Les Anciens Combattants 1914-1940, Antoine Prost.

Antoine Prost nous fait d’abord prendre conscience du poids des anciens combattants dans la France d’ente-deux-guerres. En 1930, il y a 5.850.000 survivants, soit 45% de la population masculine et en 1935 il reste 5.490.000 survivants, soit 42% de la population masculine.
Son propos est de nous révéler qu’ils pèsent 20% du corps électoral, ce qui est considérable. Les 2 plus grandes associations sont l’Union Fédérale (U.F.) qui atteint 345.000 membres en 1926 et l’Union Nationale des Combattants (U.N.C.) qui atteint 317.000 membres en 1921.
Puis, l’auteur démonte le préjugé le plus fréquent sur les associations d’anciens combattants. On les imagine d’extrême droite, militaristes et bellicistes, à l’image des Croix de Feu du Colonel de La Rocque.
En fait, dans leur grande majorité, ils sont républicains, anti-militaristes et pacifistes. Ils n’ont qu’un souhait : que 14-18 soit la « der des der ». Pour eux le 11 novembre est la « fête de la paix ».
Prenons ensuite leurs souvenirs. D’abord, voir la mort de près, puis l’expérience de l’angoisse voir de la terreur. Mais aussi des souvenirs positifs : la fierté d’avoir surmonté l’épreuve, la solidarité entre combattants des tranchées et enfin l’aspiration à la vie.
Cela nous permet d’envisager la différence entre patriotisme et nationalisme. Le nationalisme est vu comme agressif, chauvin et cocardier. Le patriotisme, c’est l’amour de la patrie, mais pas depuis l’arrière ou par procuration. Le nationalisme décrié, c’est celui des anti-dreyfusards,de Barrès et Déroulède. Par contre Clémenceau est vu comme un patriote lucide.
A ce moment interrogeons nous sur la vision politique des anciens combattants. C’est d’abord une vision moralisatrice qui stigmatise l’esprit de parti et qui valorise les vertus civiques. C’est un appel à l’action,l’ancien combattant se veut au dessus des partis. Ses valeurs sont la compétence, la probité, le travail, l’ordre républicain, l’union des bonnes volontés, l’organisation et l’amour…
Nous trouvons ici deux citations : « Soyez tolérants, soyez unis au dessus des partis et des classes sociales » et « il est ennemi du mensonge et a horreur du bourrage de crâne ».
L’esprit combattant est donc un esprit de fraternité, de franchise et de réalisme. Il revendique un gouvernement sain, vigoureux et fort; et surtout un gouvernement qui sert l’intérêt général, « servir au lieu de se servir ». Il peut être anti-parlementaire car la politique, c’est la division des français. Il stigmatise l’imbécile bataille des partis, les disputes vaines et irritantes des partis et des classes. Les Anciens Combattants se veulent rassembleurs et unis.
En conclusion, Antoine Prost, qui a écrit ce livre en 1977, est convaincu que le mouvement combattant est un obstacle au fascisme français et aux ligues des années 30. Mais il constate aussi que Vichy et Pétain sauront récupérer les idéaux des anciens combattants, le rassemblement des Français au dessus des classes sociales. L’horizon du discours combattant,ce n’est ni Hitler, ni Mussolini, c’est Pétain!
L’oeuvre de « redressement national » et le discours moralisateur de Vichy vont donc dans le sens des aspirations des anciens combattants…
Ce livre est donc une excellente synthèse sur les combattants d’entre-deux-guerres, qui nous permet de les voir d’une autre manière, plus proche de leur réalité et de leurs valeurs.