Gauthier Langlois est historien et professeur d’histoire-géographie au lycée Jules Fil à Carcassonne.
On ne présente plus « Le Dessous des cartes » magazine géopolitique d’une dizaine de minute diffusé sur Arté le samedi à 20 heures depuis 18 ans. Ce magazine, conçu par Jean-Christophe Victor et son équipe du LEPAC Le LEPAC: Laboratoire d’Etudes Politiques et Cartographiques, est un organisme privé indépendant fondé et dirigé par J. Ch. Victor, qui assure des consultations politiques ou des formations pour diverses collectivités et sociétés. Voir : http://archives.arte.tv/hebdo/dessouscartes/ftext/surdc1.html , est sans doute l’une des meilleurs émissions de géographie de la télé. Le dernier DVD ne faillit à la réputation du magazine. Il réunit 18 émissions diffusées entre 2006 et 2008 sur l’Afrique, ou plutôt « Les Afriques » comme le dit le titre du DVD pour mieux monter la diversité de ce continent.
Pour sortir des clichés sur l’Afrique
Une « Introduction générale » réalisée pour le DVD présente son contenu et ses objectifs :
– « Avec des entrées géographiques, régionales : l’Afrique de l’ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique australe…
– Des approches thématiques : la stratégie des Etats-Unis d’Amérique sur ce continent, bien sûr la stratégie chinoise, la spécificité de la pandémie de sida en Afrique…
– Et puis aussi une approche économique, avec là un parti pris tout à fait volontaire de montrer ce qui va bien en Afrique. Car il est temps, largement temps, de cesser de faire coller ces images toujours répétées, toujours négatives d’un continent qui ne connaîtrait que la sécheresse, les criquets, la guerre, la corruption, sans même parler du poids de l’histoire et des colonisations. »
La première émission, intitulée « Introduction géopolitique » passe en revue le continent africain à l’aide de cartes de bases du climat, des peuples, des religions, des états et des richesses pour conclure à la diversité du continent perçu à tort comme un tout par les européens. Elle rappelle l’objectif d’ensemble de ces émissions : prendre en compte les évolutions récentes du continent africain et sortir des clichés répétés à l’infini. (Sur ce sujet voir le compte rendu du livre de Georges Courade, l’Afrique des idées reçues).
Un continent riche et en pleine croissance, qui intéresse les étrangers
Les émissions suivantes ne démentent pas ces objectifs. « Dynamiques africaines » nous apprend que l’Afrique connaît depuis quelques années une croissance économique soutenue, de l’ordre de 5 à 6% (à comparer avec la faible croissance française et européenne). Cette croissance s’appuie principalement sur la demande mondiale en hydrocarbures et produits miniers, mais aussi en produits agricoles (café d’Éthiope…). Car l’Afrique est riche en ressources naturelle. Mais des pays possèdent aussi une économie diversifiée et développée comme l’Afrique-du-Sud ou l’ïle Maurice. Les rentes pétrolières (qui ne favorisent pas la démocratie) et plus généralement les fruits de la croissance sont diversement employés. Certains pays achètent des armes, d’autres investissent dans les infrastructures ou l’éducation comme le Botswana où la scolarité est gratuite. J Ch. Victor souligne toutefois la faiblesse des infrastructures mais aussi certains sauts technologiques notamment dans le secteur des téléphones mobiles. En 2006 15 % des africains possédaient un mobile. Ce secteur connaissait alors un taux de croissance de 39 % par an. Une photo surprenante résume ces faits : on y voit un groupe de masaï en train de téléphoner en pleine savane. J. Ch. Victor insiste enfin sur la jeunesse de la population, qui est un atout, pour conclure sur l’intérêt économique de l’Afrique. Intérêt bien compris par de nombreuses sociétés et plusieurs pays, notamment par les américains et les chinois, de plus en plus présents.
Ces derniers font l’objet des deux émissions suivantes. La Chine se livre à une véritable offensive diplomatique pour réaliser deux types d’objectifs. Des objectifs politiques: limiter l’influence des États-Unis et du Japon, isoler Taïwan. Des objectifs économiques : s’approvisionner en matières premières (son pétrole est à 70 % africain) et trouver de nouveaux débouchés à ses produits manufacturés. Sa stratégie de se présenter comme un pays en développement, de mettre en avant son respect de la non ingérance dans les affaires intérieures, s’avère payante. En 2006 elle était le troisième partenaire économique de l’Afrique (derrière les É.U. et la France), depuis la diffusion de l’émission elle a pris la seconde place. La stratégie des États-Unis est plus ciblée. Il s’agit d’agir contre terrorisme et de sécuriser les voies de communication du pétrole et des marchandises. Pour cela, les États-Unis installent des bases militaires dans le golfe de Guinée (principal bassin d’hydrocarbures) et à Djibouti (pour contrôler le passage des pétroliers venant du Moyen Orient).
Les autres émissions sont tout aussi intéressantes et diversifiées dans leur contenu. On notera en particulier « La face africaine du Sida » qui montre que cette pandémie a fait chuter l’espérance de vie des africains et compromet son développement. « Le Sahara pas si désert que cela » montre la croissance spectaculaire des villes sahariennes, zones de transit des migrants se dirigeant vers l’Europe. « Niger, une famine prévisible » montre que ce n’est pas la sécheresse et les criquets qui sont responsables de la dernière famine de ce pays, mais une crise économique provoquée par l’augmentation du prix des céréales. Le marché n’était pas la solution au déficit alimentaire mais le problème.
Un riche support de cours, notamment sur les thèmes du développement durable et de la mondialisation
Par rapport à la version télé les émissions sont amputées de la présentation des sources mais on retrouve ces sources dans un petit livret qui comprend aussi le titre et le résumé de chaque émission. On notera la bonne idée de dater chaque émission. Suggestion : il serait utile pour utilisation en classes de disposer de fiches pédagogiques et d’une version imprimable de certaines cartes ou fonds de cartes, pour distribuer aux élèves. Le texte et le minutage des émissions auraient été également utile au professeur pour préparer ses séquences pédagogiques.
Par ses méthodes, (approche multiscalaire…) et ses thèmes ce DVD est un support de cours très riche. On peut l’utiliser en classe de 5e sur l’Afrique ou dans le programme en projet sur le développement durable. Par exemple l’émission sur le Sida convient parfaitement pour traiter le thème « Des inégalités devant la santé. Etude de cas au choix sur une pandémie et sa diffusion dans le monde ». Cette émission est également adaptée au programme des sections ST2S en lycée. Le thème de la mondialisation, commun au futur programme de 4e et au programme de terminale, peut également être traité à partir de nombreuses émissions. La place de la France dans le monde peut être traitée à partir des émissions sur la Côte d’Ivoire notamment.
(C) Clionautes.