J’ai eu la chance de rencontrer Charlemagne Segbedji, l’occasion pour les Clionautes d’avoir une présentation de son ouvrage.  

Il s’agit d’une compilation de sa thèse, demandée par les éditions de l’Harmattan, dont l’écriture a débuté par la rencontre avec les autorités dont le souverain du royaume de Porto Novo, et la prise de direction du musée d’Histoire de Porto Novo.

L’étude porte sur les Afro brésiliens, qui sont des esclaves noirs revenus du Brésil après de fortes revendications dont l’objectif était de retourner en Afrique. 

Les Afro-brésiliens s’installent à côté des autochtones en pleine colonisation britannique et française. D’ailleurs, les Européens décident de s’appuyer sur les Afro brésiliens car ils parlent le portugais et ceci est un levier pour la colonisation.

Charlemagne Segbedji

Voici quelques clés de lecture pour cet ouvrage très intéressant et richement documenté : 

La culture du Brésil est présente dans le patrimoine des afro-béninois.

Les Afro-Béninois sont des grands constructeurs : construction d’une mosquée en se basant sur les plans d’une église. L’exemple donné est celui de la plus ancienne mosquée Afro brésilienne du Benin (ci-après)

L’Étude est centrée sur Ouidah, le plus ancien port négrier. C’est une ville de mémoire marquée par l’emprise des Portugais mais jamais colonisé par eux.

Le patrimoine afro-béninois

L’ouvrage rend compte de la diversité du patrimoine afro-béninois :

Les monuments :

La Cathédrale Notre Dame de Porto Novo, elle est utilisée par les Afro brésiliens, construite par le génie civil français.

La porte du non retour sur la plage de Ouidah. Son nom est lié à la réalité de la traite négrière  : les esclaves qui passent cette porte ne reviennent plus. Pour l’anecdote, une porte du retour a été érigée par la suite.

Il y a également le patrimoine culinaire. Par exemple, les parties osseuses ou les tripes sont gardées et cuisinée pendant longtemps. C’est une base du patrimoine culinaire béninois et togolais. Aujourd’hui, il s’agit d’une cuisine raffinée base d’haricots rouges dont la préparation vient de  Salvador de Bahia.

Les vêtements et les masques font également partis du patrimoine afro-béninois.

Le processus de patrimonialisation 

Dans les années 2000 l’État béninois  décide que le patrimoine peut être valorisé d’une certaine manière.

La décision est  prise par l’État de conserver le patrimoine Afro brésilien, sans véritable communication avec les  chercheurs et aux spécialistes.

Des tentatives pour inscrire le patrimoine afro-brésiliens dans la liste de l’UNESCO sont entreprises, mais les ajouts architecturaux récents ou les modifications ont ralentis ou bloqués le processus.

Plan de l’ouvrage 

Introduction générale : L’auteur explique le contexte de son étude, sa démarche et les enjeux de cet ouvrage.

Première partie : de la traite négrière à la conscience patrimoniale

Chapitre 1 : Ouidah et Porto-Novo, des peuplements variés pour un même territoire 

Dans ce chapitre une présentation géographique, historique et patrimoine des deux villes est effectué.

Chapitre 2 : Les Afro-brésiliens, la constitution d’un monde de l’entre-deux

Ce chapitre est l’occasion pour le lecteur de saisir les liens étroits et l’aspect pluri-ethnique et pluri-religieux des Afro-brésiliens.

Deuxième partie : La richesse du patrimoine immatériel africain-brésilien

Chapitre 3 : Les métiers exercés à Porto Novo et à Ouidah

Des constructeurs, aux agriculteurs, l’auteur explique les différents métiers des Afro-brésiliens, dont le savoir-faire provient du Brésil et est exploité en Afrique.

Chapitre 4 : L’art culinaire, la vêture et les influences linguistiques venus du Brésil

On y découvre l’importance de la cuisine et de l’apparence vestimentaire pour les Afro-brésiliens.

Chapitre 5 : Masques et carnavals afro-brésiliens 

Dans toute société, les rites de passages et les fêtes sont essentiels à la vie communautaire. Que ce soit l’intronisation du Chacha, la fabrication de masques  ou les instruments. Tout est passé en revue par l’auteur.

Troisième partie : Dynamiques de patrimonialisation à Porto Novo et à Ouidah au Bénin

Chapitre 6 : La patrimonialisation de 1960 à la loi du 23 août 2007: un cheminement inégale et un patrimoine afro-brésilien  » oublié ».

Le point est fait sur la politique du Bénin de son indépendance en 1960, la création de la République populaire 1972 à 1990 puis la République du Bénin en 1991. Dans cette histoire politique, la patrimonialisation n’est pas linéaire. Le tournant est du au festival Ouidah 92 et la loi du 23 août 2007 sur la protection du patrimoine.

Chapitre 7 : Les acteurs du processus de patrimonialisation

L’auteur analyse et liste les structures étatiques, les organisations communales, les structures universitaires, les associations de développement, autant d’acteurs qui rendent parfois difficiles le processus de patrimonialisation.

Chapitre 8 : Les démarches récentes de patrimonialisation

L’auteur fait état des contraintes locales dont la réappropriation du patrimoine par la population.  Ainsi que des réalisations telle que l’agence nationale pour la promotion du patrimoine. Le dernier point abordé est celui du processus de restauration des bâtiments afro-brésiliens.

Cet ouvrage questionne de façon pragmatique les enjeux liés à la patrimonialisation. L’auteur réussi également à illustrer la mixité et le mélange du passé des Afro-brésiliens en toute objectivité et sans tomber dans les affects liés à l’étude, parfois délicate, de la traite négrière. 

Cet ouvrage peut être présenté aux élèves d’HGGSP souhaitant approfondir ou découvrir des questionnements récents sur la question patrimoniale.