Il n’y a jamais eu d’agriculture sans agricultrices. Ou paysannes. C’est tout le propos de Christian Malon dans ce nouveau bel ouvrage de l’éditeur normand Orep qui scrute la période d’accélération et de mutations de la modernisation agricole française, des années 50 à nos jours.

Christian Malon nous convie à reconsidérer toute la place occupée par ces femmes, essentiellement dans les campagnes normandes qu’il connâit si bien. Richement illustré, ce livre reçoit le concours de l’historienne N. Vivier, des ethnologues L. Karapidaki et de E. de Loubrie, de la sociologue C. Comer, de l’écrivaine cantaloue M-H Laffon qui signe une postface subtilement adossée à deux photos de paysanne, distantes d’un demi-siècle. Ce texte final peut se lire tel un résumé des évolutions d’un monde de plus en plus méconnu. Mais il pourrait tout aussi bien figurer dans l’incipit d’un roman rustique.

Plus de 200 photos

L’auteur C. Malon est un professeur de l’enseignement agricole retraité, mais aussi un photographe aguerri et surtout un grand connaisseur – une bibliothèque – de la paysannerie bocagère normande. D’ailleurs, la plus-value évidente de son travail réside dans ses 218 clichés du corpus photographique qui s’égrène de la page 1 à la page 157, entre noirs et blancs anciens et couleurs contemporains. Et qui capturent des moments du labeur paysan, de la tuerie des oies à la fenaison en passant par la traite des vaches.

En outre, 29 brefs témoignages de paysannes principalement glanés dans les fermes du bocage virois, terrain d’élection de la curiosité de l’auteur, accentuent l’humanité de ce monde rural.

Alors, bien sûr, le livre se fend aussi d’une chronologie (1962-2020) et de divers focus sur la mécanisation, le féminisme, l’éducation qui rappellent tant de ruptures et de dynamiques de ce second XXe siècle agricole hexagonal, coincé entre PAC, exode rural, remembrement ou Trente glorieuses.

De la fermière à la “conjointe collaboratrice”

Ce dernier aspect contextuel permet de consolider le pan scientifique et raisonné de ces pages, et ouvre la porte d’un usage pédagogique en géographie, en classe de première générale par exemple. En proposant pourquoi pas une accroche de type lexical puisée dans la postface de M-H Laffon : “Fermière, femme de paysan, paysanne, agricultrice, exploitante agricole, éleveuse….cheffe d’exploitation, associée exploitante, conjointe collaboratrice” (p.156). Autant de reflets des fonctions et évolutions de l’activité agricole. Côté femmes.

La présentation de l’ouvrage par l’éditeur : ICI