Denis Goulet est spécialiste de l’épidémiologie et la géographie de la santé, historien de la santé et de la médecine. Il propose ici, un sujet dans l’air du temps sur les épidémies au Québec.

Aux époques médiévale et moderne, les explications d’une épidémie et notamment la peste sont nombreuses : causes divines, astrologiques, aéristes ou humaines conformes à l’imaginaire de chaque époque. Le châtiment divin est le plus souvent invoqué comme le rappelle l’auteur dans son introduction. Il évoque aussi les premières mesures sanitaires au XVIIe siècle et la peste de Marseille en 1745 avant que le monde ne soit affecté au XIXe siècle par le choléra et ensuite les progrès indéniables de l’hygiène.

L’auteur choisit une trame chronologique. Il consacre trois chapitres au XIXe siècle puis trois chapitres parallèles au XXe siècle : causes, grandes épidémies, mesures et attitudes.

Les causes des épidémies au XIXe siècle : un siècle d ’incertitudes

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les épidémies furent la première cause de mortalité. Si les causes sont mieux perçues que par le passé les mesures à prendre, faute de traitement, laisse la place à bien ces controverses.

L’auteur analyse le discours sur les explications pré-bactériennes. La cause infectionniste par les « miasmes » de l’air est prédominante au Québec comme en Europe. Ce choix débouche sur la mise en place de quarantaines.

Denis Goulet développe les mécanismes culturels qui ont longtemps empêché de reconnaître le rôle de l’eau comme vecteur du choléra ou du typhus malgré les travaux de John Snow publiés en Angleterre dès le milieu du siècle. Il est par exemple recommandé aux populations de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal à éviter, pendant les épidémies, les promenades près du fleuve où la circulation de l’air favoriserait la maladie.

Les grandes épidémies au XIXe siècle

Les grandes épidémies de choléra et de typhus sont contemporaines de l’arrivée de nombreux migrants et de l’accroissement du commerce avec l’Europe. Mais la tuberculose, la diphtérie sont à mettre en relation avec la pauvreté.
Une épidémie de choléra marque l’année 1832, un an après l’Europe. Les autorités imposent, mais de façon peu rigoureuse, une quarantaine à la Grosse Île pour tous les passagers en provenance d’Europe. L’auteur décrit les progrès de l’épidémie au Québec qui tue environ 10 000 personnes.

En 1847, c’est le typhus qui touche la région à partir de migrants venus d’Irlande. L’auteur décrit la police sanitaire de Montréal1 qui peine à circonscrire une épidémie qui fit quelque 17 000 victimes. A noter l’absence, à Montréal, de manifestation d’hostilité envers les malades immigrés.

1849, retour du choléra, venu semble-t-il des Etats-Unis, puis à nouveau en 1854.

La variole, qui avait décimé le peuple huron au XVIe siècle, affecte la province au cours du siècle avec deux temps forts en 1875 et 1885. Malgré l’existence d’un premier vaccin mis au point en Europe dès le début du siècle, les campagnes de vaccination de la fin du siècle s’accompagne d’une forte résistance des populations « Les vaccinateurs doivent se faire accompagner par des policiers. »2.

Quelques épidémies sporadiques complètent le tableau sanitaire.

Quelques gravures apportent des informations sur l’imaginaire de l’épidémie et pourraient constituer de solides documents à utiliser en cours3.

Mesures préventives et attitudes face aux épidémies au XIXe siècle

Face à des explications fondées sur l’observation et à des discours contradictoires l’État intervient dans la prévention des maladies épidémiques par des quarantaines et la désinfection des navires constituent. La vaccination contre la variole est peu utilisée. On constate que les autorités utilisent peu la fermeture des villes pour empêcher le déplacement des populations Par contre on voit se mettre en place des mesures d’hygiène : adduction d’eau, système d’égout surtout vers la fin du siècle.

Malgré les recommandations des médecins et face aux résistances politiques, sociales et aux intérêts économiques les mesures sont mal appliquées.

L’auteur décrit la législation sanitaire face au typhus, au choléra, à la fièvre typhoïde et à la peste qu’à la fièvre jaune depuis la première loi de 1795. On voit que les mesures de quarantaine des navires mettent la question de l’immigration au centre du débat comme le montre certaines réactions : « Lors des premières épidémies, des accusations fusent, notamment dans la presse francophone, selon lesquelles le gouvernement britannique et les Anglais étaient impliqués dans un complot pour exterminer les Canadiens français en permettant au choléra de se répandre parmi eux. » (p.66). L’auteur revient sur la vaccination antivariolique et l’existence d’un front anti-vaccinal et sur les représentations des maladies contagieuses.

Les causes des épidémies au XXe siècle : une approche scientifique

Les progrès de la connaissance scientifique au XXe siècle et la théorie microbienne permettent de réels progrès dans la prise en charge des maladies infectieuses. L’auteur présente les acteurs de ces progrès : jeunes médecins ouvert à la théorie pasteurienne, ouverture d’un cours de « microbie technique » en 1889 par Emile Roux, collaborateur de Pasteur, laboratoire d’analyses bactériologiques à l’Hôpital Saint-Paul de Montréal, adoption du BCG dès 1956 ; mais aussi création d’un Conseil d’hygiène de la province de Québec (CHPQ) qui développe une éducation populaire.

Les grandes épidémies au XXe siècle

Sont traitées ici aussi bien la grippe espagnole, plus de 19 000 cas déclarés et près de 3 600 victimes, la fièvre typhoïde de 1927, La poliomyélite en augmentation dans les années 1940 et 1950 que les grippes asiatiques. Un paragraphe est consacré au sida, en 2016, l’estimation était de plus de 63 000 Canadiens vivant avec le VIH.

Mesures préventives et attitudes face aux épidémies au XXe siècle

Les mesures hygiénistes sont souvent efficaces mais mal tolérées du fait de leur caractère autoritaire et souvent arbitraire. Jusqu’aux années 1920, malgré des progrès réels grâce à la prophylaxie bactériologique, l’amélioration de la santé publique est freinée au Québec : limitée par les faiblesses des structures de santé, le refus de déclaration des cas de maladie infectieuse par les médecins.
L’auteur analyse les réactions face à la grippe espagnole, on peut noter que déjà : »Parmi les mesures préventives proposées, le port du masque, qui déborde les salles opératoires, constitue une nouveauté en matière de lutte contre les épidémies. » (p. 146)

(affiche p. 142)

mais aussi que c’est l’occasion de vendre des produits divers censés prévenir la maladie.

(affiche p. 150)

L’auteur constate les progrès de la vaccination et les nouvelles approches thérapeutiques liées à la lutte contre le VIH.

Dans sa conclusion l’auteur, en pleine crise de la Covid 19, rappelle que « La recherche de boucs émissaires constitue une autre constante dans toutes les pandémies » (p. 168) et espère que « les autorités politiques et économiques tirent les leçons de cette pandémie actuelle. Il leur faudra impérativement identifier les nouvelles sources de contagion et déterminer les mesures socialement acceptables pour les individus contagieux et pour ceux qui risquent d’être contaminés. » (p. 170).

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1Voir une très intéressante description des baraquements de l’Hôpital Saint-Charles p. 43-44

2Cité p. 54

3Notamment les estampes reproduites aux pages : 35, 41,