Trop rarement cité dans les publications spécialisées, Jacques Canaud et un des pionniers de l’histoire de la Résistance en France durant la Seconde Guerre mondiale. Enseignant dans le primaire puis dans le secondaire, agrégé d’histoire, il a soutenu dès 1979 une thèse de doctorat sous la direction du professeur René Rémond sur « Les maquis du Morvan ». Cet objet de recherche historique était alors très rare et il fallait beaucoup de courage pour entreprendre des recherches qui nécessitaient d’avoir largement recours aux archives privées et aux témoignages oraux.
Pendant des années, Jacques Canaud noua de nombreux contacts avec d’anciens maquisards et chefs de maquis qui lui confièrent des documents indispensables à la connaissance des maquis du Morvan. À ces sources d’accès difficile, il ajouta bien évidemment le dépouillement d’archives publiques, départementales et nationales. Il livra la première étude scientifique sur les maquis, leur implantation, leurs actions, leur sociologie, leur rôle dans la libération du territoire.Cet ouvrage essentiel connut plusieurs éditions, la dernière en 1995. Coauteur d’un ouvrage sur « La Bourgogne dans la Seconde Guerre mondiale » (éditions Ouest-France, 1986), il étendit son champ de recherche initiale à l’ensemble des maquis de France et publia en 2003 aux éditions de l’Armançon « Le temps des maquis ». Cet ouvrage est aujourd’hui réédité, sans mise à jour, aux éditions De Borée. Trois parties le composent : « Unité ou diversité » (70 pages), « Organisation et vie quotidienne » (110 pages), « Reconquête militaire espérances politiques » (150 pages).

Jacques Canaud nous propose une étude globale des maquis sur le territoire français, de leur apparition dans l’hiver 1942-1943 à la libération du territoire français à l’été et l’automne 1944. Son étude s’appuie sur sa parfaite connaissance des réalités morvandelles et bourguignonnes mais aussi sur la lecture de très nombreuses études départementales ou régionales, sur le dépouillement de dossiers dans divers dépôts d’archives départementales, et sur l’étude de plusieurs journaux de marche de régiments allemands.

Les ancêtres

Les maquisards de 1944 ont eu de nombreux ancêtres qui, sous le nom de « partisans » ont combattu l’envahisseur napoléonien par la guérilla, les embuscades, le harcèlement, dans les montagnes d’Europe centrale ou les sierras espagnoles. Mais ce sont sans doute, pendant la guerre de 1870-1871, les partisans qui essayaient de combattre les troupes prussiennes victorieuses qui sont les plus proches d’eux. On les appelait alors les « francs-tireurs ». Dans chaque région, on fera référence à l’histoire locale, et ses références furent très diverses. « On pourra en même temps, exalter, dans l’Est de la France, l’exemple des armées révolutionnaires de 1793, et, au même moment, dans le Maine ou la Bretagne, chercher un modèle dans la chouannerie. » Chacun va chercher sa force dont les racines de l’histoire locale.

Définitions

Jacques Canaud retient la définition proposée en 1963 par l’historien Henri Michel : est considéré comme maquis « tout groupement d’hommes armés, engagés contre l’ennemi, dans les montagnes et dans les forêts, avant les opérations de la Libération ». À l’origine, l’expression « prendre le maquis » a un sens très large, assez proche du sens étymologique : il s’agit de se réfugier pour se cacher, sinon dans le maquis corse, du moins dans une région isolée et presque toujours forestière. Devenir maquisard, c’est quitter la ville où le village, et s’engager dans la guérilla et la lutte armée.

Il y a donc des impératifs absolus de site et de situation pour l’implantation d’un maquis, puisqu’il doit être protégé par un milieu naturel qui devra être, pour l’ennemi, le plus inaccessible possible. Des petits maquis ont pu se constituer à proximité de villes, ou dans des régions plus bocagères que forestières. Tous ont été, du moins dans la première période de leur existence, nécessairement nomades: cet aspect fondamental rend très difficile à l’historien la localisation précise des maquis. Certains maquis eurent une durée d’existence éphémère, d’autres, nés à la fin de l’année 1942, se sont maintenus jusqu’à la libération.

Évolution générale

La diversité, parfois poussée jusqu’à l’extrême, fut une caractéristique des maquis. Cependant, à l’échelon de la province, du département, ou du « pays », la plupart des maquis suivirent, dans les grandes lignes, la même évolution. L’historien retrouve très souvent les mêmes étapes, bien que décalées dans le temps, la même progression d’ensemble.

