La première traversée de l’Atlantique Nord en radeau
L’entreprise était osée. D’ailleurs, rares sont les soutiens actifs lors des préparatifs de l’expédition. En 1955, le français Henri Beaudout entreprend de traverser l’océan Atlantique sur un radeau en bois, depuis Halifax au Canada jusqu’à Falmouth au Royaume-Uni. Durant la traversée, les 4 hommes et les deux chatons de l’Egaré II ne savent pas où ils arriveront. Les paris sont nombreux : Irlande ? Ecosse ? France ?
Cette expédition a connu une large médiatisation dans les années 1950 : deux articles dant Paris Match en 1956 (1er et 8 septembre), la traduction des récits des marins en plusieurs langues et de nombreuses interviews radiophoniques. L’expédition réussie rappelle alors celle du norvégien Thor Heyerdahl, quelques années plus tôt, en 1947, qui a relié la côté péruvienne à l’archipel des Tuamotu grâce à un radeau en bois. Un film sorti en 1950 paracheva la célébrité du navigateur norvégien. Pour Henri Beaudout, un film tourné sur le radeau permettra aussi de prolonger l’aventure par des conférences et des projections.
Ce roman graphique est l’oeuvre du canadien Ryan Barnett. Jeune réalisateur, il voit dans ce périple le potentiel d’un film documentaire. Il est d’autant plus chanceux que le principal protagoniste de l’expédition vit toujours au Canada, à Neuville et est désormais nonagénaire.
En explorant les archives (coupures de presse, émissions de radio, reportages télévisés), et en rencontrant la famille et les descendants des protagonistes de l’époque (Mireille Modena qui est la femme de l’opérateur radio de l’Egarée II ou Rose-Marie Comeau qui était la traductrice québécoise du français vers l’anglais d’Henri Beaudout), Ryan Barnett parvient à retranscrire la préparation, les échecs et le parcours réalisés par la petite équipe. Le livre oscille entre un récit et des passages dessinés. Le train des dessins de Dmitry Bondarenko sont fins et particulièrement réalistes.
« J’en suis arrivé à la conclusion qu’un esquif largué entre le 45e et le 50e de latitude nord devrait obligatoirement se rendre en Europe, et dans un laps de temps maximum de 100 jours ». Il voulait tester sa théorie en dessinant un radeau qui traversait l’Atlantique Nod par la seule action des vents et des courant. Il estima qu’il lui suffirait d’atteindre le Gulf Stream pour que ce courant chaud le porte tout le reste du parcours. « Puis je considérais qu’après un maximum de 100 jours, si l’Europe n’était pas en vue, eh bien que nous n’aurions peut être plus jamais soif ».
Ryan Barnett, L’Egaré – l’Atlantique en radeau, Glénat, 2021, page 25.
La première tentative de Beaudout sur l’Egaré I en 1955 sera un échec. Mais la seconde sera la bonne. Un peu mieux préparé, Henri Beaudout (29 ans), Gaston Vanackere (30 ans, cameraman), Marc Modena (29 ans, opérateur radio) et José Martinez (34 ans, cuisinier) partent sur l’Egaré II.
Voyage de l’Egaré II
Du 1er mars au 24 mai 1956
Le radeau :
- Base : 9 mètres de long x 5 mètres de large. Neuf troncs et six traverses en cèdre rouge de Colombie-Britannique., l’ensemble lié par 1800 mètres de corde de chanvre.
- Cabine : 3 mètres de long x 2 mètres de large x 1,20 mètre de haut. Construite en lattes tressées à la main.
- Mâts : deux mâts de 7,60 mètres de long, croisés en Y (bois léger local).
Ryan Barnett, L’Egaré – l’Atlantique en radeau, Glénat, 2021, page 71.
Source : Extrait tiré du livre « L’égaré – L’Atlantique en radeau » publié chez Glénat, Avril 2021, pages 118-119
En conclusion, une odyssée prenante qui allie efficacement la bande dessinée au documentaire. Le récit est prenant et le lecteur s’identifie vite aux différents membres de l’expédition. Un ode à la découverte et au dépassement de soi.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes