Cécile Berly nous offre ici l’histoire de quatre femmes victimes de la Terreur, du pouvoir des hommes :
- Marie-Antoinette, reine de France déchue depuis le 10 août 1792 et symbole d’un temps révolu.
- Madame Roland, grande figure politique des Girondins
- Olympe de Gouges, militante et pionnière française du féminisme.
- Madame du Barry, dernière favorite de Louis XV, incarnation de l’Ancien Régime.Cécile Berly a accepté notre invitation pour une conférence virtuelle que vous pouvez retrouver ci-dessous (l’entretien a été mené par Aude Rousselet):
Quelques mots sur l’autrice : Historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, Cécile Berly a publié plusieurs ouvrages sur Marie-Antoinette. Elle a également présenté et annoté la correspondance de Madame de Pompadour et est l’auteure de Femmes de Louis XV, de Trois femmes et de La légèreté et le grave1.
Ces quatre personnalités ne sont pas choisies au hasard :
« Quatre femmes qui représentent, chacune dans un registre différent, ce que la révolution déteste. Et, en premier lieu, des femmes physiquement présentes dans l’espace public, qui non seulement osent le fouler mais tentent, en vain, de l’influencer ».
L’ouvrage se décompose en 5 chapitres : Arrêtées ; Incarcérées ; Jugées ; Condamnées ; Guillotinées.
Chaque chapitre s’attarde sur la situation de nos 4 femmes révolutionnaires. Pour chacune d’entre elles, on prend rapidement conscience de ce qui leur est reproché.
- Pour Olympe de Gouges, ce sont ses pamphlets, ses écrits « anonymes », ses idées avant-gardistes sur le rôle de la femme ou encore sa vision de la révolution post-1792. A contre-courant des pensées de l’époque, elle fut rapidement perçue comme une menace.
- Quant à Madame Roland, on lui reproche ses fréquentations, sa position au sein des Girondins, son implication dans la carrière politique de son mari, Jean-Marie Roland de la Platière (ministre de l’intérieur en 1792).
- Enfin Marie-Antoinette et Madame du Barry sont le symbole de l’Ancien Régime. Toutes deux représentent ce que les Français veulent voir disparaître. Deux femmes pour qui la réalité de la vie est à l’opposé de celle du peuple.
Cécile Berly, grâce à un méticuleux travail de recherche, retrace les derniers mois, jours, heures de ces quatre femmes. Au fond, on comprend bien que le principal reproche qui leur ait fait, est celui d’être femme.
On apprend ainsi que :
- Les conditions de détention sont variables selon les prisons, les gardiens. Si elles parviennent à manger « correctement » à correspondre… tout cela a un prix.
- Les procès ne sont que des mises en scène. Leur mort est déjà actée avant même le début des audiences. Les avocats commis d’office semblent n’être que des figurants.
Quatre femmes, quatre manières d’affronter leur procès :
Marie-Antoinette semble résignée. Sa santé ne cesse de décliner, la séparation d’avec ses enfants est douloureuse, la mort de son mari une épreuve supplémentaire. Elle sait déjà quel sort l’attend.
À Marie Antoinette, on attribue tous les malheurs de la France et toutes les difficultés qui fragilise la jeune république […] L’influence, voir l’emprise, qu’elle a pu exercer sur la psyché du dernier roi de France ; l’ambiguïté de ses relations avec les ministres, avant et pendant la révolution. Son train de vie luxueux est très dispendieux […] (p.90)
Elle ne manifeste aucune réaction à l’annonce du verdict.
Madame du Barry est terrorisée. Elle ne veut pas mourir. Elle tente jusqu’au dernier moment de négocier. Pendant près de 5 heures elle fera une déposition dans laquelle elle liste tous les objets lui appartenant ainsi que le lieu ou ils ont été enfouis
Madame Roland et Olympes de Gouges quant à elles n’ont pas peur d’être jugées. Au contraire, elles semblent attendre leur procès avec impatience. Madame Roland souhaite se défendre seule tandis qu’Olympes de Gouges devra le faire par la force des choses). Toutes deux veulent montrer à la face du monde leur innocence et la traitrise du tribunal. En vain.
Elle [Olympes de Gouges] a bien compris : elle est jugée, avant tout, comme femme de lettres, qui ne renie ni ses écrit, ni ses idées. Aux yeux de ce tribunal, composé exclusivement d’hommes, elle n’est qu’un intrus, une anomalie dans l’espace public. (p. 101)
Condamnée à mort. Madame Roland reste calme, sereine. Elle semble même soulagée, satisfaite. Elle aurait simplement dit : « vous me jugez digne de partager le sort des grands hommes que vous avez assassiné [les girondins] ; je tacherais de porter à l’échafaud, le courage qu’ils ont montré. (p.106)
- Enfin, vient le moment tant redouté : le trajet jusqu’à l’échafaud et la mise en marche de la guillotine. Ces derniers instants de vie sont vécus différemment chez ces femmes : résignation, fierté, abattement, pleurs… Les émotions sont nombreuses.
L’épilogue résume parfaitement le travail mené par Cécile Berly :
« accompagner quatre femmes dans cette expérience inédite de l’enfermement, dans l’attente d’être jugé par un tribunal d’exception, promises à une exécution presque certaine. Réunir les sources pour reconstituer leurs parcours de prisonnières, de femmes condamnées à mort et, au-delà, appréhender leurs émotions. Si tant est que cela soit possible. Que se passe-t-il dans la tête de ses femmes privées de liberté, considérées comme les pires ennemies d’un régime politique, né dans un contexte inédit, exceptionnel et violent ? Comment endurent-elles autant d’humiliation publique et, le plus souvent, d’atteintes à leur vie privée, voire à leur intimité ? Comment réagissent leurs corps pour affronter non seulement les contraints de la vie carcérale, mais la peur de mourir ? Comment se préparent-elles à l’épreuve de l’échafaud, à une mort publique et spectaculaire ? Comment sonder de telles émotions qui, toutes, appartiennent au registre de l’indicible ? » p. 158-159