Le monde dans tous ses Etats est un manuel destiné à des étudiants en géographie (testés par eux d’ailleurs). Cet ouvrage présente les bases nécessaires à un étudiant de premier cycle pour faire le point sur le monde contemporain. Il pourrait être conseillé à nos élèves de terminale, comme « devoir de vacances », pour ceux qui entameraient un cursus en histoire ou en géographie à la rentrée universitaire 2007.
Les auteurs de ce gros ouvrage sont nombreux (34). Les directeurs de l’ensemble sont professeurs titulaires au département de l’Université du Québec à Montréal, pour l’un, à Laval, pour l’autre. Ils ont fait appel à des collègues professeurs d’université (français ou québécois), à des doctorants en géographie. A la fin de l’ouvrage, le parcours et les fonctions de chaque auteur sont rapidement présentés. Les emails des auteurs sont même fournis. Ces petites notes biographiques permettent de rendre compte de la variété des parcours de chacun des auteurs, révélatrices de la richesse de leur formation.
L’idée qui prédomine à l’organisation de cet ouvrage est celle que la mondialisation n’a pas effacé les frontières et les Etats. On assiste même à un retour du territoire. Un des changements marquants de la mondialisation est la redistribution des fonctions jadis assumées par l’Etat – nation. Ce changement marque une rupture totale dans l’analyse géographique des territoires. C’est d’autant plus paradoxal que le nombre d’Etats ne cesse de croître depuis 1945. La géographie des réseaux et la métropolisation l’emportent désormais avec la mondialisation.
Pourtant, la croissance des échanges ne touche pas la planète de la même manière. Les lieux reprennent toute leur place. C’est pourquoi après une étude généraliste, les auteurs consacrent l’essentiel de l’ouvrage à l’étude des continents de l’espace monde. Des dossiers (appelés capsules) sont consacrés à des espaces types, sous forme d’étude de cas. Ainsi, le dossier consacré à Ground Zero (NY), premier site urbain global, rejoint à la fois le local et le global. Ce lieu n’est pas un lieu comme les autres. La forte participation au concours international de mémorial est un indice de l’importance de l’appropriation du lieu par la communauté globale. Ce site interpelle la communauté internationale comme jamais aucun site ne l’a fait auparavant. Les attentats ont été perpétués contre le symbole de la suprématie économique mondiale des Etats-Unis. Ces attaques du 11 septembre 2001 sont la source d’une profonde métamorphose de la géopolitique mondiale.
Le principal intérêt de la lecture de cet ouvrage, pour qui n’est plus étudiant de premier cycle, est de voir la géographie de la mondialisation par la lorgnette de nos collègues québécois. Même si de nombreuses références aux géographes anglo-saxons sont présentes au fil des pages et dans les bibliographies nombreuses qui clorent chaque chapitre et dossier, nos cousins québécois semblent plus au fait de ce qui se passe chez nous en géographie que nous sur leur champ disciplinaire. Cela tient, sans doute, au fait que leur parcours professionnel est souvent passé par la France. Ils proposent une analyse distanciée de la Nouvelle Géographie et de la géographie critique.
Ainsi, si l’on retient l’exemple de l’Europe pour apprécier les différences de regards, on est interpellé par l’approche retenue par l’auteur de ce chapitre : Mario BEDARD. Celui-ci choisit de traiter dans ce chapitre de l’Europe en tant qu’espace diversifié dans le cadre d’une gouvernance limitée. L’Union Européenne est donc au centre de son propos. Or, son approche demeure ambiguë. Il offre une définition de l’Europe qu’il tend à identifier à l’Union Européenne. La confusion est bien présente et l’on peut craindre qu’elle ne s’immisce dans la tête des étudiants. Ainsi, il inclue la Moldavie, l’Ukraine et la Biélorussie à son étude (à noter que ces pays sont parallèlement traités dans le chapitre sur l’Ex-URSS). Il estime que ces pays sont désireux de s’européaniser afin de s’affranchir de la Russie. De même, les tableaux statistiques, qui jalonnent le chapitre, présentent les chiffres des Balkans, y compris de la Serbie et de l’Albanie. Toutefois, la Turquie ne figure dans aucun de ces tableaux, contrairement à Chypre alors que l’auteur affirme que son entrée est inéluctable, dans l’avenir. Les débats qui animent le vieux continent sur la question des limites de l’Europe ne sont évoqués que tardivement dans le chapitre. C’est d’autant plus gênant, pour nous autres Européens, puisque la définition de l’Europe et de ses limites est un enjeu important pour les élargissements à venir.
De même, la vision, pour un nombre croissant de non Européens, de l’Union Européenne comme un modèle de société particulier, comme une option à la globalisation sauvage, a de quoi interroger, même si les paradoxes et les blocages de l’Union sont bien montrés. C’est l’un des attraits de cette vision distanciée.
Le monde dans tous ses Etats est un ouvrage très pratique à manier et à consulter. Les nombreux tableaux statistiques, les cartes sont idéales pour faire le point sur la situation d’un espace. Le système des capsules est très bien pour préciser un point et s’informer rapidement sur un exemple. Toutefois, certains de ces dossiers ont un caractère très pointu, d’autres sont très économiques et trouvent difficilement leur place dans un livre de géographie.
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