C’est un sujet d’actualité particulièrement intéressant, en ces temps de blanchiment et de paradis fiscaux que se propose de traiter l’institut Choiseul pour la politique internationale et la géoéconomie.

Ce 5e numéro de la revue, qui sera traitée régulièrement sur le site des Clionautes s’ouvre sur une présentation par le ministre Brice Hortefeux, de la politique d’immigration contrôlée, présentée comme un enjeu stratégique.

Pourtant, rien de bien nouveau n’est annoncé par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, et son titre complet est en soi tout un programme. Dans cet entretien, il revient sur ce que sont les axes des politiques publiques en matière de maîtrise des flux migratoires, évoquant toutefois les accords avec les pays émetteurs de travailleurs immigrés.
Ce qui est caractéristique de cette politique c’est dans une certaine mesure l’introduction de mesures concertées à l’échelle européenne faisant d’ailleurs une large place aux nouvelles technologies avec les visas biométriques.
De la même façon, on semble découvrir, derrière les filières d’immigration clandestine les structures mafieuses organisées, ce qui n’est en soi pas une nouveauté. L’opération Bagdad a toutefois, avec une action dans dix pays simultanément démantelé un réseau irako-kurde permettant de pénétrer dans l’Union.

En fait, dans cette article, Brice Hortefeux évoque directement tous les sujets d’importance, comme la fuite des cerveaux, ou le co-développement mais les auteurs de cet entretien se gardent bien d’introduire les questions les plus dérangeantes, comme cette « culture du résultat », 25000 reconduites à la frontières pour 2008 qui présente certains aspects choquants. Toutefois, un certain angélisme en la matière peut aussi se révéler contre productif et surtout dérangeant si les profiteurs directs de cette main d’œuvre clandestine surexploitée ne sont pas mis en cause. L’action souterraine des services de police en la matière gagnerait, si elle existe, à être mise au jour.

Cette introduction présente l’intérêt de rappeler les grands axes, et ils sont pourtant connus de longue date, de la politique d’immigration de l’actuel gouvernement, sauf sur l’immigration choisie qui n’intervient pas vraiment dans le domaine de la sécurité mais qui peut aussi entretenir une sorte de fuite des cerveaux.

Mickaël Roudaut ouvre ce dossier sur le crime organisé et le présente comme un avatar de la mondialisation ou de la globalisation. On pourra s’interroger sur certaines remarques et notamment sur celle-ci, à propos des marges dégagées par l’économie de l’illicite. 2000 % de la mise initiale est sans doute un pourcentage impressionnant mais on ne peut que difficilement prendre en compte les frais annexes, achats de complicité, corruption active, et autres. Toutefois, la criminalité organisée est une affaire rentable qui s’inscrit parfaitement dans la mondialisation. C’est d’ailleurs en ce sens que la frontière se brouille entre le licite et l’illicite, dès lors que les profits dégagés sont recyclés, grâce aux outils mêmes de la mondialisation, comme les banques off shore, les communications instantanées, etc.

Criminalité et mondialisation

L’article de Roudault présente l’intérêt de balayer les différents secteurs d’activité, de l’économie des drogues, levier géopolitique qui organise des réseaux eux même créateurs d’activité et aménageurs d’espace. Les deux branches principales, héroïne et cocaïne générant des profits considérables mais aussi pourvoyeuse d’emplois induits. Des espaces comme le Rif au Maroc sont ainsi développés par l’argent du cannabis. Les populations ayant des sommes d’argent même minimes à dépenser.
La contrefaçon est également un secteur créateur d’emplois, et cela ce chiffre en millions. Elle demande des capitaux importants et favorise le recyclage des capitaux de la drogue par exemple. La contrefaçon fragilise les acteurs économiques légaux et représenterait en France 30 000 emplois. Les effets de la crise liée aux coûts de l’énergie et des produits alimentaires, sans parler de la crise financière entraînent une recherche de produits low cost propice à la contrefaçon.
Autre secteur d’activité, appelé à prospérer en temps de crise, les trafics de mains d’œuvre. Plus les frontières se ferment sous l’effet de la crise, plus les transferts de population génèrent des profits juteux investis par le crime organisé.
En Afrique essentiellement, l’économie de la criminalité environnementale peut générer des profits considérables. La carte de l’extraction clandestine de minerais, peut se confondre avec celle des guerres civiles et des conflits en Afrique centrale.
IL est évident que la pacification des conflits en Afrique ne peut se faire qu’avec l’éradication des structures mafieuses qui entretiennent ces conflits.
L’économie du blanchiment est devenue une structure mi-parasitaire mi-symbiotique, facteur d’instabilité financière. Le blanchiment est le maillon à la fois faible et fort de cette criminalisation de certains secteurs de la finance. Le blanchiment de sommes importantes dans l’immobilier au japon a été l’un des facteurs déclenchant de la bulle spéculative.
D’après l’auteur de cet article, le crime organisé tend à se poser comme un modèle alternatif de développement économique, ce que l’on a pu voir en Birmanie ou en Corée du Nord. Dans un certain nombre de cas, l’économie criminelle tend à se substituer à l’économie licite. L’Etat s’efface et les populations s’en détournent au profit de la structure mafieuse.

Des États mafieux en 2010 ?