Le premier point commun auquel aucun maquis ne semble avoir échappé, c’est l’importance et la prédominance d’un chef, plus ou moins charismatique. « Il y a, dans la quasi-totalité des maquis, et d’abord dans les plus anciens, une structure de type féodal, basée sur des liens d’homme à homme, un lien tissé dans la clandestinité (…) Rejoindre le maquis c’était d’abord, surtout en 1943, rejoindre un homme, une personnalité, un chef, dont le prestige s’était affirmé localement, et dont on connaissait plus ou moins bien les exploits, le courage et les origines. Monter au maquis, c’était rallier ce combattant des bois, qui se cachait sous un pseudonyme, souvent un simple prénom. »

Le second point commun qui concerne la presque totalité des maquis, est leur évolution, dans le temps, par étapes, par phases successives, lesquelles vont s’étaler dans un temps plus ou moins long qui, dans la majorité des cas, se situe entre deux et dix-huit mois. Cette évolution se caractérise par quatre, et dans certains cas, cinq étapes successives.

Le noyau mobilisateur. « A l’origine de la plupart des maquis, on trouve un petit groupe de volontaires, courageux et énergiques, qui vont constituer, dans des difficultés souvent incroyables, le premier noyau du maquis. Malgré des différences nombreuses, ce noyau mobilisateur répond à quelques critères communs. » Ce noyau est numériquement faible, cinq ou six hommes qui obéissent à un chef. Ce petit groupe mène une existence précaire et nécessairement nomade. Il lui faut se loger et se ravitailler. La population des campagnes reste méfiante. Repéré, il doit partir. C’est au printemps 1943 que naquirent la plupart des maquis, en hiver les conditions devinrent terribles, et les maquisards durent souvent se réfugier dans les fermes ou les villages voisins.

Le maquis refuge constitue la seconde étape. Les réquisitions de main d’œuvre gonflent les effectifs des maquis. Nombreux sont cependant les réfractaires qui ne sont pas devenus des résistants, qui se sont cachés, dans des fermes, dans des chantiers forestiers ou ailleurs. Certains ne devinrent jamais des maquisards, d’autres le devinrent plus tard, après le débarquement de Normandie. C’est l’époque ou les cadres clandestins et les sédentaires recrutent pour les maquis. La croissance des effectifs est très forte à partir de juin 1944. Quatre problèmes se posent alors au maquis refuge : l’hébergement, l’armement, l’encadrement et le ravitaillement. Le nomadisme demeure nécessaire pour ces plus gros maquis, fatiguant les hommes et multipliant les risques d’accrochages avec l’ennemi.

Le maquis de combat est la troisième étape. Le passage est lent, progressif, inégal selon les organisations et les régions ; les deux étapes se chevauchent : on continue d’affluer au maquis en juillet et août (il est donc un refuge) alors qu’il combat. Deux conditions doivent être réunies pour que cette étape puisse être franchie : il faut qu’il soit armé et qu’il soit encadré. L’armement des maquis durant l’été 1944 se fait par des parachutages. Dans diverses régions, dont le Morvan, des missions Jedburgh (http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2274) et des missions SAS alliées sont parachutées en juin et juillet. Composées de soldats de métier, parfaitement entraînés et bien armés, ces missions renforcent considérablement les maquis et leur permet de livrer de véritables combats.

Le maquis libérateur constitue la quatrième étape. Mieux armé, mieux encadré, le maquis sort de la clandestinité pour passer à l’offensive. Son prestige s’accroît et les recrues affluent ; les maquisards libèrent villes et villages. Les maquisards furent ainsi amenés à libérer des régions entières, à commencer par les départements où ils étaient les plus actifs et où les parachutages avaient été les plus abondants. Les premiers libérés furent les départements de la Haute-Savoie, de la Haute-Vienne et de la Corrèze.

Le maquis alibi est celui qu’on gagne après la Libération ! Si certains de ces maquisards ne sont que des ouvriers de la 11ème heure, il ne faut pas oublier qu’il en est d’autres qui signent un engagement « pour la durée de la guerre » et partent pour les Vosges où ils vont combattre dans les rangs de la 1re Armée française.

