Avec Ce qu’il reste de nous, Jacques Terpant signe une œuvre à la fois intime et historique, un récit graphique ample et mélancolique qui explore, à travers plus de dix siècles, la lente transformation et la disparition d’une société agraire traditionnelle française. Depuis le village d’Hostun, dans la Drôme, d’où il est originaire, l’auteur tisse un hommage pudique et profond à la civilisation paysanne qui a façonné la France pendant plus de mille ans.

Construit en six récits successifs, cette bande dessinée suit le fil du temps à travers des scénettes ancrées dans des époques différentes, de l’an mil jusqu’au XXe siècle. Chacune prend racine dans le même lieu, cette petite communauté rurale, théâtre des lentes mutations sociales, religieuses, politiques et économiques qui ont marqué la campagne française. Hostun devient ainsi un microcosme, témoin de la féodalité, de l’emprise de l’Église, des guerres, de l’exode rural, de la modernité rampante et de l’effacement progressif d’un monde centré sur la terre.

Jacques Terpant s’inscrit dans la lignée d’écrivains de la terre, qui parlent d’un monde en train de s’effacer, et dont les récits portent la mémoire de ce passé désormais révolu. Comme eux, Jacques Terpant appartient à une génération qui a connu les derniers reflets de cette civilisation rurale avant sa disparition, et qui ressent profondément cette rupture entre l’homme et la terre.

Graphiquement, l’album séduit par la beauté de ses dessins : un trait précis, des couleurs sobres, une atmosphère authentique, à la fois rude et contemplative. Le rythme narratif, lui, est volontairement lent, à l’image de cette société agraire où le temps semblait s’étirer, marqué par les saisons et les traditions. Chaque histoire nous plonge dans une époque avec justesse. Si le lien thématique est fort, la progression narrative peut sembler hachée, chaque chapitre s’arrêtant sur lui-même sans relance directe vers le suivant.

Malgré cela, Ce qu’il reste de nous reste une œuvre sincère, sobre et touchante. Jacques Terpant y livre un récit profondément personnel, un geste de mémoire, un hommage à ses racines et à ce monde paysan aujourd’hui sûrement disparu.