Par ailleurs, et elles se rapprochent du fonctionnement des firmes transnationales, les mafias procèdent par des accords de partenariat sous-traitance. Une triade chinoise fait débarquer dans un port du sud de l’Italie un conteneur de produits contrefaits qui sont ensuite distribués en Europe par la camorra à partir de Naples. Des réseaux plus sophistiqués à partir de la Chin, passant par les mafias russes, les clans turcs, les réseaux balkaniques, etc. Des réseaux anciens datant des années soixante dix sont réactivés, comme entre la Chine et l’Albanie.
Au sein de l’économie licite, les fonds blanchis interviennent parfois avec les appels d’offres truqués, ou les détournements de subvention.
L’auteur termine son article en évoquant la possibilité de constitution pour 2010 d’états mafieux. Des micro états comme le Kosovo ou la Macédoine, la Transnistrie peuvent déjà faire penser à cela. Il est sur dans ce cas là que les principes onusiens de souveraineté des états risquent de devenir des paravents commodes à des structures mafieuses, qui ont, c’est sûr, un bel avenir.

Journaliste à Marianne, Frédéric Ploquin, traite de la structuration du banditisme en lien avec le capitalisme mondialisé. Son article est finalement assez éloquent sur les méthodes proches du capitalisme et du banditisme. L’élimination de la concurrence, de façon brutale dans le cas de la voyoucratie correspond finalement assez bien à la concurrence commerciale et à la conquête de marchés ou de territoires.
De façon très imagée Frédéric Ploquin évoque aussi les trajectoires des jeunes des banlieues qui se retrouvent intégrés par l’argent au mépris de toute morale. Mais comment parler de morale devant les parachutes dorés des super patrons ? L’exemple vient d’en haut. Ce que le journaliste développe dans cet article c’est la quasi similitude de fonctionnement de l’économie du grand banditisme et celle du capitalisme et la violence la plus extrême ne semble pas être du côté de la première.

Hells Angels, bandidos et Outlaws

Tout à fait intéressant également, l’article d’Etienne Codron, sur les gangs de motards criminalisés Certains Clionautes seraient soupçonnés d’en faire partie en raison d’une conception assez particulière du code de la route..

Ces groupes aisément reconnaissables sont anciens, mais ils développent actuellement une véritable stratégie internationale. Des organisation comme les hells angels, les bandidos, les outlaws et greniums, se sont développés de façon massive et sont présents dans 43 pays. Ce sont les pays du Nord à partir des Etats-Unis qui sont les plus touchés. Les clubs de motards sont apparus au lendemin de la seconde guerre mondiale, à partir d’anciens combattants qui reproduisent dans un rituel motocycliste la fraternité du front. Les hells angels ont une structuration de type mafieux, avec une direction centrale, sorte de coupole comme la mafia sicilienne qui coordonne les activités. Ces groupes sont tous spécialisés dans le trafic de drogue et de produis pharmaceutiques, dopants et stéroïdes. Ils s’affrontent entre eux, comme les gangs urbains pour des questions de territoires.
Le trafic d’armes à feu est également une activité dérivée, en liaison avec des sociétés de sécurité privées agissant en Irak ou même des personnels des forces armées.
Au niveau des revenus les gangs de motards sont loin d’égaler ceux des mafias traditionnelles mais ils parviennent come en Australie à infiltrer des secteurs d’activité comme la pêche touristique.
Ces gangs sont très surveillés par les services de police des pays scandinaves ou de RFA qui comptent les groupes les plus importants, et les plus violents, en dehors de l’amérique du Nord.

Ce numéro très complet de Sécurité globale contient également de précieuses indications sur la criminalité identitaire, dans un acticle de Christophe Naudin qui traite du trafic de faux documents, qui est un phénomène bien plus répandu que ce que l’on croit. Le trafic des faux permis de conduire touche particulièrement la France. 700 000 personnes conduisent sans véritable permis de conduire et cela favorise ce tarfic dans lesquels des personnels des sous préfectures sont régulièrement impliqués On ne l’imagine pas, cette criminalité documentaire représente le troisième secteur d’activité après la drogue et la prostitution.
Le trafic de faux documents est en effet à la jonction de tous les trafics, les passeurs de drogue ou d’être humains, les trafiquants de tous produits ont forcément besoin de faux papiers. Les tarifs varient de 300 à 1500 pour une carte d’identité, un permis de conduire complet, y compris poids lourd peut coûter 3000 euros, avec le permis moto pour faire bonne mesure.
Les moyens de défense sont connus, il s’agit des papiers biométriques, mais les procédés de copie des données numérisées laissent augurer bien des tentatives de contournement.

Enfin pour terminer la présentation de ce numéro, on évoquera l’article précis de Jérôme Pierrat, journaliste et auteur de gangs, cartels et mafias en France qui remet en cause le discours souvent entendu, « il n’y a pas de mafias en France. »
Pourtant, sur les marges des grandes mafias, italienne et russe qui se développent dans le Sud Est, on trouve des mafias caucasiennes ou balkaniques qui se développent dans des secteurs très précis, cambriolages, attaques coup de poing sur des grosses bijouteries comme à Paris dernièrement, ou dans des vols ciblés sur un produit particulier. Moteurs de hors bord par exemple.
Les services de police français sont peu armés pour résoudre ces problèmes en raison de la judiciarisation des procédures. Les prises les plus efficaces sont surtout liées à des actions des services de renseignement et particulièrement de la DST. La police française cherche davantage le flag que l’action à long terme, supposant infiltration dans la durée.