Jean-Paul Demoule: Le néolithique, à l’origine du monde contemporain, La documentation photographique. Mai-juin 2017, La documentation française, 11,90 €

L’étude de la Préhistoire, qui avait disparu des programmes en 2008, retrouve une place dans les nouveaux programmes applicables à la rentrée 2016. Le Néolithique y fait l’objet d’un sous-thème, qui permettra de montrer aux élèves la place importante de cette période qui constitue une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité.
Ce dernier numéro de la documentation photographique qui vient de nous parvenir est consacré au néolithique, à l’origine du monde contemporain. Il constitue une excellente mise au point à destination des professeurs du collège qui doivent, pour la dernière année du cycle trois, assurer la présentation de cette période.
On appréciera le point fourni par Jean Paul Demoule, professeur de protohistoire européenne à la Sorbonne et membre de l’institut universitaire de France. En une quinzaine de pages on arrive à peu près à balayer 10 millions d’années, au moment de la séparation entre nos ancêtres sont des grands singes actuels. Du reste humain le plus ancien, celui de Toumaï qui remonte à 7 millions d’années, jusqu’aux australopithèques, en passant par les Homo habilis et les Homo erectus, on se retrouve finalement dans un passé très proche, celui de Neandertal, même si l’on évoque également l’homme de Denisova, qui semblerait distinct de son cousin européen, et dont les traces ont été découvertes dans une grotte de Sibérie en 2010.
Resté en Afrique l’Homo erectus continu d’évoluer pour donner naissance entre 200 000 et 100 000 ans avant notre ère à l’homme anatomiquement moderne, appellation qui remplace l’Homo sapiens sapiens.

De Toumaï à Sapiens

Ce sapiens est un migrant dans l’âme, il prend possession de l’ensemble de la planète à partir de l’Afrique, Jean Paul Demoule précise que ce n’est pas forcément pour le bien de celle-ci. -90 000 au Proche-Orient, -60 000 en Asie -50 000 en Australie -40 000 en Europe et entre -30 et 20 000 ans en Amérique.
Le sapiens rencontre ses cousins, Neandertal, Denisova et Florès, découvert dans une grotte d’Indonésie, un homo de petite taille, adapté aux milieux insulaires. La génétique indique que sapiens se serait croisé avec les espèces rencontrées, ce qui se retrouve dans le patrimoine génétique des hommes actuels. Pendant cette période, entre la dernière glaciation commencée vers -115 000 et qui s’achève vers -10 000, sapiens reste un chasseur-cueilleur, cohabite sans doute avec Neandertal, qui peu à peu laisse la place.
De multiples cultures, basées sur des objets datent de cette époque, comme l’aurignacien ou le magdalénien ou encore le solutréen. Ce sont les outils de pierre et d’os qui permettent de les différencier.
Le réchauffement climatique progressif entre -12 000 et -10 000 favorise peu à peu une forme de sédentarisation que l’on appelle le mésolithique, où les chasseurs du paléolithique vivent désormais dans un environnement plus tempéré. Le chien aurait été domestiqué à cette époque, quelques habitats pérennes en bord de mer s’installent, même si la sédentarisation commence hors d’Europe, avec la domestication de certaines espèces animales et végétales comme le millet dans le bassin chinois du fleuve Jaune, le riz dans celui du Yangzi, et simultanément le buffle, le poulet et le port.
Lorsque le blé sont domestiqués au Proche-Orient ainsi que le chien, le mouton, la chèvre, le porc et le bœuf. En Nouvelle-Guinée la banane, le taro et le port ; le piment, la pomme de terre et le maïs dans les Andes, avec le lama et le cochon d’Inde. Au Mexique le maïs, l’avocat, la courge le haricot se développent tandis qu’en Afrique, le mil et le sorgho sont cultivées.
D’après Jean-Paul Demoule, les conditions trop favorables n’ont pas favorisé la domestication, dès lors que des ressources abondantes existent sur place, comme pour la civilisation de Jomon au Japon qui découvre la poterie vers -14 000 mais qui vit pour l’essentiel de ressources aquatiques qu’il suffit de se baisser pour les ramasser !
De même les amérindiens des grandes plaines d’Amérique du Nord n’ont a priori aucune raison de domestiquer le bison qui se développe en abondance spontanément. C’est donc dans un environnement intermédiaire ou la domestication des animaux des plantes offre un avantage par rapport au mode de vie antérieure que l’agriculture élevage sont apparus.
En même temps que l’on domestique des espèces végétales ou animales, il faut développer les techniques pour les conserver, les protéger des prédateurs, empêcher la germination des semences, qui les rendrait impropre à la consommation par exemple.

