. Finalement, fermiers et Indiens partagent un point commun : il leur faut arriver à survivre et ils ont besoin de travailler pour exister. 

Une question globale

On se retrouve ensuite à quelques kilomètres de la Gambie. Ici se trouve un des bois les plus précieux de la planète : le bois de rose. Mister Geopolitix entreprend de suivre le chemin que suit cet arbre, depuis sa coupe sauvage jusqu’à sa vente. Cela rapporte plus pour les jeunes d’être des intermédiaires de ce trafic plutôt que de travailler légalement. Bref, comme pour le premier cas, la déforestation s’explique aussi ici par le besoin de survivre. Depuis 2017, le bois de rose est placé sous protection internationale pour tenter d’endiguer le trafic. On est au coeur de la réalité quand un des conducteurs est arrêté par la police qui lui reproche de transporter trop de bois de rose. Il n’y a là aucune volonté d’empêcher l’exportation illégale puisqu’il s’agit en réalité d’un moyen pour l’agent des forces de l’ordre de réclamer de l’argent. La bande dessiné souligne une fois encore la nécessité d’examiner la question de façon globale. Avec l’explosion démographique, procéder à de la déforestation est un moyen d’accroître la superficie cultivée pour pouvoir se nourrir. Cela permet de compenser l’instabilité d’un marché comme celui du cacao, sujet à de nombreuses variations que les paysans du coin ne peuvent maitriser. 

Protéger la forêt

Le voyage se poursuit dans la forêt de Bornéo. Mister Geopolitix y rejoint Emilie Derosaria, ancienne journaliste d’investigation qui vit là depuis quinze ans. Elle a fondé une association qui a pour objectif d’exploiter raisonnablement la forêt malaisienne, c’est-à-dire en préservant la biodiversité. Jusque là, la forêt a plutôt été l’objet d’une exploitation frénétique en lien, par exemple, avec l’huile de palme. Le plan d’ Emilie Derosaria est d’acquérir des parcelles fractionnées de façon à empêcher des grands groupes de se constituer de vastes domaines. Elle essaye d’impliquer les acteurs locaux dans son combat. 

Cet ouvrage sur la déforestation est très réussi car il réussit à montrer la diversité de la question ainsi que ses implications. Il dépasse surtout une simple approche émotionnelle au profit d’une étude qui expose les enjeux et les conséquences. La vidéo récente disponible sur YouTube s’avère d’ailleurs totalement complémentaire car elle va parfois plus loin sur certains aspects du sujet.

Gildas Leprince, alias Mister Geopolitx, réussit pleinement le pari qu’il mène sur différents supports, à savoir nous faire découvrir et comprendre le monde dans sa complexité.

Jean-Pierre Costille