Fidèle à sa vocation de diffusion de textes historiques de référence au format de poche, la collection Texto réédite le témoignage romancé de Jean Pouget sur les souffrances des officiers français détenus dans les camps de prisonniers du Vietminh lors de la Guerre d’Indochine.
Officier parachutiste avant de devenir ultérieurement grand reporter, le capitaine Pouget a lui-même connu les affres du goulag indochinois. Capturé lors de la chute de Diên Biên Phu en 1954, il a fait partie des rescapés qui survécurent au régime de détention effroyable des camps du Vietminh, dont le taux de mortalité excéda largement celui des camps de concentration nazis. Aux mauvais traitements physiques et au management par la famine, les commissaires politiques qui les encadraient ajoutaient une pression morale intense et la pratique des techniques de lavage de cerveau, afin d’opérer la rééducation politique de ces vaincus considérés à la fois comme des ennemis de classe, des criminels de guerre colonialistes et des mercenaires de l’impérialisme occidental. L’enjeu était de parvenir à briser les prisonniers pour les convertir au communisme ou du moins de les contraindre à signer des textes compromettants utilisables par la propagande vietminh.
De cette expérience aux marges de la volonté humaine, et de son compagnonnage de détention avec les vétérans capturés lors des désastres de Cao Bang et de la RC4 en 1950, Pouget tire en 1969, après son retour à la vie civile, Le Manifeste du camp n°1. Récit hybride associant souvenirs personnels et témoignages de ses camarades de misère pour confectionner une chronique romancée de leur captivité, il expose le mécanisme par lequel, pour survivre, les officiers du camp n°1 finissent par signer un manifeste dénonçant les crimes colonialistes et impérialistes de la France. Mêlant hommage et dénonciation, le livre de Jean Pouget peut être perçu comme un vibrant écho du superbe roman du goulag soviétique Une journée d’Ivan Denissovitch, composé par un autre survivant de l’univers carcéral communiste, le grand Alexandre Soljenitsyne.© Guillaume Lévêque