Implantation et installation

Au début, les maquisards s’installent un peu n’importe où, dans les endroits les plus inattendus, « dans l’inconfort le plus total et aussi dans l’improvisation la plus déroutante. » Le choix du lieu, même improvisé, doit répondre à quelques critères : l’endroit doit être isolé et difficile à repérer, la plupart du temps il sera donc à l’abri d’un vaste manteau forestier ; il faut que le maquis soit accepté dans son milieu : même peu nombreux, les hommes ne peuvent ni vivre, ni survivre, sans l’aide de la population locale. Ce sont surtout les régions rurales pauvres qui seront les plus accueillantes. Souvent victimes de l’exode rural (Causses, Cévennes, Morvan, Cantal, Quercy), elles disposaient de fermes, de granges, de bergeries, constructions souvent abandonnées et partiellement en ruines, qui offraient un abri sûr aux maquisards. En montagne on s’installe dans des chalets d’alpage : il y avait sur le plateau des Glières une quarantaine de vieux chalets, destinés à abriter les troupeaux et leurs bergers pendant l’été. Une dizaine de familles y vivait encore en permanence, y compris en hiver, quand les premiers maquisards sont montés sur le plateau.

Le maquis doit se camoufler, et il est fréquent qu’il s’installe dans des cavernes. Quand les grottes naturelles font défaut, on creuse des « sapes », on aménage des « gourbis », on creuse des trous et l’on édifie des talus protecteurs. Mais il arrive aussi que certains maquis, confiants et sereins, ou inconscients, souvent limités à de petits groupes locaux, aillent s’installer « bourgeoisement », en plein milieu du village !

Durant le printemps et l’été 1944, les hébergements se perfectionnèrent. Les parachutages permirent une utilisation massive de toiles de parachute pour faire des tentes de très bonne qualité. Le maquis devient alors un petit village de constructions hétéroclites, cabanes, baraquements, tentes. Les constructions se spécialisent répondant à des besoins particuliers : infirmerie, dortoirs, magasins, cuisines, intendance, poste de commandement etc.

Des hommes des bois

Les troupes allemandes, surtout dans la grande retraite de l’été de l’automne 1944, craignaient de traverser les grandes régions forestières. Les petites routes du Jura ou du Morvan s’enfonçaient comme des tunnels dans les grands massifs forestiers, où étaient dissimulés les maquisards, organisés en « bandes » menaçantes. En effet, « si l’on trouve une diversité extrême des caches, des refuges et des planques, il y a toujours une constante presque absolue, c’est la nécessité de vivre au milieu des forêts. » Les maquisards y retrouvent une sorte de liberté primitive, mais ils doivent s’adapter à un milieu un peu sauvage et très contraignant. Il faut abattre les arbres, tailler les planches, scier les rondins pour construire les cabanes ; il faut aussi faire du feu, sans se faire repérer.

Il y avait alors dans les forêts françaises de très nombreux chantiers forestiers, où l’on fabriquait du charbon de bois, absolument indispensable pour faire fonctionner les gazogènes que l’on avait dû adapter sur les automobiles, faute de carburant. Ces chantiers ont souvent servi de refuge aux réfractaires du Service du Travail Obligatoire, venus des villes, et désireux de se cacher, sans avoir toujours la volonté de gagner un maquis. Les employés ou les cadres des eaux et forêts ainsi que les gardes-chasse, ont souvent été de précieux auxiliaires pour les maquis.

Maquisards et villageois

Un maquis ne pouvait pas vivre, ni même survivre sans une aide active régulière des paysans, et plus généralement des villageois, en particulier pour tout ce qui concernait la nourriture et le ravitaillement. Par de nombreux exemples empruntés à diverses études régionales, départementales ou locales, Jacques Canaud montre le rôle fondamental des petites agences postales rurales, celui des épiciers, des boulangers, des facteurs, des curés, des paysans, des instituteurs (souvent secrétaires de mairie), des médecins, des gendarmes pour permettre aux maquisards de vivre et au maquis d’exister.