Domestiquer le monde

La domestication des animaux semble avoir suivi une autre démarche, et aurait pour origine une sorte de jeu gagnant-gagnant, le chien devenant un auxiliaire pour la chasse et la garde en échange du gîte et du couvert. La domestication implique, notamment à l’égard des animaux un rapport de domination, l’espèce humaine s’extrait alors de la nature dont elle considérait qu’elle faisait partie pour la dominer par son exploitation.
Les conséquences à moyen long terme se poursuivent encore, comme le boom démographique. La sécurisation alimentaire favorise la natalité ; le différentiel entre les femmes sédentaires avec un cycle gestationnel d’un enfant par an s’impose à celui des chasseuses qui avaient une naissance tous les trois ans en moyenne.
Cette expansion démographique mais clairement la nature en danger, par l’extension des surfaces agricoles, et par une remise en cause progressive et irréversible de la biodiversité. Les petits groupes de chasseurs-cueilleurs disparaissent peu à peu, sauf dans certaines régions très isolées, et s’ils ont pu survivre jusqu’à aujourd’hui, pour les pygmées de la forêt équatoriale africaine, les Bochimans ou dans les régions polaires de l’Alaska du nord de l’Eurasie, c’est sans doute grâce à des efforts de préservation importants.
La révolution néolithique est très clairement irréversible, et à partir du Proche-Orient à l’origine de la néolithisation de l’Europe, on retrouve des peuples de chasseurs-cueilleurs comme Les Natoufiens, du nom d’un cours d’eau de Cisjordanie qui commence domestiquer le chien, moissonné blé et orge sauvage avec des faucilles en silex et peu à peu se sédentarisent. C’est ce paysage de savane qui incite les chasseurs-cueilleurs à sécuriser leurs ressources alimentaires, à développer les techniques de conservation des semences, avec la poterie, et peu à peu à protéger leurs biens par des édifices en pierre.
Du Proche-Orient à l’Europe en passant par l’Asie Mineure, ces différentes sociétés se développent, avec comme identifiant pour les différencier les poteries, comme les céramiques linéaires ou enrubannées de la seconde moitié du sixième millénaire avant notre ère.
C’est au début du cinquième millénaire que les limites de l’Atlantique sont atteintes. Des populations nombre sans cesse croissants doivent vivre partir des seules ressources de la presqu’île européenne, elles vont donc s’affronter pour des territoires.
Cela correspond d’après l’auteur à l’âge du cuivre, le chalcolithique, et à l’apparition des premières sociétés inégalitaires. C’est d’ailleurs dans cette façade atlantique, que sont élevés les monuments mégalithiques de terre et de pierres qui apparaissent comme des marqueurs de pouvoir sur un territoire, en même temps qu’il permette de légitimer l’appropriation de l’espace par la présence de l’esprit des ancêtres qui sont inhumés.
En Asie centrale méridionale des interactions multiples sont à l’origine de la constitution de sociétés où la culture de l’échange de biens de prestige et de biens alimentaires permet la constitution de civilisations urbaines dans une longue chaîne qui s’étend de la Mésopotamie et la vallée de l’indice en passant par l’Iran et les oasis d’Asie centrale.
À partir du foyer chinois se développe, à partir du sud-est de la Chine actuelle, entre le huitième et le septième millénaire avant notre ère différent groupes plus ou moins sédentaires d’où émergent différentes élites. Cela est attesté par la présence de tombes de prestige, avec un mouvement de complexification sociale intense.

Des structures sociales complexes

On retrouve simultanément des mouvements de ce type dans les différents espaces des Amériques ainsi qu’en Afrique.
Il est évidemment extrêmement difficile de résumer en trois feuillets le texte très dense de Jean-Paul Demoule, mes lectures attentives permet déjà de disposer pour le professeur d’une base extrêmement solide pour aborder cette période.
Ce numéro de la documentation photographique est divisé en cinq parties qui reprennent les grands thèmes qui ont été abordés dans les pages introductives. On commencera par les migrations, avec une iconographie très riche, permettant de redécouvrir les routes empruntées par nos lointains ancêtres à partir de cette zone de l’Afrique de l’Est, le lac de Turkana d’où l’Homo erectus est parti à la conquête du monde.
Les différentes hypothèses sur les rencontres des migrations de sapiens dans le monde sont abordées, notamment sur l’origine des premiers Américains ou hypothèses asiatiques est confrontée à l’hypothèse des navigateurs solutréens qui se répartit des cotes Européennes vers le continent américain. Cette hypothèse de Clovis, qui n’a rien à voir avec le mérovingien bien connu, désigne cette culture préhistorique paléo indienne dans la forme des outils en os et en pierre taillée.
Les questions génétiques sont également abordées, notamment pour le peuplement de l’Europe, et dans le corps du texte on retrouvera les liens vers les articles des publications du CNRS qui vienne argumenter les différentes thèses envisagées.
La deuxième partie est consacrée à la révolution néolithique dans le monde, et on appréciera cette carte très précieuse qui montre comment l’agriculture est apparue, avec les différentes espèces animales et végétales qui ont été domestiquées. Ces hommes néolithiques n’étaient pas simplement des agriculteurs sédentaires, ils ont dû se heurter à la résistance des chasseurs-cueilleurs, dont certains fournissent, comme la culture jomon au Japon
un excellent exemple. Ces populations semblent avoir, pendant la période interglaciaire de l’holocène, entre le quatrième et troisième millénaire, sur exploiter les ressources naturelles. Cette culture qui relevait essentiellement de l’exploitation de ressources faciles à prélever était donc menacée à terme.
Tous les aspects de la culture matérielle, des structures de la société ainsi que l’apparition des villes et des états, jusqu’à la naissance de l’écriture sont abordées dans cette publication. Dans la plupart des cas des références bibliographiques très accessibles, comme des numéros de la revue Histoire, ou des liens vers des sites Web, permettent d’enrichir la documentation dont on peut avoir besoin pour assurer un enseignement de qualité sur un sujet qui n’est pas forcément évident, et sur lequel les études antérieures des professeurs ne les ont pas forcément préparés.