Un défi : comprendre l’espace monde
Sur plus de 600 pages, les auteurs développent une approche par continent, dans lesquelles sont insérées des capsules, sorte d’étude de cas ou précisions sur un aspect. Parmi elles, citons la mer d’Aral, la péninsule coréenne ou encore Taiwan. Le livre contient également des index. Dès l’introduction trois outils méthodologiques sont fortement affirmés : il s’agit du territoire, de la carte et de l’échelle. L’ouvrage est composé de deux grandes parties dont la première est méthodologique. En 150 pages, les auteurs abordent les « enjeux et les défis de la construction de l’espace-monde ». Il y a également des passages spécifiquement consacrés à des pays. L’ensemble est très précisément découpé et chapitré et permet d’accéder rapidement à l’information. On trouve de nombreuses figures et tableaux dont l’un permet de rassembler des données de base comme l’alphabétisation, l’IDH, même s’il ne s’agit pas des derniers chiffres. Signalons enfin une présentation des auteurs, y compris parfois une adresse internet pour les joindre.
Dépasser les cadres territoriaux habituels
Une place importante, à laquelle on n’est plus forcément habituée, est consacrée à la géophysique, ou du moins, aux données de l’espace physique. A cet égard, les auteurs rappellent par exemple que les quinze pays les moins densément peuplés souffrent soit de sécheresse, soit d’un milieu chaud et humide, soit du froid. Les auteurs réaffirment que le potentiel d’un milieu n’est pas immuable. Ils insistent aussi sur des points comme la disposition méridienne pour comprendre l’Amérique du Nord. Il y a d’un côté les vieilles montagnes de l’est, puis les grandes plaines centrales et enfin les cordillères de l’ouest. Sur l’Afrique, Frédéric Lasserre s’interroge sur le déterminisme du milieu sur le peuplement. Chaque chapitre commence donc par une partie qui resitue l’espace concerné dans ses contraintes géophysiques. Il en est donc ainsi aussi pour l’Europe avec un sous-titre « morphologie et hydrologie » ou encore la « variété de climats tempérés » ; la population n’est abordée qu’ensuite. Soulignons que n’est abordé que le nécessaire sans jamais tourner à l’exposé géologique.
Des perspectives historiques … lorsque c’est nécessaire
Les auteurs n’hésitent pas à se donner de la profondeur historique lorsque les éléments continuent à peser sur la situation actuelle. Il en est ainsi pour l’Amérique latine pour laquelle est rappelé « l’effet structurant de la colonisation ». En effet, que ce soit en terme de domaine agricole ou d’urbanisation, l’empreinte demeure majeure. Juan Luis Klein choisit aussi de revenir sur une notion comme le Tiers-monde. Il revient sur son histoire et insiste sur la question de la pauvreté qui conserve toute son acuité. Pour d’autres espaces, les auteurs rappellent des chiffres utiles comme le fait que le nombre d’Européens a été multiplié par 9 en 500 ans et celui de la Chine par 15 pendant la même période.
A propos de l’Asie du sud, les pages commencent par proposer une analyse sur les temps longs où sont mis en évidence les éléments d’une géohistoire commune, comme l’existence d’un système social hiérarchisé. Pour le Moyen-Orient, Frédéric Lasserre rappelle avant tout qu’il s’agit d’un carrefour et d’un foyer de civilisation.
Des clés, des points de référence
Les auteurs soulignent que l’Afrique représente un tiers des langues du monde pour seulement 14 % de la population. On pourra déplorer tout de même la rapidité de l’ouvrage sur ce continent qui se voit consacrer moins de 40 pages. Parmi les données de base, il faut aussi se souvenir que 30 % de la population mondiale vit à moins de 50 kilomètres de la mer et que les deux tiers se situent à moins de 500 kilomètres. Pêle-mêle concernant les Etats-Unis, il est bon de ne jamais oublier qu’ils représentent moins de 6 % de la population, mais 22 % des émissions de CO2. De même, il existe 50 métropoles de plus d’un million d’habitants aux Etats-Unis.
Pour l’Asie, il est utile aussi, pour mesurer le miracle coréen, de se souvenir que la population de la Corée du sud était rurale à 70 % en 1945 alors qu’elle ne l’est plus qu’à 18 % aujourd’hui. Le détroit de Malacca représente plus de 70 000 navires par an. L’Asie du sud est, c’est aussi 25 % de la population sur 2 % des terres habitées.
La mondialisation : un processus, un projet ou les deux ?
Parmi les thèmes souvent abordés dans nos cours, on retrouve la mondialisation, la division internationale du travail ou encore les firmes multinationales. Tous ces points sont évidemment traités. L’approche multiscalaire est soulignée comme indispensable, tout comme la profondeur de champ historique. Les auteurs rappellent aussi quels sont les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Jean-Marc Fontan revient lui dans une capsule sur le thème de la décroissance. Dans le même format, on trouve aussi d’utiles mises au point sur le forum social, la métropolisation avec New York ou encore Londres. Concernant d’autres parties de la planète est proposé un bon condensé sur Bangalore comme « technopole en milieu sous-développé ».
La force de l’Europe
Il est toujours intéressant d’avoir un regard venu de l’extérieur à propos de l’Europe. Mario Bédard souligne par exemple cinq forces de l’Europe à savoir « une main d’œuvre nombreuse et variée, un système de communications et de transports dense et performant, une offre complète de services de haut niveau, un marché de consommateurs importants et des conditions de vie attrayantes ». La capsule sur les transports en Europe articule de façon très convaincante le « poids de la géographie et de l’histoire ».
La présentation de la Russie est particulièrement intéressante et très synthétique. A l’occasion des récentes élections russes on a peut-être redécouvert certaines réalités du pays. Ainsi, le fait qu’il y ait 83 entités distinctes dont 21 républiques qui bénéficient d’un statut particulier. Le lac Baïkal contient 20 % des ressources d’eau douce de la planète. L’ouvrage évoque également les points chauds comme la Tchétchénie.
Voici donc un état des lieux du monde qui peut se lire à la fois de façon continue, mais peut constituer aussi un livre repère à garder sous la main. Mêlant la géographie dans toutes ses dimensions à l’histoire, quand c’est nécessaire, il répond pleinement au défi qu’il s’était proposé de relever : donner à comprendre notre monde.
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