Le peintre oublié, sous titré Thomas Girtin, 1775-1802. Il est vrai que le nom de cet aquarelliste anglais du XVIIIe siècle ne parle que fort peu au grand public, dont je suis. Et pourtant …
Dans le très beau roman graphique d’Oscar Zarate, le nom de ce peintre apparaît pour la première fois au travers d’une conversation entre trois amis, Fred, Sarah et Arturo, amateurs d’art et participant à un même atelier de dessin.
Progressivement, la vie de Girtin, ses combats et ses conceptions artistiques vont innerver les parcours de vie des trois protagonistes de la bande dessinée.
Né en 1775, Thomas Girtin va révolutionner la perception que l’on pouvait avoir du paysage et, tout comme Turner, son rival et ami, il hisse l’aquarelle au rang de genre majeur dans l’art de peindre.
Les deux plasticiens ont le même mécène, le Dr Monro, qui les encourage à sortir et à dessiner ce qu’ils peuvent observer. Par la suite, Girtin a pour mécène le richissime Edward Lascelles qui commande au peintre une série de dessins du Pays de Galles. Girtin s’expose physiquement aux intempéries, alors même que son état de santé se dégrade rapidement, et réalise des chefs-d’œuvre. Osar Zarate, auteur de cette belle bande-dessinée, en propose des reproductions comme le « Château de Bamburgh », « Storiths Heights » ou encore « La maison blanche à Chelsea ».
Girtin est également pétri de valeurs républicaines et se coupe les cheveux en pleine période révolutionnaire française en signe de soutien. Novateur, il crée également une « installation » qui a pour nom Eidometropolis et qui consiste en une immense vue panoramique de Londres à 360 degrés. Les spectateurs étaient invités à en faire le tour de façon à appréhender pleinement la ville.
Ce jeune homme qui décède à 27 ans seulement, bouleverse les trois héros en remuant leur passé et les aide à affronter leur présent : Sarah choisit de regarder de manière lucide son existence, Arturo se replonge dans ses années de militantisme douloureuses en Argentine et Fred, qui pour avoir enquêté sur un groupe véreux comme agent du fisc se retrouve licencié, doit faire le choix de poursuivre, ou non, une « quête » de justice.
Avec de superbes dessins et une immersion plus large dans l’univers artistique d’Oscar Zarate (Picasso, Cézanne, Schiele ou encore Pina Bausch sont également présents dans cet ouvrage), Le peintre oublié réussit pleinement à nous faire découvrir Thomas Girtin et surtout apprécier son œuvre, celle d’un peintre d’exception dont Turner aurait dit que s’il avait vécu plus longtemps, lui-même serait mort de faim.
Grégoire Masson