Il montre aussi la véritable symbiose qui existe souvent entre le village et le maquis, les jeunes du maquis se rendant régulièrement au village pour aider aux travaux des champs, les habitants du village aidant les maquisards, par exemple hors de la réception d’un parachutage. « On arrive donc à une notion plurielle du maquis, avec le maquis proprement dit, ou encore « maquis groupé » installé dans un camp milieu des forêts, et dans le ou les villages voisins, un « maquis diffus », avec toute une série de liaisons et d’actions complémentaires entre les deux (…) Le point culminant de la coopération entre villageois et maquisards est peut-être la mise sur pied par certains chefs de maquis, d’une structure intermédiaire entre le maquis proprement dit et les villageois. Ce sont les « milices villageoises », constituées de personnes qui continuent leur activité sur place, tout en étant presque en permanence susceptible de travailler pour le maquis, de lui fournir aide et assistance. »

« Après le 6 juin 1944, dans une atmosphère totalement irréaliste de soulèvements populaires locaux, les gens des villages vont perdre parfois toute retenue, toute prudence, toute discrétion. La sympathie pour les maquis devient trop démonstrative et parfois même festive, lors de grands parachutages (…) Parfois ce sont les Alliés eux-mêmes qui allaient contribuer à susciter, un peu partout, cet enthousiasme tout à fait excessif est prématuré. Le 14 juillet 1944, sont envoyés aux maquis, en Auvergne, en Savoie, dans la Bourgogne ou le Limousin etc. des parachutages massifs, en plein jour, avec des parachutes bleus, blancs et rouges ! »

Résoudre les problèmes de la vie quotidienne

La première préoccupation était d’assurer le ravitaillement du maquis. Les maquisards chassent dans les bois et peuvent éventuellement troquer du gibier contre des légumes, de la viande ou du vin. Mais cette situation ne permet pas de nourrir des dizaines de jeunes hommes actifs. Les maquisards cherchent donc à s’emparer dans les mairies de tickets de rationnement, souvent d’ailleurs avec la complicité du maire ou du secrétaire de mairie. Ensuite s’établit tout un réseau de solidarité avec les minotiers, les boulangers, les bouchers, les éleveurs, qui permet de ravitailler correctement le maquis. Les situations étant extrêmement variables selon les régions, et selon les saisons. Le menu quotidien du maquisard était essentiellement composé de pommes de terre et de viande. Il apparaissait également indispensable de disposer de vin et de tabac (d’où les nombreuses opérations de réquisition dans les bureaux de tabac) et, pour les parachutistes britanniques, bien entendu, de thé.

Les maquisards sont jeunes et, dans leur très grande majorité, n’ont pas accompli leur service militaire. Il faut les occuper, maintenir la discipline, et assurer une instruction militaire. L’emploi du temps des maquisards est souvent très proche de celui des Chantiers de Jeunesse : exercices physiques, diverses corvées, exercices militaires. À ce propos, Jacques Canaud traite des parachutages, de leur inégalité selon les organisations et selon les maquis, du contenu très varié des conteneurs (armes, explosifs, mais aussi médicaments, cigarettes, argent etc.), de leur réception, de leur transport et de leur camouflage.

Approche sociologique

L’auteur insiste sur la nécessaire rigueur méthodologique à adopter et sur le caractère obligatoirement parcellaire des résultats, compte tenu de la large insuffisance des sources. La composition des maquis traduits des particularités locales ou régionales mais quelques tendances semblent affirmer : vaste brassage social, sur représentation des employés de la SNCF, de ceux des PTT, des instituteurs (qui de surcroît ont fourni de nombreux chefs aux maquis), présence d’étrangers issus de nombreuses nationalités, sous représentation des paysans (qui sont néanmoins très nombreux en valeur absolue, et qui d’autre part aident beaucoup, comme on l’a vu, les maquis, sans nécessairement y vivre), ainsi que des professions judiciaires. L’auteur consacre un assez long développement aux curés de campagne, aux religieux et aux monastères (aide au maquis et aux maquisards, participation directe à la vie du maquis voir engagement dans la lutte armée). Les femmes sont peu nombreuses dans les maquis, mais elles sont beaucoup utilisées comme « agents de liaison », ou comme infirmières. Beaucoup travaillent pour le maquis, sans y vivre. L’âge moyen des maquisards se situe vers 24 ou 25 ans, il n’est que de 20 ans si l’on fait abstraction de l’encadrement.

Tactique

Jacques Canaud pose la difficile question de l’efficacité des opérations de guérilla dans la libération du territoire et apporte avec nuance quelques éléments de réponse. Il constate que l’efficacité des maquis, dans la lutte armée, n’est pas proportionnelle au nombre des combattants, ou à la quantité d’armes parachutées. Des maquis importants, fortement armés, bien organisés restèrent attentistes, ou très prudents, alors que d’autres, plus modestes en effectifs et moins bien armés, se lancèrent dans les combats : essentiel fut ici le rôle du chef.

Deux thèses s’affrontèrent sur la manière de conduire la lutte armée. La première conception défendait la constitution de puissants maquis mobilisateurs retranchés dans des forteresses naturelles, fortement armés par des parachutages massifs. La seconde conception, diamétralement opposée, défendait la guérilla, les sabotages, à partir de petits maquis très mobiles. Une dizaine de grands maquis mobilisateurs dépassant tous le millier d’hommes furent constitués, en moyenne montagne ou en altitude (à l’exception du maquis breton de Saint-Marcel) au lendemain du débarquement allié : La Bresse (Vosges), Aigual-Cévennes, Quarré-les-Tombes (Yonne), Luzy (Nièvre), Saint-Marcel (Morbihan), mont Mouchet (Haute-Loire et Cantal), Vercors. Ce fut un échec, aussi bien au mont Mouchet, qu’à Saint-Marcel et bien sûr au Vercors. Les journaux de marche des officiers allemands donnent, indirectement, « la preuve irréfutable de l’efficacité de la guérilla constante, du harcèlement permanent, menée par les maquisards ».

Dans de nombreux départements, la libération s’effectua en fonction de l’avance des troupes alliées, les maquis ne jouant qu’un rôle très secondaire, mais dans d’autres, au contraire, ce sont les maquisards qui ont été presque exclusivement les libérateurs : dans le nord des Alpes, le sud du Jura, et dans la plus grande partie du Massif central.

Maquis et maquisards vus du côté des Allemands

Les Allemands ont toujours considéré et affirmé que les résistants et les maquisards étaient des partisans, des francs-tireurs, des criminels, et le terme utilisé le plus souvent est celui de « terroristes ». Ils ne respectent pas la Convention d’armistice signée le 22 juin 1940 avec la France, qui défend d’entreprendre toute action hostile contre le Reich allemand. Ils ne sont donc pas considérés comme des soldats ou comme des combattants réguliers et ne sont pas protégés par les conventions internationales. Les Allemands considèrent qu’ils sont méprisables car ils se dissimulent sous des vêtements civils et tirent dans le dos des soldats allemands. Il est donc clair et sans ambiguïté qu’ils doivent être exécutés s’ils sont faits prisonniers. Comme il est difficile de distinguer les maquisards des paysans, et que paysans et villageois aident les maquisards, les représailles contre les fermes et les villages sont justifiées.

Ce sont des troupes auxiliaires, composées de « volontaires étrangers », qui sont en réalité des supplétifs, qui sont chargés de la répression des « bandes de terroristes ». On trouve de nombreuses nationalités dans ces troupes : Russes, Géorgiens, Baltes, Cosaques, Azerbaïdjanais, Turcs, Hindous etc. Les Allemands les choisissent car, étant très indisciplinées, insuffisamment motivées et équipées pour combattre les armées alliées, ces troupes peuvent libérer toute leur agressivité contre les maquis. Les désertions se multiplièrent néanmoins durant l’été 1944, et de très nombreux maquis ont ainsi « leurs Russes », terme très vague et très général. L’objectif de ces troupes de supplétifs est de traquer, d’éliminer les maquisards, et ensuite d’arrêter, d’emprisonner ou d’exécuter tous les habitants des villages soupçonnés de les aider : on parle de « chasse » et de « nettoyage ». La Milice française participe souvent à ces opérations qui s’accompagnent de terribles cruautés.

En août 1944, alors que l’armée allemande bat en retraite vers le Nord, une triple évolution se dessine dans l’attitude vis-à-vis des maquis : la Wehrmacht abandonne des zones entières aux maquis, le parti nazi s’efforce de reprendront mains les officiers de la Wehrmacht en envoyant des commissaires politiques auprès des officiers, l’attitude envers les maquis devient de plus en plus variable selon la personnalité et la formation des officiers.

La lecture de l’ouvrage est agréable et facile, l’auteur privilégiant largement le récit sur la conceptualisation, et donnant de nombreux exemples qui permettent de rendre compte de réalités concrètes qui sont ici essentielles.

© Joël Drogland